04 septembre 2021

Hommage à Míkis Theodorákis

Míkis Theodorákis (en grec : Μίκης Θεοδωράκης), compositeur et homme politique est mort le 2 septembre 2021 à Athènes.

Son parcours mêlant intimement musique et engagement politique a été et reste une source d’admiration et d’inspiration pour une grande partie des Grecs...


Né le 29 juillet 1925 sur l’île de Chios en Grèce d'une mère issue de Çeşme (Asie Mineure) et d'un père né à Galata, près de La Canée en Crète, Mikis Theodorakis a connu une enfance protégée dans une famille aisée, mais beaucoup de pérégrinations dans toute la Grèce.

Membre de la résistance pendant l'occupation nazie, il est emprisonné et torturé par des agents du gouvernement au cours de la guerre civile grecque (1946-1949) en raison de son engagement au Parti communiste de Grèce (KKE).

En 1950, malgré tous les mauvais traitements subis, il passe ses examens au Conservatoire et obtient son diplôme en harmonie, contrepoint et fugue. Il va en Crète, où il devient directeur de l'École de musique de La Canée et fonde son premier orchestre.

En 1953, Mikis Theodorakis épouse Myrto Altinoglou. En novembre 1954, les jeunes mariés peuvent aller à Paris avec des bourses qu'ils ont obtenues tous les deux. Mikis s'inscrit au Conservatoire de Paris dans les cours d'Eugène Bigot (musicien) (pour la direction d'orchestre) et d'Olivier Messiaen (pour l'analyse musicale).

En 1957, sa Suite no 1 pour piano et orchestre obtient la médaille d'or au Festival de Moscou, le président du jury était Dmitri Chostakovitch ; ses trois musiques de ballet : Les amants de Téruel ; Le feu aux poudres (ballets de Ludmila Tcherina) et Antigone (chorégraphie de John Cranko), remportent un grand succès à Paris et à Londres. À la suite de ce succès, Darius Milhaud propose Theodorakis pour le « American Copley Music Prize » comme « Meilleur Compositeur européen de l'année » : une distinction créée par la William and Nomma Copley Foundation qui change plus tard de nom pour devenir la Cassandra Foundation. 

Le coup d'État du 21 avril 1967 des colonels (dont Geórgios Papadópoulos fait partie), oblige Theodorakis à entrer à nouveau en clandestinité d'où il publie deux jours après le putsch, le premier appel à la résistance.

De 1967 à 1974, Il tient un rôle de porte-parole de l'opposition à la dictature des colonels. Arrêté le 21 août 1967, il est emprisonné dans les locaux de la Sûreté et le cycle de poèmes Le Soleil et le temps devient l'expression des horreurs qu'il y a vécues. Il est ensuite transféré dans les prisons d'Avérof puis placé en résidence surveillée à Vrachati fin janvier 1968.

En août 1968, il est banni avec son épouse Myrto et ses deux enfants Margarita et Yorgos à Zátouna dans un village de montagne des Arcadies (d'où le titre principal de son cycle de compositions Arcadies I-XI). Puis il est déporté au camp de concentration d'Oropos, où se déclare à nouveau la tuberculose qu'il avait contractée à Macronissos et qui l'oblige à un séjour à l'hôpital général d'État Sotiria. Il est finalement exilé, à la suite de nombreuses campagnes internationales de solidarité initiées notamment par Dmitri Chostakovitch, Leonard Bernstein, Arthur Miller et Harry Belafonte, et après l'intervention de Jean-Jacques Servan-Schreiber auprès du dictateur Papadopoulos.

Le 13 avril 1970, Theodorakis arrive à Paris, accueilli par Melina Mercouri, Costa-Gavras et de nombreux Grecs de France, mais il est conduit immédiatement à l'hôpital. À peine trois semaines plus tard, il reprend sa vie publique. Sa famille, enlevée au nez et à la barbe de la junte, arrive en France. Theodorakis crée le « Conseil national de la résistance » (EAS) pour continuer le combat. Il fait la connaissance de Pablo Neruda et de Salvador Allende, auxquels il propose de composer sa version du Canto General du Prix Nobel de littérature de 1971. Il rencontre Gamal Abdel Nasser, Josip Broz Tito, Yigal Allon et Yasser Arafat, tandis que François Mitterrand, Olof Palme et Willy Brandt deviennent ses amis. Des tournées dans le monde entier avec des milliers de concerts dédiés à la restauration de la démocratie en Grèce, font de lui un symbole vivant de la résistance contre la dictature.

A l'effondrement de la dictature en 1974, une foule immense l'accueille à son retour le 24 juillet à l'aéroport d'Athènes, scandant son prénom.  

En 1981, il rallie pourtant le parti communiste ultra-orthodoxe KKE, et est réélu député du Pirée. 

En 1989 il se présente comme candidat indépendant, avec le soutien du parti conservateur Nouvelle Démocratie, afin d'aider la Grèce à sortir de la grave crise politique dans laquelle l'avaient plongé les nombreux scandales du gouvernement d'Andréas Papandréou; il contribue ainsi à l’établissement d’une large coalition réunissant conservateurs, PASOK et gauche.

En 1990, Mikis Theodorakis est élu au Parlement grec - il l’avait déjà été en 1964 et 1981 - et devient « ministre sans portefeuille auprès du Premier ministre » dans le gouvernement de Konstantínos Mitsotákis. Pendant la courte période où il est au gouvernement, Theodorakis lutte contre la drogue et le terrorisme, pour la culture et de meilleures relations entre la Grèce et la Turquie.

De 1993-1995, il est directeur des orchestres et des chœurs de la radio grecque ERT, puis se retire pour l'essentiel de la vie publique tout en continuant cependant à prendre position sur divers sujets de politique générale.

En 2012, il manifeste contre les mesures d'austérité imposées par les créanciers du pays (UE, BCE, FMI) et essuie des gaz lacrymogènes. 

Artiste génial, Mikis Theodorakis  était particulièrement connu pour ses chansons (Sto Perigiali, Kaïmos, Une hirondelle…) et ses musiques de film (Électre, Zorba le Grec, Z, Serpico). De sa lutte contre la barbarie nazie à celle contre la troïka financière en passant par celle contre le régime des colonels, un symbole mondial de la défense des libertés s’est éteint à 96 ans…


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