23 novembre 2012

Réforme du mode de financement de la Sécurité Sociale : le changement, c’est pour quand ?

Lois de financement de la Sécurité sociale
L'Assemblée nationale a examiné et approuvé le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013. Le sénat a rejeté ce projet mais le dernier mot appartiendra bien sûr à l’Assemblée.

Si une série de dépenses nouvelles ont été votées et saluées, comme la gratuité à 100 % de l'interruption volontaire de grossesse, la contraception libre et gratuite pour les mineures de 15 à 18 ans ou encore l'amélioration de la protection sociale des exploitants agricoles, l'Assemblée a approuvé également 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires…



Parmi ces recettes, toute une série de taxes et contributions : sur la bière, le tabac, les boissons énergisantes, l’huile de palme, un prélèvement de 0,30% touchant les retraités imposables qui s'appliquera à compter du 1er avril 2013, une augmentation des prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants, un relèvement de la taxe prélevée sur GDF et EDF pour financer les régimes spéciaux de retraite de ces entreprises, etc.

Une nouvelle fois, ce gouvernement, comme le précédent, renvoie à plus tard un changement du mode de financement de la Sécurité sociale en cédant à la facilité et en faisant encore appel à la fiscalité indirecte, particulièrement injuste. Dans un pays comme la France où les impôts indirects (TVA, TIPP et taxes diverses) représentent 65% des recettes budgétaires de l’Etat, ces nouvelles taxes vont accroître encore les inégalités sociales, déjà très grandes.

Rien n’est fait véritablement pour trouver une autre solution et sortir de la situation de déficit chronique dans laquelle se trouvent le régime général, le régime agricole ou les autres régimes spéciaux. Toutes ces prélèvements proportionnels restent injustes car ne taxant pas les foyers fiscaux selon leur faculté contributive, comme pourrait le faire l’impôt progressif sur les revenus. 

Quid de la modification de l’assiette des cotisations salariales ?


Le système de financement repose aujourd’hui sur ce qu’il est convenu d’appeler tantôt des cotisations (maladie, vieillesse, allocations familiales, accidents du travail, etc.), tantôt des contributions (CSG, CRDS, etc.), tantôt déductibles du revenu fiscal, tantôt non déductibles, versées par les salariés ou les employeurs et dont l’assiette est basée essentiellement sur les salaires.

Mais les différentes prestations maladie, familiales ou vieillesse étant accessibles à tous les citoyens, le principe de solidarité nationale exigerait que soient mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques, tels que déclarés à l'administration fiscale, d’autant plus que la part des salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10 points ces trente dernières années. Un tel changement serait à la fois plus juste et plus rémunérateur (un point de prélèvement assis sur le revenu fiscal rapportant sensiblement plus que le même taux appliqué sur le seul salaire). 

Déjà adopté partiellement ou en totalité par plusieurs pays, tous les citoyens sans exception seraient assujettis à cette nouvelle contribution, même de façon symbolique pour les revenus les plus modestes ou non  imposables. Et l’actuelle CSG pourrait alors être fusionnée avec l’impôt progressif sur le revenu en constituant ainsi une sorte de cotisation universelle et progressive de Sécurité sociale finançant tous les régimes sans exception.

Dans le cas particulier de la branche vieillesse, la retraite étant basée avant tout sur le salaire perçu, aux cotisations salariales actuelles pourrait venir se greffer une partie de ces nouvelles recettes. Un tel financement mixte existe déjà plus ou moins pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des subventions de l’Etat.

Mais après avoir fait la proposition de fusion entre la CSG et l’IRPP pendant la campagne présidentielle, François Hollande semble maintenant vouloir la renvoyer aux calendes grecques. Cela constitue une grave erreur car la seule possibilité de proposer une alternative crédible au système actuel était d'instaurer, dès 2013, une CSG progressive. A défaut, la gauche a déjà proposé peu ou prou la même chose que la droite et Nicolas Sarkozy, à savoir une augmentation de la TVA et demain sans doute une augmentation proportionnelle de la CSG…

Quid de la modification de l’assiette des cotisations patronales ?


