11 août 2009

Le panga, pur produit d’une mondialisation sans principes

Ce poisson est commercialisé lorsque son poids atteint 900 g à 1,5 kgLe panga commence à devenir familier des consommateurs français et européens. C’est un poisson à chair blanche vendu à un prix modique, souvent moitié moins cher qu'un filet de cabillaud ou de sole.

En ce mois d'août, période de vacances scolaires mais aussi de crise financière où le pouvoir d’achat des consommateurs est mis à mal, certains restaurants le proposent même sur leur carte. Sa préparation garantissant l'absence d’arête, les parents comme les enfants apprécient de pouvoir manger un poisson sans crainte d'avaler une arrête.

Mais l'argument économique est-il suffisant pour consommer ce poisson anti-crise quand on connaît les modalités de sa production…


Le panga est un poisson d'eau douce, un silure qui peut dépasser un mètre en liberté et qui a vaguement la forme d'un requin. Son goût s'apparente à celui d'un poisson ordinaire habituellement vendu dans les poissonneries.

Il se reproduisait difficilement en liberté car les femelles devaient remonter aux sources du fleuve pour frayer et donc surmonter tous les dangers d'un espace sinistré par l'industrialisation au 19ème et 20ème siècle. Comme pour les saumons, la course à la vie était dure et les naissances limitées.

Mais le grand génie de l’homme a réussi à changer tout ça ! Un chercheur s’est aperçu en effet qu’en injectant aux femelles pleines des hormones recueillies dans de l’urine de femme enceinte séchée (chinoise de préférence pour des raisons économiques…), cela permettait de déclencher la pontes des alevins.

Des doses ont été mises au point (vendues environ 1€ l’unité) et administrées par injection aux mères Panga qui se délestent alors d’environ 500 000 alevins par ponte !

L'élevage industriel se fait dans des fermes aquacoles du delta du Mékong au Vietnam. Les poissons évoluent dans de grands parcs et dans une très grande promiscuité : 30 à 40 poissons par m² ! A peine de quoi se dégourdir les nageoires ! Une fois le gavage terminé, les fermiers n’ont plus qu’à relever leurs filets pour récupérer les poissons qui sont conditionnés sur place et découpés en filet puis envoyés congelés par avion vers l'Europe.

Pour éviter le dessèchement des filets lors de la congélation, on ajoute quelques produits chimiques pour assurer la bonne conservation (par exemple du polyphosphate, additif autorisé à hauteur de 5g/kg).

Un poisson-chat mis en batterie et gavé comme une oie


Les problèmes sont évidemment d'ordre sanitaire. Quel contrôle réel de ce qu'ingèrent les pangas? Quel contrôle des traitements médicamenteux qu'ils reçoivent ?

Que mange-t-on finalement dans son assiette quand on choisit ce poisson au menu?

Car du côté du régime alimentaire, les pangas sont peu exigeants. Ils acceptent facilement les déchets de sous-produits végétaux de l'industrie agro-alimentaire et de cadavres de poissons broyés et déshydratés qui proviennent d'un peu partout (du Pérou et de Chine en particulier qui trouvent ainsi un moyen de recycler les déchets de leurs usines et abattoirs).

Leur aliment principal se présente ainsi en des boulettes granulées composées de farine de poisson, son de riz, blé, maïs, résidus de soja d'Amérique (transgéniques ?), manioc, vitamines…

Une nourriture bien différente de celle que le poisson absorbe à l'état sauvage, qui arrive par avion et qui n’offre aucune traçabilité sérieuse.

Il supporte aussi très bien les traitements médicamenteux et hormonaux que les éleveurs ne manquent pas de lui appliquer pour assurer une bonne production et une croissance ultra-rapide pour toujours plus de rendement…

Les problèmes sont aussi écologiques. Le Mékong, 4° fleuve d'Asie qui prend sa source sur le plateau tibétain, est un fleuve très pollué, utilisé comme réceptacle des eaux usés et de divers systèmes de drainages.

La Mékong River Commission cherche bien à coordonner la bonne gestion des eaux du fleuve pour en préserver les ressources, mais si le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam sont partie prenante de ce projet, la Chine met quelques bâtons dans les roues. Avec ses barrages en amont et son industrie lourde, la Chine prépare ainsi une vraie catastrophe écologique: extinctions d'espèces (comme le dauphin et le lamantin du Mékong), déversement de pesticides et des résidus industriels, blocage des migrations de poissons…

La panga vendu à prix discount est un pur produit de la mondialisation et de la transgression des lois naturelles. On ne maîtrise pas vraiment son alimentation et sa commercialisation à grande échelle est très gourmande en pétrole, donc en émission de CO2.

Autant de bonnes raisons de réfléchir avant de consommer…




Photo Creative Commons


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5 commentaires:

Alain a dit…

Il y a l'aspect du gaspillage de co2 pour le transport + la traçabilité des aliments + les antibiotiques à haute dose qu'on leur donne mais il y a aussi l'aspect du massacre organisé, industriel, aveugle de tous ces poissons...

Beaucoup d'aspects pas très reluisants... et quand on observe le tout, franchement, j'aimerai pas gagner ma vie en faisant çà quoi...

sauveur a dit…

Le problème , c'est que certains n'ont pas le choix de ce qu'ils mangent... et le combat doit commencer par là.

Car le vrai choix est un luxe de plus en plus rare...

Anonyme a dit…

Bonjour,

J'aime assez bien le panga et ma famille aussi et je n'ai jamais été malade. Mais c'est vrai que je vais éviter au maximum d'en manger, vu ce que représente ce poisson comme aliment "pas sain".

Les trois quarts de notre alimentation est empoisonnée d'une manière ou d'une autre.

Sans compter nos logements (matériaux), l'air que nous respirons et ce que nous subissons (ondes de plus en plus fortes)...

Pauvres de nous !

Thibaut a dit…

J'ai acheté du panga il y a une semaine à 6€ le kilo.

C'est vrai que j'ai un peu tiqué sur le prix et sur l'origine du poisson, maintenant je comprends mieux.

Donc pour moi c'était mon premier et dernier achat de ce poisson, merci pour la vidéo.

manu a dit…

Ah ! vous me faites marrer vous les écolos !

Du panga j'en achète, j'en mange et je n'ai jamais été malade.

De toute façon que vous le vouliez ou non... c'est comme ça...!