25 janvier 2014

Réforme des collectivités locales : quand François Hollande pédale dans la choucroute…

Pédaler dans la choucroute…Lors de sa dernière conférence de presse, François Hollande a évoqué la diminution du nombre de régions et la suppression possible de départements pour alléger le mille-feuille administratif français. 

Cela va plutôt dans le bon sens mais reste nettement en retrait de ce qu'il conviendrait de faire. Tout comme l’annonce d’une remise à plat de la fiscalité, cette dernière proposition reste floue : rien sur la méthode choisie pour sa mise en œuvre, pas de calendrier précis, allusion à la suppression de départements uniquement dans la petite couronne parisienne, impasse totale sur l’hostilité de bon nombre d’élus dont le Président socialiste de la région Île de France… 


La carte territoriale française offre trop de niveaux institutionnels et, dans chacun de ces niveaux, trop de collectivités. Si chaque collectivité locale est censée avoir des domaines d'action spécifiques, de nombreux doublons existent entre collectivités locales en matière de développement économique, sport, culture, tourisme et jeunesse ainsi qu’entre départements et Etat dans les affaires culturelles ou l'action sociale et sanitaire. Il arrive même que chaque collectivité intervienne dans des domaines qui relèvent en principe d'autres échelons administratifs !

Trop d'intermédiaires entre le citoyen et la puissance publique renchérissent ainsi fortement les budgets de fonctionnement, augmentent considérablement les délais de décision et induisent une difficulté de compréhension du système par les citoyens. 

Actuellement, il existe 26 régions (22 pour la métropole et 4 pour l’Outre-Mer), soit 2 040 élus au total auxquels s’ajoutent les 131 représentants des assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de Polynésie et de Wallis et Futuna. Chacune des régions dispose en plus d’un Conseil économique et social de 40 à 110 membres selon l’importance économique et démographique et d’une Chambre des comptes (340 magistrats et 300 assistants).

Quant aux départements, ils sont au nombre de 100 (96 pour la métropole et 4 pour l’Outre-Mer) et se trouvent dotés d’un préfet, d’une préfecture et de son administration, d’un conseil général avec un président, vice-présidents et conseillers généraux qui sont au total 4 042. 

Mais le législateur ne s’est pas contenté d’en rester là car les départements se subdivisent encore en cantons, arrondissements et pays. On dénombre ainsi :
  • plus de 4000 cantons dont 156 dans les départements d'outre-mer, représentés chacun par un conseiller général.
  • 326 arrondissements dont 13 en outre-mer qui ont comme compétence le contrôle administratif des communes, le tout avec autant de sous-préfets !
  • 358 territoires particuliers, dénommés pays, qui sont des espaces de concertation, de mutualisation de moyens et d'information, exprimant la communauté d'intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres. 
Outre les départements et leurs nombreuses subdivisions, il existe par ailleurs :  
  • 17367 groupements intercommunaux (communautés de communes, communauté d'agglomérations, communauté urbaine). 
  • 36.700 communes en métropole et DOM avec autant de maires et 526.000 conseillers municipaux. La France possède, à elle seule, près de la moitié du nombre de toutes les communes d’Europe ! (14 000 communes en Allemagne, 8 000 seulement en Espagne et en Italie, etc.)
Et, cerise sur le gâteau, depuis la loi du 19 décembre 2013 créant des « métropoles » dans 14 villes, la France est passée de 5 à 6 strates administratives : état, région, département, intercommunalité, métropole, commune et même 7 strates si l’on y ajoute l’échelon européen. Du jamais vu dans aucun pays au monde ! (Pour mémoire, les USA compte trois strates…)

Que faire devant ce colossal mille-feuille administratif ?


Le nombre trop important de régions et leur contour géographique souvent fantaisiste justifie une baisse sensible du nombre de celles-ci. Une grande région «Massif central», une vraie région Alpes, Bretagne, Bassin Méditerranéen ou la réunification de la Basse et de la Haute Normandie (divisée à l’origine pour un vulgaire partage de gâteau électoral entre majorité et opposition…) permettraient de voir des régions à dimension européenne et plus conformes à la situation géographique réelle.

