05 mai 2008

Allocations familiales : des conditions d'attribution très choquantes...

Les AF sont les plus anciennes des prestations familiales
Avec la sortie du décret officialisant la suppression de la majoration unique des allocations familiales pour enfants, à l’âge de quatorze ans, pour les 1 698 000 bénéficiaires de cette allocation, le gouvernement de Nicolas Sarkozy confirme qu’il entend grignoter tout ce qui peut l’être encore, principalement sur le dos des salariés et de leurs familles. 

Il espère réaliser ainsi une nouvelle économie de 138 millions d’euros en vue de renflouer les caisses de l’Etat et de la Sécurité sociale mises à mal par le "paquet fiscal" et le cadeau de plusieurs milliards d’euros, accordé chaque année, aux catégories sociales les plus aisées du pays.

Non seulement, la politique familiale suivie par le gouvernement de François Fillon se réduit à une pitoyable ponction des crédits déjà affectés aux familles mais elle laisse intactes les nombreuses injustices des modalités de versement des allocations familiales…



Les prestations familiales sont destinées à compenser les charges de famille des personnes physiques françaises ou étrangères, résidant en France. Elles sont dominées par des aides ciblées vers les familles ayant de jeunes enfants à charge, les familles nombreuses et les familles monoparentales et sont versées par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF). 

Parmi ces prestations, les allocations familiales sont attribuées sans condition de ressources, à partir du deuxième enfant à charge. Leur montant est fixé en pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) et varie en fonction, du nombre d’enfants à charge :  
  • 120,92 € pour deux enfants
  • 275,84 € pour 3 enfants
  • 430,76 € pour 4 enfants
  • 154,92 € par enfant supplémentaire 
Une majoration de 34,01 € était versée par enfant de 11 à 16 ans, 60,46 € par enfant de plus de 16 ans. Après la dernière mesure gouvernementale, c’est une seule allocation de 60,46 € qui sera versée pour chaque enfant à partir de 14 ans. Elle est due au titre de chaque enfant pour les familles de trois enfants et plus. La majoration cesse d’être versée au vingtième anniversaire de l’enfant. 

De nombreuses anomalies et injustices


Première anomalie choquante : un couple avec un enfant à charge (souvent un jeune couple venant de débuter dans la vie, voire un couple en difficulté financière dont l’un des conjoints est au chômage, en temps partiel subi, etc.) ne touche pas d’allocations familiales. La France reste avec cette vieille idée qui consiste à favoriser les naissances en ne donnant pas d’allocations familiales aux familles dès le premier enfant (le décret-loi du 29 juillet 1939 a supprimé l’allocation au premier enfant au profit d’une prime à la première naissance). Mais l’éducation d’un enfant coûte aussi cher, sinon plus proportionnellement, que celle de deux enfants et plus ! 

Seconde anomalie révoltante : les familles modestes ayant deux enfants à charge au moins perçoivent exactement les mêmes montants d’allocation que les familles aisées vivant très confortablement (cadres supérieurs, professions libérales, PDG, etc.). Au nom d’une apparente égalité de traitement des familles, les notions de solidarité ou d’aide sociale sont ainsi bafouées en permanence et ce «principe d’égalité» creuse en fait, chaque jour un peu plus, les inégalités sociales. 

En troisième lieu, ces allocations ont été ponctionnées par le législateur d'une retenue de 0,5% au titre de la contribution au recouvrement de la dette sociale (CRDS) et les montants bruts de ces allocations deviennent en réalité :  
  • 120,32 € pour deux enfants
  • 274,47 € pour 3 enfants
  • 428,61 € pour 4 enfants
  • 154,15 € par enfant supplémentaire  
Enfin, le montant des différentes prestations familiales est fixé en pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) qui était de 377,86 € au 1er janvier 2008.

C’est ainsi que le montant des allocations familiales pour 2 enfants est égal à 32% de la BMAF (soit 120,92 € bruts), celui de l’allocation de parent isolé égal à 150% (soit 566,79 € bruts), etc… 

Cette base est revalorisée chaque année par décret mais sans tenir compte de l’augmentation réelle du coût de la vie. Son montant de 374,12 € au 1er janvier 2007, est passé à 377,86 € le 1er janvier 2008, soit une augmentation de 1,0% alors que l'inflation a été de 2,6% en 2007 ! On peut donc en conclure que le gouvernement de François Fillon a réduit de 1,6% le montant des prestations familiales en 2007 alors que certains médias «bien-pensants» nous présentent cette revalorisation de 1% comme un progrès !

