27 octobre 2013

La France inerte devant les voleurs de la République...

Les pilleurs sont des voleurs de biens
Les députés de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan (non inscrit) et du Nord Alain Bocquet (communiste) ont présenté devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le résultat des investigations qu'ils ont menées dans le cadre de la mission d'information sur les paradis fiscaux, constituée en novembre 2012.

Les deux députés ont conduit leur enquête en se rendant dans de nombreux pays pour interroger les acteurs de la désertion fiscale, ceux qui la combattent, comme ceux qui en vivent.

Nicolas Dupont-Aignan  en a tiré un livre, sans doute son meilleur livre, à recommander vivement « Les voleurs de la République »…



Le premier intérêt du rapport des deux députés est de dresser un nouvel état des lieux, documenté et chiffré, de ce qu'ils nomment "le poison moderne des démocraties", en révélant des sommes, des lieux, des noms de multinationales s'adonnant à une optimisation abusive de leurs impôts à travers, notamment, la technique financière des prix de transfert (qui revient à transférer les bénéfices dans les pays à fiscalité faible voire nulle).

Parmi les nombreux parasites fiscaux, la Suisse viendrait en première position et abriterait plus de 2 000 milliards de capitaux (dont plus de 1 000 venant d’Europe), suivie par la Grande-Bretagne, l’Irlande et les îles britanniques (1 900 milliards, dont 750 venant d’Europe). Puis, suivent les Caraïbes et Panama (900), Hong-Kong et Singapour (900), les Etats-Unis (700) et le Luxembourg (600). En tout, cela représente 3 000 milliards de capitaux européens !

Dans son livre, Nicolas Dupont-Aignan raconte son enquête de manière très vivante. Il parle d’une « terrible tumeur qui métastase les piliers de notre société, de notre prospérité : l’égalité républicaine devant l’impôt ». Il y raconte sa colère devant l’ampleur du phénomène et la petitesse des moyens consacrés à lutter contre.

Il raconte son voyage en Suisse et la surprise des banquiers locaux devant le grand écart des politiques nationaux, qui parlent beaucoup, mais ne font presque rien quand ils sont au pouvoir contrairement à d’autres pays au monde, notamment les Etats-Unis ou l’Allemagne.

Il parle longuement du cas d’Hervé Falciani, cet ancien banquier qui travaillait pour HSBC en Suisse qui a rompu la loi du silence en constatant les pratiques dangereuses et illégales de la banque. Nicolas Dupont-Aignan rapporte que la France n’a pas fait grand-chose de ses listings, au contraire de Washington et souligne que notre administration fiscale manque cruellement de moyens.

Puis il rapporte son passage à Londres et évoque les astuces fiscales des groupes du CAC 40 100% privés, qui paient 3% d’IS contre 30% pour les entreprises de moins de 10 salariés. Il détaille les innombrables manières utilisées par les grandes entreprises pour voler le fisc, en mettant tous leurs profits dans des parasites fiscaux en jouant sur les prix de transfert. Il dénonce la place prise par l’Europe  dans ce pillage de la base fiscale des Etats, avec le Luxembourg, le Royaume Uni et ses îles… Il détaille ensuite le scandale de la fraude à la TVA, qui nous coûte au moins 10 milliards par an !

Comment en sortir ?


Outre le fait de présenter un constat précis et détaillé, l’autre intérêt du livre de Nicolas Dupont-Aignan est de contenir de nombreuses propositions. De ses voyages à l’étranger pour étudier le mode de fonctionnement des autres pays, Nicolas Dupont-Aignan et Alain Bocquet ont ramené de nombreuses bonnes pratiques et idées qui permettraient de s’attaquer à ce cancer qui mine la France. Il propose notamment d’augmenter les moyens d’investigation de l’administration, de couper le lien avec Bercy et d’imposer aux banques de communiquer au fisc le détail des comptes, comme cela a été fait aux Etats-Unis.

Les enjeux sont considérables. La désertion fiscale priverait l’Etat de 60 milliards d’euros au moins, soit à peine moins que le déficit public. Conjugué à un protectionnisme ciblé pour équilibrer nos échanges, qui pourrait créer un million d’emplois, les comptes de l’Etat pourraient être alors en net excédent ! Bref, les déficits d’aujourd’hui sont en fait le fruit d’une ouverture inconsidérée de nos frontières, qui mine notre base productive comme fiscale.

Si l’on veut mettre fin à ce fléau qui pousse les Etats au moins-disant fiscal, il faudrait restreindre la circulation des capitaux, des biens et des personnes car il est bien évident que c’est cette libéralisation anarchique qui permet aux parasites fiscaux de prospérer…

Il est incroyable et bien triste de constater à quel point nos gouvernements successifs, UMP comme PS, n’arrivent pas ou ne veulent pas comprendre ce vice fondamental de la mondialisation et n’ont presque rien fait à ce jour pour le corriger. 

Car il serait parfaitement possible de mettre au pas les parasites fiscaux. Le Général de Gaulle, par exemple, déclara en 1962 le blocus de la principauté de Monaco et instaura un contrôle douanier à la frontière entre les deux Etats. A l’occasion de ce conflit, la France avait montré qu’elle entendait rappeler la Principauté au respect de ses engagements bilatéraux. En exigeant l’abolition du privilège fiscal accordé par Monaco aux ressortissants français, elle invitait l’Etat monégasque à respecter la souveraineté fiscale républicaine. 

Mais aujourd’hui, la France et la commission de Bruxelles restent très en retrait dans la lutte contre les parasites fiscaux non seulement dans le monde mais aussi et surtout au sein même de la communauté européenne...




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