01 avril 2013

Réforme de la fiscalité locale : on verra demain…

Montant des impôts locauxAlors que le candidat François Hollande s’était engagé dans son discours de Dijon, le 3 mars 2012, à réformer la fiscalité locale, celle-ci est la grande oubliée de la loi de finances 2013.

Elle méritait pourtant de sérieux réaménagements car avec la décentralisation et les transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales, l’augmentation régulière des impôts locaux est devenue de plus en plus insupportable…



La fiscalité locale directe représente une part croissante des recettes fiscales totales et du produit intérieur brut. Son poids total est passé de 3,6 % du PIB en 1982 à 6,1 % en 2009. 

Selon les chiffres du bulletin d'information statistique du ministère de l'intérieur de décembre 2012, le montant des impôts locaux réglé par les ménages a plus que doublé depuis 1997. En euros constants, c'est à dire déduction faite de l'inflation, la facture s'est alourdie de plus de 20 milliards ! Et en 2012, taxes d'habitation, foncières et d'enlèvement des ordures ont augmenté de 4,1%, soit trois fois plus vite que l'inflation !

Plusieurs raisons expliquent cette évolution. Les vagues de décentralisation intervenues au début des années 1980 et durant les années 2000 constituent une des principales raisons. Mais il faut y ajouter aussi l’évolution des besoins et la croissance naturelle des politiques publiques locales, notamment sous l’impact de l’évolution de certaines normes. 

Mais seuls des aménagements (exonérations, dégrèvements…), et non une réforme d’ensemble de la fiscalité locale, ont été jusqu’à présent mis en œuvre…

Un système archaîque


Pour les particuliers, la fiscalité locale directe comprend principalement la taxe d’habitation, la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti. 

La taxe d'habitation par exemple, payée par les propriétaires et les locataires, est calculée d'après la valeur locative cadastrale des locaux d'habitation résultant des évaluations foncières des propriétés bâties. Chaque année, son montant est égal au produit de la base d'imposition par le taux voté par chacune des collectivités locales bénéficiaires.

Certes, cette valeur locative est diminuée, pour les logements affectés à l'habitation principale du redevable, d'abattements pour charges de famille et les personnes de condition modeste peuvent bénéficier d'une exonération ou d'un dégrèvement d'office, en totalité ou en partie. Mais au final, les « ménages modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement plus lourd que les ménages les plus aisés », selon la cour des comptes.  

Cette discrimination fiscale s'explique principalement par les bases d'imposition sur la valeur locative qui sont totalement archaïques car elles datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation), époque où une HLM neuve avait plus de valeur qu'un immeuble haussmannien à Paris. Aujourd'hui, l'HLM est le plus souvent dégradée alors que l'immeuble ancien a le plus souvent été restauré mais les valeurs n'ont pas beaucoup évolué. Résultat : un habitant de banlieue peut payer plus cher qu'un contribuable aisé résidant dans un immeuble des beaux quartiers parisiens !

La fiscalité locale n'assure pas non plus l'équité entre les collectivités locales sur l'ensemble du territoire. Les disparités du "potentiel fiscal par habitant" vont du simple au double entre les régions (67 euros en Corse, 111 euros en Haute-Normandie), du simple au quadruple entre les départements (296 euros dans la Creuse, 1.069 à Paris) et de 1 à 1.000 entre les communes !

Le législateur avait déjà entrepris une vaste mise à jour des valeurs locatives cadastrales concernant 35 millions de locaux aboutissant à la loi du 30 juillet 1990. 

Cette prescription de nouvelles évaluations cadastrales, devait être incorporée dans les rôles d’imposition de 1993 mais n’a pas été mise en vigueur. Elle avait donné lieu à la présentation d’un rapport soulignant « des hausses parfois discutables ainsi que des modifications dans la répartition entre collectivités, un ensemble de conséquences sur les dotations de l’Etat dommageables pour certaines communes défavorisées et avantageuses pour d’autres mieux nanties » 

Quelle réforme pour plus de justice fiscale ?


S’agissant des réformes à mener, les propositions demeurent pour le moins discrètes. C’est d’autant plus regrettable que d’une part, les impôts locaux sont assis sur une assiette obsolète et que d’autre part, ils concernent plus de contribuables que les impôts directs « nationaux ». Ainsi, à peine plus de la moitié des foyers fiscaux sont imposables à l’impôt sur le revenu alors que 80% paient la taxe d’habitation…

Trois voies de réformes peuvent néanmoins être envisagées :
  • La suppression de la fiscalité locale pour ne conserver que les dotations de l’État et répartir les impôts nationaux entre l’État et les collectivités. Cette solution paraît inenvisageable en France, du fait de l’importance du principe d’autonomie financière des collectivités.
  • Le maintien de l’architecture d’ensemble de la fiscalité locale, mais en opérant des adaptations et des modernisations. Chaque collectivité pourrait avoir le choix de réviser ou non les bases d’imposition (révision d’initiative locale" proposée par le rapport Mauroy de 2000), ce qui serait une réponse à la critique d’obsolescence des bases d’imposition. 
  • La refonte de l’architecture d’ensemble de la fiscalité locale, soit en adoptant le principe de spécialisation des impôts locaux par niveau de collectivité (proposition formulée dès 1976 dans le rapport "Vivre ensemble"), soit en substituant de nouveaux impôts aux impôts locaux actuels, sous la forme de taxes additionnelles aux impôts nationaux.
La méthode la plus juste et la plus efficace serait de prendre en compte le revenu dans l’assiette des taxes afin de tenir compte davantage de la capacité contributive des contribuables car la seule révision des valeurs locatives ne suffit pas pour rendre ces impôts plus justes. C’est le cas de certains pays comme les pays nordiques, la Suisse ou l'Allemagne.

Dans les faits on pourrait découper ces taxes en part fixe et part variable progressive en fonction du revenu. Les revenus pourraient compter au moins pour moitié dans le calcul afin de permettre à chacun de contribuer au financement des collectivités à hauteur de ses moyens, l’autre moitié restant la valeur cadastrale révisée. Ainsi, à l’image de l’IR, une certaine progressivité instaurant des tranches avec des taux d’imposition différenciés permettrait aux couples aux revenus modestes ou moyens de voir leurs impôts locaux diminuer.

Évidemment, l’intégration des revenus dans le calcul de la taxe pose la question de la péréquation entre communes « pauvres » et commune « riches ». Afin de combattre les inégalités entre les territoires, les collectivités pourraient percevoir la part de leurs recettes basées sur le revenu sur la base du revenu moyen national. L’excédent perçu par les collectivités les plus riches serait reversé dans un fond de péréquation qui alimenterait le budget de celles les plus « pauvres ».

Mais aujourd’hui, où en sommes-nous ? " Le dispositif actuel est obsolète et mérite d’être révisé ", a reconnu la ministre déléguée de la Décentralisation, Anne-Marie Escoffier, au Congrès des maires le 21 novembre 2012 : « Le gouvernement va lancer avec les associations d'élus une réflexion pour réviser les règles de la fiscalité directe locale. Les premières traductions de cette réforme figureront dans la loi de finances pour 2014 ». 

Cette nouvelle réflexion, au sein sans doute d’une nouvelle commission, débouchera-t-elle sur une vraie réforme qui prenne enfin en compte la capacité contributive des ménages, un principe fondamental de la fiscalité française ? 

On peut raisonnablement avoir quelque doute, au vu de l’absence depuis dix mois d’une grande réforme fiscale redistributive permettant notamment la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié et progressif, engagement numéro 14 de François Hollande…
 

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