Il en est ainsi de très nombreuses allocations ou prestations diverses (pensions, rentes, indemnités journalières, etc.) servies par d’autres organismes de sécurité sociale qui diminuent d’année en années dans l’indifférence générale car elles ne sont pas indexées sur le taux réel annuel de l’inflation. Ce phénomène de non-indexation systématique sur le coût de la vie (c’est aussi le cas pour les salaires depuis le tournant de la rigueur en 1983…) conduit à une véritable paupérisation de l’ensemble des salariés et de leurs familles.

Et aujourd’hui, cette situation est très préoccupante, en particulier pour les 7,1 millions de personnes pauvres (12,1% de la population), au sens des critères retenus par l’union européenne, qui touchent 60% du revenu médian et qui vivent avec moins de 817 € par mois. Sans compter les quelque deux millions de salariés payés au SMIC (12,9 % des salariés du privé, hors entreprises agricoles et intérim).

Une réforme indispensable et urgente


Depuis 1978, les prestations «familles» et «maternité» ont été étendues à l’ensemble de la population, sans condition d’activité professionnelle et elles représentent aujourd’hui, en masse financière, environ 44 milliards d'euros versées par la CNAF, soit 2,8% du PIB. Parmi ces prestations familiales, les allocations familiales et les autres prestations légales, attribuées aujourd’hui sans aucune condition de ressources, constituent près de la moitié des prestations versées !

Aucune réforme sérieuse n’a jamais été entreprise par les pouvoirs publics pour revenir à un principe de solidarité et une réduction des injustices sociales et fiscales. 

Lionel Jospin avait bien tenté maladroitement de fixer un plafond de ressources au-delà duquel les familles aisées n’y avaient pas droit, ce qui déclencha à cause des effets de seuil, la réprobation des familles, plutôt bourgeoises et aisées, il est vrai…Alain Juppé, 1er ministre, avait lui envisagé un moment de continuer à verser les mêmes montants d’allocations familiales à toutes les familles mais en les déclarant ensuite dans l’impôt sur le revenu. Il y renonça finalement…

Au cours de la dernière campagne présidentielle, aucun candidat n’avait proposé véritablement de réformer le système actuel. Chacun se souvient des propos de Ségolène Royal évoquant tantôt la possibilité de leur mise sous tutelle pour les familles qui ne «tiendraient pas correctement leurs enfants», tantôt le droit des femmes notamment dans les pays scandinaves mais ignorant par exemple qu’en Norvège, les allocations familiales sont versées dès le 1er enfant… Quant à Nicolas Sarkozy, il proposa bien à un interlocuteur, sur le plateau de l’émission "A vous de juger" d'Arlette Chabot sur France 2, de les attribuer dès le premier enfant mais cette promesse, comme tant d’autres, s’est volatilisée depuis…

Et aujourd’hui, s’il y a lieu d’être outré, ce n’est sans doute pas à cause de leur versement à quelques familles qui seraient laxistes dans l’éducation de leurs enfants mais plutôt à cause d’une absence de versement aux familles n’ayant qu’un seul enfant à charge et leur attribution à des familles très aisées qui n’en ont nullement besoin…

La meilleure solution consisterait donc à attribuer les allocations à toutes les familles, dès le premier enfant, mais selon un barème dégressif en fonction des revenus de la famille tels que déclarés à l’administration fiscale. Cette dernière solution aurait l’avantage de concilier le maintien des allocations à toutes les familles, leur montant, pour la tranche de revenus la plus élevée, pouvant être bloqué à son niveau actuel jusqu’à l’existence d’un barème cohérent et complet.

L’absence de proposition de réforme de la part de l’UMP et du PS, dont les programmes en la matière restent d’un vide «sidéral», devrait conduire les organisations syndicales et les associations familiales à réclamer avec force le rétablissement des allocations familiales dès le premier enfant et à ne pas se contenter d’une timide et rituelle dénonciation du décret annuel de revalorisation de la BMAF…



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14 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

"Seconde anomalie non moins révoltante : les familles modestes ayant deux enfants à charge au moins perçoivent exactement les mêmes montants d’allocation que les familles aisées vivant très confortablement (cadres supérieurs, professions libérales, PDG, etc.).
Au nom d’une apparente égalité de traitement des familles, les notions de solidarité ou d’aide sociale sont ainsi bafouées en permanence et ce «principe d’égalité» creuse en fait, chaque jour un peu plus, les inégalités sociales"

Exact sauf que si on raisonne en terme de masse monétaire on s’aperçoit immédiatement que les ayant droit de la bourgeoisie (natalité faible) sont infiniment moins nombreux que ceux du prolétariat, et donc qu’une exclusion des bourgeois du système serait plus vexatoire que réellement profitable pour les autres !

