01 octobre 2011

Financement de la Sécurité sociale : il est grand temps de changer de logiciel…

Le budget de la Sécurité sociale est depuis longtemps en déficit
Avec 19,9 milliards d’euros de déficit prévu (notons la précision de la prévision…), le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, présenté conjointement par Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, se veut optimiste mais ne fait qu’utiliser, encore une fois, les mêmes recettes dérisoires et injustes. 

Au menu, il s’agit toujours de baisse des taux de remboursement, voire de déremboursement complet de nombreux médicaments, taxes diverses, forfaits médicaux à la charge de chaque patient, etc. pour l’Assurance Maladie ou d’allongement de la durée des cotisations et de baisse du niveau des pensions pour l’Assurance Vieillesse. François Fillon va même jusqu'à proposer l'alignement de l’âge de départ à la retraite sur l’Allemagne, à 67 ans !

Et pourtant, d’autres solutions existent mais elles se heurtent depuis longtemps à une volonté farouche de ne pas toucher au mode de financement actuel de la Sécurité sociale…


Comme d’habitude, les ministres de Nicolas Sarkozy manipulent les chiffres des déficits en parlant tantôt de la branche maladie, tantôt de la branche vieillesse du seul régime général alors que les problèmes de déficit de la Sécurité sociale doivent être analysés dans leur ensemble, toutes branches et tous régimes confondus. Début septembre d’ailleurs, dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes, en prenant le périmètre le plus large, à savoir le régime général, les autres petits régimes et le Fonds de solidarité vieillesse, avait parlé d'un déficit historique de près de 29,8 milliards d'euros...

Malgré ce constat accablant, l’UMP se contente de peu à propos de ce PLFSS : « Les dépenses sont contenues grâce aux efforts des Français » mais pour Yves Bur, rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, une hausse de la CSG risque de se révéler prochainement nécessaire… 

Autre piste pour augmenter les recettes, parfois évoquée à droite, au centre ou chez certains membres strausskasiens du PS comme Manuel Valls, l’instauration d’une TVA sociale qui irait directement alimenter les caisses de la protection sociale mais qui aurait pour conséquence d'entamer le pouvoir d’achat des personnes les plus modestes déjà durement frappés par le niveau insupportable des impôts indirects (plus de 80% des recettes budgétaires de l’Etat…)

Un autre mode de financement est possible pour les salariés et l’ensemble des personnes physiques


Pour faire face au déficit chronique de la Sécurité sociale, Michel Rocard avait en son temps créé la CSG et une assiette de cotisations un peu plus large, mettant à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques (revenus salariaux, revenus de remplacement, revenus financiers). Mais la CSG reste encore un prélèvement «proportionnel», donc injuste parce que ne taxant pas les foyers fiscaux selon leur faculté contributive, comme peut le faire l’impôt progressif sur les revenus. 

La part des salaires dans la richesse produite chaque année ayant baissé de 10 points ces trente dernières années et les différentes prestations maladie, familiales ou vieillesse étant accessibles à tous les citoyens, le principe de solidarité nationale exigerait que soient mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques. L’actuelle CSG pourrait donc être fusionnée avec l’impôt progressif sur le revenu en constituant ainsi une sorte de cotisation universelle de Sécurité sociale.

C’est d’ailleurs une proposition du PS mais celui-ci reste curieusement discret sur ce nouveau volet « recettes », pourtant présenté comme la principale manière de rétablir l’équilibre de la Sécurité sociale. La tentation est sans doute grande d’en faire profiter prioritairement le budget de l’Etat mais il sera primordial d’affecter ces nouvelles recettes à l’ensemble des régimes de Sécurité sociale, toutes branches confondues, si toutefois un projet de loi voit le jour en 2012…

Cela s’inscrirait dans le cadre d’un autre financement à la fois plus rémunérateur et plus juste qui présenterait de nombreux avantages :  
  • une nouvelle assiette des cotisations, bien plus large que l’assiette salariale
  • un traitement égal pour tous les citoyens, quel que soit le statut de chacun : actifs, retraités, salariés du secteur privé, fonctionnaires, artisans, commerçants, professions libérales, chefs d’entreprises, etc. 
  • une protection du salaire net par l’arrêt de la hausse des taux de cotisations
  • Dans le cas particulier de la branche vieillesse, il semble toutefois difficile d’abandonner totalement les cotisations sur salaires car la retraite est basée avant tout sur le salaire perçu. Aux cotisations sur salaires actuelles pourrait donc venir se greffer une partie de ces nouvelles recettes. Un tel financement mixte existe déjà plus ou moins pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des subventions de l’Etat. 

