13 juin 2013

Réforme de l'ISF : le nouveau tour de passe-passe de François Hollande…

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Globalement, l'opinion publique a surtout retenu que la droite a toujours eu en horreur cet impôt et que la gauche l'a réhabilité. François Hollande semble avoir tenu ses engagements  et corrigé les symboles les plus scandaleux en supprimant le célèbre bouclier fiscal et en rétablissant l’ISF dans sa configuration initiale. 

Mais en réalité, si l’on analyse attentivement les réformes successives qui sont intervenues au cours des trois dernières années, la surprise finale est de taille…



Les tranches de l’ISF sont calculées sur la fraction de la valeur nette du patrimoine et le barème en 2010 était le suivant :  
  • en-dessous de 790 000 € : 0 % 
  • de 790 000 à 1 290 000 € : 0,55 % 
  • de 1 290 000 à 2 530 000 € : 0,75 %
  • de 2 530 000 à 3 980 000 € : 1 %
  • de 3 980 000 à 7 600 000 € : 1,3 %
  • de 7 600 000 à 16 540 000 € : 1,65 % 
  • > 16 540 000 € : 1,80 % 


Premier acte 


Pour l’ISF de 2011, Nicolas Sarkozy, qui a toujours eu peur de supprimer purement et simplement l’ISF, préférant le vider progressivement de l’intérieur, fait un geste spectaculaire en ce sens : il décide que le seuil de déclenchement de l’impôt sera fixé non plus à 800 000 euros de patrimoine taxable mais à 1,3 million d’euros, ce que les socialistes, à l’époque, critiquent à juste titre sur le registre ‘’encore un cadeau aux invités du Fouquet’s’’… 

La réforme de la fiscalité du patrimoine étant adoptée durant l'été 2011, le barème initial de taxation est conservé, les contribuables qui dépassent la tranche de 1.3 millions d’euros sont imposées selon ce barème, y compris pour la tranche comprise entre 800.000 et 1.300.000 euros. 

Selon le rapport d'activité 2011 de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), les contribuables redevables de l'impôt sur la fortune passent ainsi de 593.878 en 2010 à 291.630 en 2011 ! 

Le barème 2011 est alors le suivant :  
  • Jusqu’à 1 300 000 € : 0 % 
  • Entre 800 000 et 1 310 000 € : 0,55 %
  • Entre 1 310 000 et 2 570 000 € : 0,75 %
  • Entre 2 570 000 et 4 040 000 € : 1 %
  • Entre 4 040 000 et 7 710 000 € : 1,30 %
  • Entre 7 710 000 et 16 790 000 € : 1,65 %
  • > 16 790 000 € : 1,80 % 


Deuxième acte  


Pour l’ISF de 2012, Nicolas Sarkozy fait un second cadeau encore plus spectaculaire aux milieux très aisés : il dynamite le barème d’imposition progressif de l’ISF, en ramenant le nombre des taux d’imposition de sept à trois :  

Le barème 2012 (taux applicable au 1er euro) devient alors le suivant :  
  • Jusqu’à 1 300 000 € : 0 %
  • Entre 1 300 000 et 3.000.000 € : 0,25 %
  • > 3 000 000 € : 0.50%  


Troisième acte  


Accédant à l’Elysée au moment précis où cet ISF super allégé devait être acquitté, François Hollande met en place, dès l'été, une "contribution exceptionnelle" destinée à compenser l'allègement voulu par la droite, qui ne s'applique plus depuis le 1er janvier 2013. La réforme plus globale de cet impôt est effectuée dans le cadre du budget 2013 et le barème redevient progressif grâce à cinq tranches et cinq taux différents.

Même si le calcul s'effectue à partir de 800.000 euros de patrimoine, le seuil d’imposition est porté de 1,30 à 1,31 million d'euros, soit 10.000 euros de plus. La taxation du patrimoine au premier euro applicable en 2012 est abandonnée.   

Le barème 2013 est alors le suivant :  
  • Jusqu'à 800 000 € : 0%
  • De plus de 800 000 à 1,31 million € inclus : 0,50%
  • De plus de 1,31 à 2,57 millions € inclus : 0,70%
  • De plus de 2,57 à 5 millions € inclus : 1%
  • De plus de 5 à 10 millions € inclus : 1,25%
  • Au moins 10 millions € : 1,50% 


Epilogue 


Au printemps 2013, l’ISF a désormais ses contours définitifs pour le reste du quinquennat. Les socialistes jurent leurs grand dieux que la nouvelle politique fiscale est très différente de celle de Nicolas Sarkozy, l’ISF ayant été rétabli dans sa configuration antérieure. Sauf que ce n’est que très  partiellement exact… 

L’ISF a été effectivement rétabli mais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a maintenu la disposition prise par Nicolas Sarkozy au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million d’euros de patrimoine. En clair, le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de 800 000 € mais seulement si ce seuil de 1,3 million est atteint.  

Le nouveau barème est donc sensiblement allégé par rapport à la version antérieure à 2011 et il l’est aussi pour d’autres raisons : les  taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche et de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée, le taux marginal passe de 1,80 à 1,50% ! 

On dira certes qu’il y a plus grave que cela. Dans sa version d’avant 2011 comme dans celle de 2013, l’ISF reste un prélèvement critiquable frappant d’abord les classes moyennes supérieures au travers de l’immobilier et pas forcément les foyers les plus fortunés. 

Ce travers majeur n’a pas été corrigé car un véritable impôt sur le capital avec une assiette large et des taux éventuellement plus modérés, n’a pas été institué par François Hollande qui avait pourtant  promis dans son programme : " Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines ". 

Au bout du compte, l'ISF sera moins lourd en 2013 sous la gauche (4,074 milliards d'euros estimés) qu’en 2011 sous la droite (4,321 milliards d'euros) ! 

Il faut interpréter ce tour de passe-passe pour ce qu’il révèle profondément : les socialistes, eux aussi, ne tolèrent l’ISF que dans une mouture allégée et l’on comprend mieux pourquoi la grande réforme fiscale, redistributive et rétablissant une réelle progressivité de l’impôt sur le revenu, promise par François Hollande, n’a pas été engagée…


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