Albert Ricchi a dit…

Ne nous égarons pas dans des problèmes de masse monétaire...

Il ne s’agit pas d’exclure les bourgeois des allocations familiales mais de moduler leurs montants en fonction des revenus, pour ceux qui les touchent déjà.

Et aujourd’hui, ce ne sont pas les bourgeois qui en sont exclus mais les salariés avec un seul enfant à charge qui ne les touchent pas !

Anonyme a dit…

On veut nous faire croire que l'état est en faillite pour nous culpabiliser afin d'accepter la destruction de la sécu, alloc, etc...

Mais est-ce que l'état contrôle encore quoi que ce soit ? Il faudrait déjà qu'il reprenne le contrôle de la monnaie. Au lieu de cela l'état est spolié par des intérêts privés, cartels des banques.

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php

Anonyme a dit…

ce qui me choque surtout, avec les allocations familiales, c'est qu'il n'y ait pas de plafonnement relatif au nombre d'enfants.

Que l'on aide, et même incite, les couples à fonder une vraie famille avec un deux, ou trois enfants (selon leurs préférences) est assurément une très bonne chose.

Sans distinction de leur situation, pourquoi pas, puisque cette aide est aussi une incitation, qui s'adresse à tous, à maintenir un
certain dynamisme démographique nécessaire à la survie à long terme de notre société (il suffit de voir le taux de natalité dans beaucoup d'autres pays d'Europe, qui n'ont pas notre système d'allocation familiales, c'est la catastrophe).

Par contre, je considère que se constituer une famille nombreuse, c'est clairement un luxe. C'est une liberté qu'à chaque famille, mais ce n'est pas à la société d'aider à cela. Si un couple veut plus de 3 ou 4 enfants,qu'ils le fassent mais qu'ils assument seuls ce choix. Je considère donc personnellement, que les allocations familiales devraient être plafonnées à
partir du 3eme ou 4eme enfants...

Voila une source d'économies possibles (car il faut bien en faire, vu l'état des finances du pays) qui me semblerait pertinente.

Albert Ricchi a dit…

@ Rage

Merci pour ce compliment et votre commentaire de cet article.

Effectivement, je n'ai l'ai pas précisé mais dans le cas d'un barème dégressif en fonction des revenus, l'on pourrait très bien envisager d’arriver à "zéro allocations familiales" pour la tranche de revenus la plus élevée, à condition toutefois que la tranche en question soit bien la plus élevée du barème de l'IRPP.

Qu'un milliardaire en euros ne bénéficie pas d'allocations familiales pour élever ses enfants n'a rien de choquant mais il se trouverait toujours quelqu’un pour pleurer sur ces «pauvres malheureux»…

Cordialement
Albert

Anonyme a dit…

La fraude fiscale en France représente entre 40 et 50 milliards PAR AN, de quoi combler tous les déficits.

http://www.snui.fr/gen/audience/2007/Ouest_Fce_fraude_fiscale_210207.htm

http://www.lexpress.fr/info/quotidien/rss.asp ?id=9214

http://www.francesoir.fr/societe/2008/04/16/fraude-fiscale-des-sommes-colossales-s-evaporent.html

Il ne s'agit pas évidemment des impôts des pauvres non perçus, mais des sociétés et des riches qui préfèrent dépenser de l'argent en avocats et conseillers plutôt que de participer à cet effort collectif.

Tant qu'on fera comme si c'était la faute des pauvres rien ne pourra
s'améliorer ; par contre à force de prendre de mauvaises décisions la
situation s'empire inexorablement.

Les pauvres sont à sec et les classes moyennes sont en sursis ; les riches se portent bien ...

La fin programmée de la démocratie.

http://www.syti.net/Topics2.html

Anonyme a dit…

Bon article... et bons commentaires aussi !... J'ai bien peur que la majoration n'existe plus d'ici 4 ans...

Quant aux allocs, elles vont pas
augmenter non plus...

C'est tellement évident avec ce gouvernement !...