Depuis longtemps, la région devrait se voir dévolue toutes les compétences exercées par le conseil général et le département conçu il y a plus de 200 ans par Napoléon Bonaparte. Mis en place sous la Révolution française le 15 janvier 1790, le département avait comme objectif à l’époque de remplacer les provinces liées à l'Ancien régime et de casser tout provincialisme. Afin que l’autorité administrative soit rapidement informée de ce qui se passait à l’autre bout du département, un émissaire à cheval devait pouvoir atteindre n’importe quelle zone du territoire en une seule «journée de voyage». 

C'est ainsi qu'aujourd'hui, les superficies de chaque département sont très proches et qu'ils sont devenus  complètement inutiles car pris en étau entre le développement des structures intercommunales et la région. 

Il faut préciser également que quand on parle de suppression du département, il s’agit du conseil général, des cantons et des conseillers généraux. Le département peut très bien continuer à exister en tant que territoire géographique, par exemple pour devenir une circonscription électorale servant à l'élection des conseillers régionaux, élus du territoire départemental pour siéger au Conseil Régional. 

Sur le plan pratique, une ou plusieurs permanences ou points relais de la région pourraient être installés dans chaque territoire départemental, à l'image de toutes les structures ou entreprises régionales, et ce pour répondre au problème de la proximité avec les citoyens, invoqué par les partisans du maintien des départements.

Qui dit quoi ? 


En 2010, Nicolas Sarkozy avait fait un tout petit pas en avant vers la simplification des collectivités locales avec le statut du conseiller territorial qui devait être, à partir de 2014, une même personne élue à la fois au Conseil général et au Conseil régional. Ceci correspondait à une fusion des élections des représentants de la région et du département mais sans remettre en cause toutefois l’existence de deux structures parallèles.

Devant la pression des élus socialistes, même cette petite avancée timide a été remise en cause par le gouvernement de François Hollande qui a abrogé immédiatement le statut de conseiller territorial au profit d'un binôme homme-femme par canton pour les prochaines élections cantonales (division par deux du nombre des cantons et création de nouveaux cantons agrandis).

Seules quelques personnalités se sont prononcées clairement pour une vraie simplification politico-administrative. C’est le cas de Dominique de Villepin pour la diminution du nombre des régions à 8 ou 10 et de François Bayrou pour la suppression de tous les départements qui a précisé en outre à juste titre que le personnel des conseils généraux pouvait être intégré progressivement au personnel de la région. 

René Dosière, député apparenté PS, estime quant à lui que la réduction du mille-feuille administratif et le regroupement des communes et des intercommunalités permettrait d’économiser environ 15 milliards d’euros ! 

Aujourd’hui, de nombreux élus de gauche et de droite pointent bien les anomalies flagrantes de l’organisation politico-administrative de la France  mais sans aller jusqu’à remettre en cause le nombre excessif de régions ou l’existence de l’échelon départemental. Trop d’élus locaux, parmi les 550 000 au total, font même de la résistance et bloquent toute évolution. Le lobby des présidents de régions et départements est très puissant et dispose de plusieurs relais, notamment au Sénat où gauche et droite se sont entendus depuis longtemps pour faire du surplace et conserver le plus longtemps possible leurs prérogatives et les petits avantages qui vont avec…

Et au bout du compte, comme à son habitude, François Hollande a fait une synthèse brouillonne qui ne plaît à personne : création des métropoles, diminution du nombre de régions de 22 à 15 et suppression de 3 départements. Dans ses vœux aux Corréziens le 18 janvier dernier, le chef de l'Etat s'est prononcé d’ailleurs contre la suppression des départements et a indiqué simplement que les régions qui se regrouperaient bénéficieraient " d'un bonus dans le calcul des dotations de l'Etat ".

Si l’idée d’une diminution du nombre de régions est plutôt positive, rien n’indique vraiment qu’elle verra le jour, tout comme l’intégration sensible de communes et d’intercommunalités dans les nouvelles métropoles créés. Quant aux départements, supprimer 3 départements et conseils généraux sur 100 est un pas bien trop timide pour avoir un réel impact sur les finances publiques ou les impôts locaux payés par les contribuables…



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