08 août 2014

Conflit israélo-palestinien, parlons-en !

Palestine in our hearts
La vérité sur le conflit israélo-palestinien a du mal à se frayer un chemin dans la presse et les médias en général. 

Sur le plan politique, les autorités françaises ne brillent pas non plus par leur clarté politique et s'éloignent de plus en plus de la position traditionnelle de la diplomatie française... 


En cautionnant, en termes à peine voilés, la répression brutale menée par l’armée israélienne, le Président de la République, le premier ministre Manuel Valls et le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius donnent le sentiment que la France ne tient pas la balance égale entre les deux parties d’un conflit où chacune a des arguments et des droits à faire valoir. L'honneur et l’intérêt de notre pays commanderait d’appeler à l’arrêt des violences et à la reprise de véritables négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. 

Par ailleurs, la France se revendique comme le pays des "Droits de l'Homme" mais est le seul pays au monde à interdire des manifestations de soutien à la population de Gaza, les 19 juillet et 26 juillet à Paris notamment. En inventant une exception française à la liberté d’expression, François Hollande qui joue au gendarme en Afrique, Manuel Valls, Laurent Fabius  et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, ne masquent même plus leur soutien à Israël et au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

Le représentant de la France à l'ONU a donné une nouvelle preuve de ce tournant historique dans le conflit israélo-palestinien, mercredi 23 juillet, en s’abstenant sur une résolution du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, prévoyant l'ouverture d'une enquête sur l'offensive israélienne à Gaza, qui a, malgré tout, été adoptée par 27 voix pour, 1 contre (les Etats-Unis) et 17 abstentions. 

En cautionnant jusque dans ses pires excès la répression brutale menée par l’armée israélienne, il donne le sentiment que la France ne tient pas la balance égale entre les deux parties d’un conflit où chacune a des arguments et des droits à faire valoir. Il a choisi son camp, alors que l’honneur et l’intérêt de notre pays lui commandent d’appeler à l’arrêt des violences et à la reprise de véritables négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne, représentant légitime du peuple palestinien. En effet, les bombardements de l'aviation israélienne (7 300 raids aériens) et l'intervention terrestre dans la bande de Gaza sont une réaction totalement "disproportionnée" aux attaques également "inacceptables" du Hamas. Depuis le début des opérations militaires le 8 juillet, plus de 2 000 habitants de Gaza dont 447 enfants et adolescents ont péri. 9 750 personnes dont 1 550 femmes, 420 personnes âgées et 2 550 enfants ont été blessés selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF). Une bonne partie des blessés se trouve dans un état critique. Côté israélien, 67 soldats et officiers ont trouvé la mort, 400 militaires blessés, un soldat étant porté disparu, 7 civils également tués.

D'après l'ONU, dont plusieurs écoles ont été bombardées, le nombre de déplacés dépasse les 520 000 personnes dans cette bande de terre de 362 km2 où s'entassent dans la misère 1,8 million d'habitants soumis à un blocus israélien depuis 2006.  6 employés et 2 contractuels travaillant pour l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) ont été tués depuis le début de l’intervention israélienne. 20 ambulanciers et secouristes, 15 journalistes également tués. 

Le conflit de Gaza a aussi des répercussions en Cisjordanie occupée, où plusieurs Palestiniens ont été tués dans des troubles survenus près des villes de Naplouse et de Hébron. 

Ces actions génocidaires sont délibérées de la part du gouvernement israélien. Certains propos notamment ceux de la députée Ayelet Shaked, du parti gouvernemental Foyer Juif, sont terrifiants. Elle appelle publiquement à l’extermination des Palestiniens, en prenant le soin de préciser que la solution finale doit impérativement s’appliquer aussi aux femmes et aux enfants !

Pourtant, la solution définitive au conflit existe depuis longtemps mais il ne manque que la volonté politique israélienne de l’appliquer : décolonisation des territoires, levée du blocus de Gaza et établissement d’un État palestinien...

 
Lettre ouverte à M. François Hollande


Monsieur Hollande,

J’étais à la manifestation du dimanche 13 juillet à Barbès. Il y avait beaucoup de monde. Plus de 20.000 personnes. Des personnes très en colère à cause de l’agression du gouvernement israélien sur la population civile de Gaza. Le massacre avait déjà commencé. Beaucoup de jeunes, une très grande majorité issue de l’immigration. J’ai regretté d’ailleurs l’absence des partis de gauche et des syndicats français. Ces 20.000 personnes ont défilé sans incident notable jusqu’à la dispersion, de Barbès à la Bastille, malgré la pluie, malgré le Ramadan pour beaucoup d’entre elles. Les slogans fusaient et certains vous étaient d’ailleurs destinés : « Israël assassin, Hollande complice ». C’est compréhensible : au lieu de vous positionner du côte des victimes civiles de ce qui n’étaient alors que des bombardements, vous avez justifié l’agression car selon vous, “Israël a le droit de se défendre” !


Se défendre contre qui, contre quoi ?