Leurs réformes : rogner et supprimer les acquis sociaux ! Rien d'autre...

Anonyme a dit…

Faire et défaire...voilà le jeu permanent auquel se livrent nos soi-disants responsables politiques.Conséquences:
au lieu d'apaiser les tensions entre les individus, entre les groupes,entre les quartiers, on exacerbe les fractures ,les divisions et on fait se dersser les gens les uns contre les autres:
il y a ceux qui touchent TOUT et qui y arrivent,ceux qui touchent TOUT et qui se plaignent encore de ne pas avoir encore plus ,ceux qui ne touchent rien et qui n'y arrivent pas , ceux qui ne touchent rien et qui s'en sortent quand même ,et pour compléter la panoplie tous les profiteurs et les petits malins qui se débrouillent !!!!!
La France du sytème D, comme débrouille ne connaît plus ses enfants.....elle connaît des CAS....et on voudrait nous faire croire que c'est social,humain ????
Comme pour la raffarinade du lundi de Pentecôte chômé pour aider les personnes agées, je prédis ,pourquoi pas, une journée de travail chômée pour venir en aide aux enfants à naître et une journée chômée pour venir en aide aux personnes en mauvaise santé.
Il y a suffisamment de jours dans l'année que l'on pourrait ainsi mettre à profit d'une politique sociale et familiale vraiment généreuse.

Anonyme a dit…

Comme dans beaucoup de cas de démantèlement des acquis sociaux sous prétexte de réforme, il y a beaucoup de déclarations indignées mais très peu de réaction de l'opposition !

Où sont les syndicalistes, les associations, ce qui est terrifiant c'est l'absence totale de réactions....

Marchais et Laguiller revenez on vous entendait au moins et ça gueulait un peu à la télé !

Maintenant nous avons droit à des communiqués à peine emballés et un mutisme dans certains médias qui se disent de gauche mais avec des capitaux privés...

J'ai l'impression d'un grand
conformisme mou, Mai 68 est bien loin, maintenant les gens ont peur pour leur petite place et leur petit statut donc motus....

S'il n'y avait internet, on se demanderait où on peut encore s'exprimer ou piquer une colère...

Réveillons-nous, autrement nous allons tous finir sur les bancs de Delarue et si vous faites partie de la caste des parvenus, chez
Dumas....

Anonyme a dit…

Ce qui caractérise ce gouvernement c'est en gros piquer le fric des
pauvres afin de le donner aux riches.

On a vu la suppression des réductions familles nombreuses sur la SNCF, la taxation des usagers de la sécu, les chômeurs sommés d'accepter n'importe quel emploi, l'augmentation des durées de cotisations retraite tout en les
réduisant, on a vu la chute vertigineuse de la part salariale de 9,3 % dans le PIB français au profit des riches.

A coté, on a vu des cadeaux de 15 milliards aux nantis, une montée des prix de 1ère nécessité, des loyers, j'en passe et des meilleures, le tableau après 1 an de sarkozisme est proche de la catastrophe sociale...

Et ces gens là affichent un cynisme, une démagogie rarement vue depuis les années 60 , les nouveaux beaufs décomplexés, (Hortefeux essaye de se faire passer pour un type sympa c'est tout dire)...

Anonyme a dit…

Oui, il faut allouer des aides dès le premier enfant.

Ça me parait évident.

Anonyme a dit…

Si mes souvenirs sont bons, la gauche s’y était essayée et avait dû faire machine arrière suite au déferlement de catogans et d’impers burberry dans les rues.

Même chose lorsqu’on avait voulu tailler dans les subventions de l’enseignement privé...

Albert Ricchi a dit…

@ Madame sans gêne

Vos souvenirs sont bons: la gauche avait dû faire face à des manifestations et à un déferlement, dans les rues de Paris notamment, de nombreux catogans et autres impers Burberry... mais Lionel Jospin avait commis l’erreur de supprimer les AF à partir d’un certain seuil de revenus au lieu d’instituer des montants dégressifs d’allocations en fonction des ressources des familles.

Je complète aussi vos souvenirs sur un point: la gauche n’a jamais proposé de rétablir les AF pour les familles n’ayant qu’un seul enfant à charge, supprimées par un décret-loi en 1939. Sur ce dernier point, elle fait aussi bien que la droite et semble considérer qu’un smicard avec un enfant à charge n’a pas besoin d’AF...

Sans gêne,
Albert