11 août 2012

Modifier les conditions d’attribution des allocations familiales, une réforme que ne fera pas François Hollande…

Mode d'expression et moyen de communication
Le nouveau président de la République s’intéresse à toute une série de sujets : parité hommes-femmes, droit de vote des étrangers aux élections locales, droit au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels, organisation de la fin de vie des personnes âgées, harcèlement sur les lieux de travail et fait à l'occasion un petit tour sur le Tour de France ou les JO à Londres pour encourager nos sportifs nationaux. Cela est éminemment respectable et il semble normal qu’un président normal s'intéresse à  tous ces sujets de société ou d’actualité.

Mais, pour des raisons de sobriété politique ou budgétaire, François Hollande tend aussi à oublier ou contourner une multitude de dossiers qui touchent à la vie quotidienne des Français, comme celui, par exemple, des modalités choquantes d’attribution des allocations familiales où le président de la République restera sans doute silencieux jusqu’à la fin de son quinquennat…



Les prestations familiales sont destinées à compenser les charges de famille des personnes physiques françaises ou étrangères, résidant en France.  Parmi les nombreuses prestations versées par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF), les allocations familiales sont attribuées aux familles en fonction du nombre d’enfants :
  • 127,68 € pour 2 enfants 
  • 291,27 € pour 3 enfants
  • 454, 86 € pour 4 enfants 
  • 163,59 € par enfant supplémentaire 
Par ailleurs, à l’âge de 14 ans, en plus du montant de base, une majoration mensuelle de 63,84 € est versée à partir du mois civil qui suit l’anniversaire de l’enfant.

Première anomalie

 

Les allocations familiales sont attribuées aux familles qu’à partir du  deuxième enfant à charge. La France reste avec cette vieille idée qui consiste à favoriser les naissances en ne donnant pas d’allocations familiales aux familles dès le premier enfant (le décret-loi du 29 juillet 1939 a supprimé l’allocation au premier enfant au profit d’une prime à la première naissance).

Mais l’éducation d’un enfant coûte aussi cher, sinon plus proportionnellement, que celle de deux enfants et plus ! Ainsi, les jeunes couples venant de débuter dans la vie ou les couples en difficulté financière dont l’un des conjoints est au chômage, en temps partiel subi et ayant un seul enfant à charge, subissent de plein fouet cette injustice sociale !

Cela est d’autant plus inacceptable qu’on compte aujourd’hui plus de 8 millions de personnes pauvres (13,5 % de la population), au sens des critères retenus par l’union européenne, qui vivent avec moins de 954 € par mois. Sans compter plus de deux millions de salariés payés au SMIC (1425,67 € bruts avant prélèvements sociaux au 1er juillet 2012) 

Deuxième anomalie


Les allocations familiales sont attribuées sans aucune condition de ressources. Ainsi, les familles modestes avec deux enfants à charge au moins perçoivent exactement les mêmes montants que les familles aisées avec le même nombre d’enfants, vivant très confortablement (cadres supérieurs, professions libérales ou faisant partie des 2,2 millions de millionnaires en dollars que compte la France) !

Au nom d’une apparente égalité de traitement des familles, les notions de solidarité ou d’aide sociale sont ainsi bafouées en permanence et ce «principe d’égalité» creuse en fait, chaque jour un peu plus, les inégalités sociales. 

L'ensemble des prestations «familles» et «maternité», étendues depuis 1978 à l’ensemble de la population, sans condition d’activité professionnelle, représentent des sommes considérables, plus de 50 milliards €, soit 5,6 % du PIB. Les allocations familiales et les autres prestations légales, attribuées sans aucune condition de ressources, constituent près de la moitié des prestations familiales versées, soit plus de 25 milliards € qui pourraient être utilisés autrement ! 

Troisième anomalie


Le montant des allocations est fixé en fonction d’un certain pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF). C'est ainsi que l'allocation pour 2 enfants est égale à 32% de la BMAF, pour 3 enfants à 73%, pour 4 enfants à 114%, et ce pour l’ensemble des prestations familiales (celle de l’allocation de parent isolé égale à 150%, etc.)

Cette BMAF est bien revalorisée au 1er avril de chaque année mais sans tenir compte du taux réel d’inflation. Ainsi, son montant de 395,04 € au 1er janvier 2011 est passé à 399 € au 1er avril 2012, soit une augmentation de 1 % seulement alors que le taux d'inflation était de 2,1% pour la seule année 2011 !

La non-indexation du montant des allocations sur le coût de la vie (c’est aussi le cas pour les salaires depuis le tournant de la rigueur en 1983…) conduit à en fait une baisse continue du pouvoir d’achat des familles et ce, dans l’indifférence générale des pouvoirs publics et notamment du gouvernement Fillon depuis 2007.

Il en est de même des autres prestations (pensions de retraite, d’invalidité, rentes accidents de travail, indemnités journalières, etc.) et comble de l’hypocrisie, la plupart des médias «bien-pensants» nous présentent chaque année ces revalorisations inférieures au coût de la vie comme un réel progrès !

Petite cerise sur le gâteau


Il n’y a pas de petites économies, dit le proverbe, et le législateur a eu la bonne idée de grignoter encore quelques euros sur le dos des allocataires grâce à une retenue de 0,50 % au titre de la contribution au recouvrement de la dette sociale (CRDS). Les montants nets de ces allocations deviennent en réalité : 

  • 27,05 € pour deux enfants 
  • 289,82 € pour 3 enfants
  • 452,60 € pour 4 enfants 
  • 162,78 € par enfant supplémentaire


Une réforme cohérente est indispensable


Lionel Jospin, 1er Ministre, avait bien tenté de faire une réforme mais en fixant maladroitement un plafond précis de ressources au-delà duquel les familles n’avaient plus droit aux allocations, ce qui déclencha à cause des effets de seuil, la réprobation de nombreuses familles, plutôt aisées, il est vrai…Plus subtilement, Alain Juppé, proposait de continuer à les verser à toutes les familles mais avec l’obligation de les intégrer ensuite dans la déclaration annuelle de l’impôt sur le revenu mais ce projet n'a jamais vu le jour...

Et au cours de la récente campagne présidentielle, aucun candidat n’a parlé de réformer le système actuel. François Hollande s’est contenté d’exclure la mise sous tutelle des allocations pour les familles qui ne «tiendraient pas correctement leurs enfants». Quant à Nicolas Sarkozy, il proposait déjà en 2007, en réponse à un interlocuteur sur le plateau de l’émission d'Arlette Chabot "A vous de juger", de les attribuer dès le premier enfant mais cette promesse, comme tant d’autres, s’est volatilisée au cours du quinquennat écoulé…

La solution la plus équitable consisterait à attribuer les allocations à toutes les familles dès le premier enfant, mais selon un barème différentiel dégressif au fur à mesure que les revenus de la famille augmentent. Cette solution aurait l’avantage de concilier le maintien des allocations à toutes les familles, le montant pour la tranche de revenus la plus élevée, pouvant être bloquée à son niveau actuel jusqu’à l’existence d’un barème cohérent et complet. Sans oublier bien sûr d’indexer correctement chaque année la BMAF en fonction du taux réel d’inflation…

Devant l’absence de proposition de véritable réforme de la part de l'UMP hier, du PS aujourd’hui, les associations familiales devraient réclamer avec beaucoup plus de force un système plus juste favorisant les familles modestes et moyennes, le rétablissement des allocations dès le premier enfant et ne pas se contenter d’une timide et rituelle dénonciation annuelle du décret de revalorisation de la BMAF…


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