Personne ne saurait justifier le meurtre des trois jeunes israéliens –dans un lieu d’ailleurs fort éloigné de Gaza, rappelons-le et à notre connaissance, personne ne l’a revendiqué. Nous ne rentrerons pas dans la comptabilité morbide des cadavres de l’un et l’autre camp, mais enfin, rappelons la situation extrêmement dramatique qui prévaut aujourd’hui, où les victimes palestiniennes, dont ¾ de civils et un grand nombre d’enfants, se comptent par centaines !

En Cisjordanie aussi, pas un jour ne s’écoule sans mort d’homme ou d’enfant, par balle de l’armée israélienne, ou indirectement à cause des limitations de mouvement dont fait l’objet la population palestinienne : les blessés qui n’arrivent pas à temps à l’hôpital parce qu’on ne laisse pas passer l’ambulance, les femmes enceintes qui accouchent aux check-points, et j’en passe, sans parler des maisons fouillées, démolies en représailles, les agriculteurs qui n’ont pas accès à leur terre pour la cultiver... A Gaza, même chanson avant l’opération : les pêcheurs mitraillés parce qu’ils essayent de gagner leur vie, les agriculteurs...

Monsieur Hollande en Palestine, la situation est la suivante : l’occupation israélienne continue, les colonies continuent à se développer -500.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ; à Jérusalem-Est les Palestiniens sont poussés à vider les lieux, les maisons s’effondrent ou sont détruites et Gaza subit un siège depuis 7 ans et ne dispose pratiquement plus d’eau potable, d’électricité quelques heures par jour, la population se trouve dans une situation humanitaire catastrophique. Et ce malgré la signature des accords d’Oslo et les pourparlers qui ne mènent à rien.

Cependant la différence entre Gaza et la Cisjordanie, c’est que le gouvernement du Hamas refuse de se soumettre et de collaborer avec le gouvernement israélien. Est-ce là son crime ? On pourrait le croire, car la Cisjordanie elle, n’est pas bombardée, malgré la répression qui sévit. C’est que la résistance des Comités populaires de Bili’n et autres y est pacifique, les groupes armés ayant été démantelés par l’Autorité Nationale Palestinienne. Mais qu’a-t ’elle gagné au change ? Rien, une économie asphyxiée complètement dépendante de l’aide internationale et d’Israël, un territoire sous contrôle militaire israélien, qui d’ailleurs en est réduit à une peau de chagrin... où est l’état palestinien promis par Oslo ?

Mais voilà qu’Israël et ses alliés occidentaux reprennent en cœur leur mantra favori : c’est la faute du Hamas ! Il nous faut un coupable : il est tout désigné. Et comme la population civile de Gaza a eu le tort de voter Hamas aux élections, c’est elle qu’il faut punir ! Même ceux qui à l’époque n’étaient pas nés : les enfants, de futurs terroristes ! Quel cynisme ! La démocratie, c’est clair, n’est pas pour tout le monde ! Surtout pas pour les Arabes, comment le démontre le coup d’état militaire d’Al-Sissi en Égypte. Il avait soutenu Gaza lors de la dernière opération punitive contre Gaza, justement... M. Obama avait pourtant prononcé un beau discours au Caire sur la démocratie, l’appelant de ses vœux... des vœux pieux, comme on sait.

Aujourd’hui, on ne compte plus les victimes ! Des civils, des femmes, des enfants ! Des infrastructures démolies : c’est un véritable massacre. Alors il y a une autre hypothèse, qui ne contredit pas la première. C’est que Gaza constitue un magnifique banc d’essai pour l’industrie de l’armement israélienne, qui d’ailleurs se vante du privilège de tester en direct ses drones et autres merveilles de technologie sur des cibles réelles ! Pendant ce temps, les acheteurs ont tout loisir de voir leur efficacité ! Et ils ne sont pas les seuls à assister à ce sinistre spectacle : les spectateurs israéliens s’installent sur les hauteurs pour voir pleuvoir la mort sur Gaza ! C’est incroyable ! Comment peut-on arriver là ?

On nous demande souvent comment est-il possible que ceux qui ont tellement souffert de la discrimination et des persécutions soient à leur tour devenus des bourreaux ? Cette explication tient en un mot : le Racisme ! C’est la même réalité qui présidait aux méfaits des Nazis : pour eux les membres des races inférieures ne méritaient pas de vivre. Et bien Monsieur Hollande, aujourd’hui dans la société israélienne, le mot arabe est porteur du même sens, de la même charge que l’était le mot juif il y a 70 ans en Europe. Un être méprisable dont la vie ne vaut rien. Allez voir ce que font les colons juifs aux Palestiniens à Hébron, n’importe quel visiteur peut le voir de ses propres yeux.