Le problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les cotisations des entreprises, dites cotisations patronales. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée.

Le remplacement, même partiel, des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la création d’une «CSG entreprise». Cette proposition fut explorée à plusieurs reprises par le passé au travers de divers rapports commandés aussi bien par Alain Juppé que par Lionel Jospin, anciens premiers ministres mais elle est restée lettre morte…

Un tel changement d’assiette des cotisations patronales serait une véritable révolution. Il reviendrait pour la première fois à inclure les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant «ajusté à la baisse» leur masse salariale à l’occasion de restructurations ou délocalisations.

La «CSG entreprise» aurait également des effets bénéfiques sur l’emploi des PME, souvent étranglées par les contraintes imposées par les «donneurs d’ordre». Plusieurs syndicats sont pour cette raison, favorables à cette nouvelle assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que l’assiette salaire. La confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale artisanale (UPA) y sont particulièrement favorables, à la différence du MEDEF.

La CSG entreprise serait enfin facile à mettre en place car elle existe déjà en germe dans la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur la valeur ajoutée, mais dont le taux est très faible. Pour réaliser un basculement des cotisations patronales vers cette CSG entreprise, il suffirait de leur substituer une C3S dont le taux serait fortement majoré en fonction de la nature du basculement total ou partiel des cotisations actuelles. 

Quid des exonérations de charges et la dette de l’Etat ?


On ne peut ignorer également le problème des exonérations de charges accordées indistinctement aux entreprises, ni le problème de la dette de l’Etat envers la Sécurité sociale.

Les exonérations ou baisses de charges n’ont jamais suscité les créations d’emplois annoncés. Leur suppression totale favoriserait un retour rapide à l’équilibre des comptes mais la situation financière des entreprises étant fortement hétérogène, leur maintien pourrait être envisagé pour les entreprises fortement créatrices d’emplois et ne délocalisant pas.

Au 19/10/11, selon l’ACOSS (Agence Centrale des organismes de Sécurité Sociale), le montant des exonérations de cotisations pour le régime général est resté stable en 2010 (+ 0,3 %), atteignant 30,0 milliards d’euros, dont 27,0 milliards d’euros font l’objet d’une compensation. Le montant des exonérations de charges représentent ainsi 10,1 % du total des cotisations et contributions.

D'après ces derniers chiffres, la dette de l'Etat serait de 3 Md€. Son montant est lié principalement aux exonérations de cotisations que l’Etat s’était engagé à prendre à sa charge (contrats divers, exonérations dans les DOM, etc.) ou aux prestations sociales versées pour le compte ou prises en charge par l’Etat sans que les budgets votés suffisent à couvrir la dépense.

Particularité des exonérations de charges non compensées par l’Etat, cette dette n’apparaît ni dans le déficit budgétaire (les sommes n’étant pas effectivement versées par l’Etat), ni dans le déficit de la Sécurité sociale (qui, elle, intègre ces créances dans ses comptes). Quant aux coûts de trésorerie associés à la dette, ils représentent plusieurs dizaines de millions d’euros !

Aujourd’hui donc, une vraie réforme du mode de financement de la Sécurité sociale suppose d’en finir avec les «bricolages» annuels à courte vue et de faire appel enfin à la solidarité nationale pour couvrir les besoins des différentes branches, maladie, famille et vieillesse de tous les régimes.

Si le système de financement basé principalement sur le recouvrement de cotisations sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il a atteint aujourd’hui ses limites. Le gouvernement de François Hollande ferait bien d’en prendre conscience car faute d’un choix politique clair en faveur d’une autre assiette de financement, ce sera sur les ménages les plus modestes et les revenus du travail que pèsera encore le fardeau de la solidarité… 



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