Les cotisations des entreprises 


Le problème de l’étroitesse de l’assiette salariale se pose également pour les cotisations des entreprises, dites cotisations patronales. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée. 

Le remplacement des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée serait la mesure la plus appropriée et équivaudrait à la création d’une «CSG entreprise». Cette proposition fut explorée à plusieurs reprises au travers de divers rapports commandés par le passé, aussi bien par Alain Juppé que par Lionel Jospin, anciens premiers ministres mais elle est restée lettre morte… 

Un tel changement d’assiette des cotisations patronales serait une véritable révolution. Il reviendrait pour la première fois à inclure les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant «ajusté à la baisse» leur masse salariale à l’occasion de restructurations ou délocalisations. 

La «CSG entreprise» aurait également des effets bénéfiques sur l’emploi des PME, souvent étranglées par les contraintes imposées par les «donneurs d’ordre». Plusieurs syndicats sont pour cette raison, favorables à cette nouvelle assiette qui serait de surcroît beaucoup plus stable que l’assiette salaire. La confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union patronale artisanale (UPA) y sont particulièrement favorables, à la différence du MEDEF. 

La CSG entreprise serait enfin facile à mettre en place car elle existe déjà en germe dans la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur la valeur ajoutée, mais dont le taux est très faible. Pour réaliser un basculement des cotisations patronales vers cette CSG entreprise, il suffirait de leur substituer une C3S dont le taux serait fortement majoré en fonction de la nature du basculement total ou partiel des cotisations actuelles sur salaires.

Les exonérations de charges et la dette de l’Etat 


Une réforme en profondeur du financement de la Sécurité sociale ne peut ignorer également le problème des exonérations de charges accordées indistinctement aux entreprises, ni le problème de la dette de l’Etat envers la Sécurité sociale.

Les exonérations ou baisses de charges (près de 30 milliards d’euros chaque année) n’ont jamais suscité les créations d’emplois annoncés. Leur suppression devrait favoriser un retour rapide à l’équilibre des comptes. Cependant, la situation financière des entreprises étant fortement hétérogène, leur maintien pourrait être envisagé pour les entreprises fortement créatrices d’emplois et ne délocalisant pas. 

Quant à la dette de l'Etat, elle serait pour l’exercice 2010 de 2,5 Md€ selon les dernières hypothèses retenues par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Son montant est lié principalement aux exonérations de cotisations ((1,8 Md€) que l’Etat s’était engagé à prendre à sa charge (contrats divers, exonérations dans les DOM, etc.) ou aux prestations sociales versées pour le compte ou prises en charge par l’Etat sans que les budgets votés suffisent à couvrir la dépense. 

Mais François Baroin a annoncé à la dernière Commission des comptes de la Sécurité sociale que l'excédent du panier fiscal compensant les exonérations Fillon (1,6 Md€) serait utilisé pour réduire la dette de l'État, ce qui signifie que les comptes du régime général seront dégradés d'autant…

Autre particularité de la France dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, cette dette n’apparaît ni dans le déficit budgétaire (les sommes n’étant pas effectivement versées par l’Etat), ni dans le déficit de la Sécurité sociale (qui, elle, intègre ces créances dans ses comptes). Quant aux coûts de trésorerie associés à la dette, ils représentent plusieurs dizaines de millions d’euros ! 

Aujourd’hui donc, une vraie réforme du mode de financement de la Sécurité sociale suppose d’en finir avec les «bricolages» à courte vue et exige de faire appel à la solidarité nationale pour couvrir les besoins des différentes branches, maladie, famille et vieillesse des différents régimes. 

Si le système de financement basé principalement sur le recouvrement de cotisations sur salaires a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», il a atteint ses limites depuis de nombreuses années. Et faute d’un choix politique clair en faveur d’une autre assiette de financement, ce sera sur les ménages les plus modestes et les revenus du travail que pèsera encore le fardeau de la solidarité…


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