27 février 2009

La mort des abeilles va-t-elle sonner le glas de l’espèce humaine ?

Structure presque fermée
Arrivée sur Terre 60 millions d’année avant l’homme, Apis mellifera (l’abeille à miel) va-t-elle disparaitre définitivement ? 

Partout, le même scénario a tendance à se répéter : par milliards, les abeilles quittent les ruches pour ne plus y revenir. Aucun cadavre à proximité, aucun prédateur visible, pas plus que de squatter pourtant prompt à occuper les habitats abandonnés.

Faut-il incriminer les pesticides ? Un nouveau microbe ? La multiplication des émissions électromagnétiques perturbant les nanoparticules de magnétite présentes dans l’abdomen des abeilles ? «Plutôt une combinaison de tous ces agents», assure le professeur Joe Cummins de l’université d’Ontario. 

Et déjà, conséquence d’un usage intensif de pesticides, les abeilles ont complètement disparues dans une région de Chine où des centaines d’ouvriers agricoles fécondent maintenant eux-mêmes les fleurs des poiriers…un spectacle hallucinant !


Entre 60 % et 90 % des abeilles se sont volatilisées aux Etats-Unis où les dernières estimations chiffrent à 1,5 million (sur 2,4 millions de ruches au total) le nombre de colonies qui ont disparu dans 27 Etats. Au Québec, 40 % des ruches sont portées manquantes. En Allemagne, selon l’association nationale des apiculteurs, le quart des colonies a été décimé avec des pertes jusqu’à 80 % dans certains élevages.

Légitimement inquiets, les scientifiques ont trouvé un nom à la mesure de ces désertions massives : le «syndrome d’effondrement». Ils ont de quoi être préoccupés : 80 % des espèces végétales ont besoin des abeilles pour être fécondées. Sans elles, ni pollinisation, et pratiquement ni fruits, ni légumes. Aux Etats-Unis, où 90 plantes alimentaires sont pollinisées par les butineuses, les récoltes qui en dépendent sont évaluées à 14 milliards de dollars.

Le professeur Joe Cummins de l’université d’Ontario affirme que «des indices suggèrent que des champignons parasites utilisés pour la lutte biologique, et certains pesticides du groupe des néonicotinoïdes, interagissent entre eux et en synergie pour provoquer la destruction des abeilles ».

Pour éviter les épandages incontrôlables, les nouvelles générations d’insecticides enrobent les semences pour pénétrer de façon systémique dans toute la plante, jusqu’au pollen que les abeilles rapportent à la ruche, qu’elles empoisonnent. Même à faible concentration, affirme le professeur, l’emploi de ce type de pesticides détruit les défenses immunitaires des abeilles.

Par effet de cascade, intoxiquées par le principal principe actif utilisé - l’imidaclopride (dédouané par l’Europe, mais largement contesté outre-Atlantique et en France, il est distribué par Bayer sous différentes marques : Gaucho, Merit, Admire, Confidore, Hachikusan, Premise, Advantage…) -, les butineuses deviendraient vulnérables à l’activité insecticide d’agents pathogènes fongiques pulvérisés en complément sur les cultures.

Butineuses apathiques


Pour preuve, estime le chercheur, des champignons parasites de la famille des Nosema sont présents dans quantités d’essaims en cours d’effondrement où les butineuses, apathiques, ont été retrouvées infectées par une demi-douzaine de virus et de microbes.

La plupart du temps, ces champignons sont incorporés à des pesticides chimiques, pour combattre les criquets (Nosema locustae), certaines teignes (Nosema bombycis) ou la pyrale du maïs (Nosema pyrausta). Mais ils voyagent aussi le long des voies ouvertes par les échanges marchands, à l’image de Nosema ceranae, un parasite porté par les abeilles d’Asie qui a contaminé ses congénères occidentales tuées en quelques jours.

C’est ce que vient de démontrer dans une étude conduite sur l’ADN de plusieurs abeilles l’équipe de recherche de Mariano Higes installée à Guadalajara, une province à l’est de Madrid réputée pour être le berceau de l’industrie du miel espagnol. « Ce parasite est le plus dangereux de la famille, explique-t-il. Il peut résister aussi bien à la chaleur qu’au froid et infecte un essaim en deux mois. Nous pensons que 50 % de nos ruches sont contaminées. » Or l’Espagne, qui compte 2,3 millions de ruches, est le foyer du quart des abeilles domestiques de l’Union européenne.

L’effet de cascade ne s’arrête pas là : il jouerait également entre ces champignons parasites et les biopesticides produits par les plantes génétiquement modifiées, assure le professeur Joe Cummins. Il vient ainsi de démontrer que des larves de pyrale infectées par Nosema pyrausta présentent une sensibilité quarante-cinq fois plus élevée à certaines toxines que les larves saines. «Les autorités chargées de la réglementation ont traité le déclin des abeilles avec une approche étroite et bornée, en ignorant l’évidence selon laquelle les pesticides agissent en synergie avec d’autres éléments dévastateurs», accuse-t-il pour conclure. Et il n’est pas seul à sonner le tocsin.

Sans interdiction massive des pesticides systémiques, la planète risque d’assister à un autre syndrome d’effondrement, craignent les scientifiques : celui de l’espèce humaine. Il y a cinquante ans, Einstein avait déjà insisté sur la relation de dépendance qui lie les butineuses à l’homme : « Si l’abeille disparaissait du globe, avait-il prédit, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre »... 




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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si c’est la période qui veut ça, mais lors de promenades, j’ai remarqué qu’actuellement il y a beaucoup d’abeilles mortes sur les fleurs...

Anonyme a dit…

Je crois qu’il faut vraiment faire du bruit avec cette affaire en Chine.

Ce qu’il se passe est d’une gravité extrême mais nous restons comme les français bien à l’abri en 1938 derrière leur ligne Maginot...