Monsieur Hollande, mes camarades de l’Association Catalane de Juifs et Palestiniens qui travaillons ensemble pour la justice (et donc la paix) sommes très inquiets. Inquiets avant tout pour la population civile de Gaza, massacrée en toute impunité sans que les puissants de ce monde n’y trouvent rien à redire. Heureusement des nations courageuses comme l’Équateur et la Bolivie s’indignent et s’inquiètent du sort qui leur est fait, mais cela s’explique, ces nations ont souffert dans leur chair et leur âme les méfaits du colonialisme, leur vision des choses est donc bien plus claire que la vôtre.

Mais nous sommes aussi inquiets parce que l’État d’Israël sème la haine, et qui sème la haine récolte la tempête. Israël se prépare des lendemains difficiles car tout le monde sait que les choses changent, les alliances changent et un jour ou l’autre, il trouvera face à lui plus fort ou plus déterminé. En se posant comme défenseurs des Juifs du monde entier, en voulant imposer Israël comme un état juif, M. Netanyahu prétend non seulement agir en notre nom, pour nous défendre -alors que nous ne lui avons rien demandé- mais en plus, il tue en notre nom ! Pire, aux yeux du monde, la politique israélienne est directement associée aux juifs, et en renforçant la confusion entre sionisme et judaïsme, Netanyahu est responsable des représailles qui peuvent surgir contre les juifs.

C’est pourquoi nous sommes contre cette définition d’un État juif, parce qu’elle est inacceptable au moins à deux niveaux : le premier, interne, parce qu’il implique la supériorité d’une “ethnie” et d’une religion sur le reste des citoyens de l’État. Et nous posons la question : est-ce que c’est acceptable dans une démocratie au XXIe siècle ? Le deuxième, au plan international, parce que le gouvernement israélien transforme par un coup de baguette magique, les 8 millions de Juifs du monde en citoyens potentiels de l’État d’Israël, ce qui est parfaitement inacceptable, alors que les 6 millions de réfugiés palestiniens n’ont même pas le droit de visiter les membres de leur famille en Palestine. Oui, les lois d’Israël permettent à n’importe quel juif du monde d’immigrer en Israël et d’en avoir la citoyenneté, alors que les palestiniens d’Israël sont des citoyens de seconde zone et que ceux des territoires occupés attendent toujours la reconnaissance de la Palestine comme État indépendant ! Et les 6 millions de réfugiés attendent toujours qu’on statue sur leur sort.

Mais revenons à nos moutons : ce qui est très grave, c’est qu’un pays comme la France, que vous gouvernez, vient d’interdire à sa population d’exprimer sa sympathie, sa solidarité envers le peuple palestinien, pour une cause noble et juste. Et quel est le prétexte invoqué pour interdire une manifestation ? Du jamais vu depuis De Gaulle, en plus de la part d’un gouvernement de “gauche” ? L’antisémitisme qui s’exprimerait à travers des troubles et des agressions envers les synagogues ! Monsieur Hollande, je vous envoie ci-joint la photo de l’Union des Juifs de France pour la Paix, poignée de justes défilant au milieu des « hordes islamistes incontrôlées » place de la République ! Et comme vous voyez, ils n’ont pas été lynchés ! Par contre les extrémistes de la Ligue de Défense Juive campent à leur aise devant la synagogue de la Roquette, libres de provoquer comme bon leur semble.

Monsieur Hollande, si vous ne laissez pas les jeunes crier leur colère, alors attendez-vous à ce qu’ils l’expriment d’une manière beaucoup dangereuse et incontrôlée ! Il vous suffirait de vous joindre à eux, d’exprimer votre compréhension et votre sympathie, pour une cause juste et d’appeler à la modération, mais non, vous préférez vous ranger du côté des va-t’en guerre... Alors, quelle est l’image de la France que vous donnez au monde, à ceux pour qui Liberté, égalité, fraternité ne sont pas de vains mots ? Sans parler du socialisme... Et comment voulez-vous que les jeunes associent la gauche à la défense des opprimés ?

Israël reçoit officiellement trois milliards de dollars par an en concept d’aide militaire américaine. Chaque année, l’Union européenne renforce ses liens de coopération militaire, économique, politique avec Israël. Sans cette aide, Israël serait condamné à s’entendre avec ses voisins et à mettre fin à sa politique de colonisation et d’apartheid. Aujourd’hui, l’UE incite les entreprises et investisseurs à ne pas engager des fonds liés à la colonisation des Territoires palestiniens occupés. C’est un pas dans la bonne direction, mais c’est insuffisant.

Les dirigeants israéliens se croient tout puissants car ils jouissent d’un soutien sans faille, d’une immunité totale de la part des grandes puissances d’hier et d’aujourd’hui, dont la France, et déstabilisent une région déjà extrêmement volatile. Il est temps de mettre un terme à cette politique et nous vous engageons à rompre toutes les relations avec Israël tant que les résolutions de l’ONU ne seront pas appliquées et les Droits de l’Homme respectés. Aujourd’hui, le BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions) est la stratégie pacifique et efficace émanant de la société civile palestinienne que nous devons soutenir et renforcer en vue d’une solution juste et durable.


Laurent Cohen, coprésident de l’Association Catalane de Juifs et Palestiniens


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