13 mai 2015

La situation critique du syndicalisme français

Syndicats et crise économique
Le 1er mai dernier, les trois principales centrales syndicales ont manifesté séparément à Paris : CGT et FO défilant chacune de leur côté, la CFDT se contentant d’inventer un festival « jeunes » (Working Time Festival) interdit aux jeunes de plus 35 ans et réunissant seulement 2000 personnes. 

Avec ses divisions historiques, confessionnelles ou datant de la guerre froide, cette situation est d'autant plus dommageable pour les salariés qu'elle persiste dans une économie en crise grave…


Sur Europe 1, il y a quelques jours, l’ancien secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a estimé que " le syndicalisme français pâtit à la fois de sa division et de la multiplication de ses acteurs ".  Une dispersion qui " affaiblit le message syndical ". " A ceux qui pensaient qu'en multipliant les syndicats, on allait favoriser le taux d'adhésion aux syndicats, la démonstration inverse est en train de se faire ".

Cette prise de conscience, bien tardive, n’est cependant pas dénuée de bon sens. Un sondage récent confirme en effet que les syndicats n'ont plus la cote depuis longtemps chez les salariés. Pour sept Français sur dix, ils ne sont pas représentatifs. Depuis trente ans, le nombre de salariés syndiqués a été divisé par deux et aujourd'hui, seulement 7,7 % de la population active fait partie d'un syndicat. 

Ce  faible taux de syndicalisation s’explique aussi quelquefois par la peur de représailles ou de freins au déroulement de carrière dans l'entreprise quand on est adhérent ou militant syndical, d’autant plus sensibles dans les petites entreprises et en période de chômage et de précarité. 

Malgré les chiffres officiels communiqués par les différentes confédérations et l'idée d'une resyndicalisation lancée régulièrement pas les leaders syndicaux, les syndicats continuent donc à perdre des adhérents, notamment dans les secteurs de l’agro-alimentaire, l’enseignement privé, la confection-cuir-textile, le  bâtiment, l’industrie du bois ou les commerces et services. Seuls les «bastions syndicaux» semblent conserver une présence syndicale significative : l'Éducation nationale (24 % de syndiqués), la RATP (18 %) ou La Poste-France Télécom (18 %).

En ce qui concerne les effectifs globaux nationaux, ils sont sensiblement inférieurs à ceux revendiqués par les différentes confédérations, selon deux universitaires spécialistes du monde syndical français, Dominique Andolfatto et Dominique Labbé :
  • CGT : 525 000 (au lieu des 694 000 revendiqués) 
  • CFDT : 450 000 (868 000)
  • FO : 310 000 (500 000) 
  • UNSA : 135 000 (360 000)  FSU : 120 000 (171 000)  
  • CFTC : 95 000 (142 000)  
  • CFE-CGC : 80 000 (160 000)
  • SUD : 80 000 (110 000) 
Soit un nombre total d'adhérents d'environ 1 800 000 pour toutes les organisations syndicales et encore ce nombre semble très optimiste car il faudrait pouvoir comptabiliser rigoureusement, au titre d'une année civile, un adhérent pour 12 cotisations syndicales mensuelles effectivement payées...

Quand on sait que la CGT, en 1948, comptait à elle seule 4 000 000 d’adhérents, que la seule Fédération allemande de la Métallurgie IG Mettal compte actuellement 2,4 millions d’adhérents ou que la Suède compte aujourd'hui 2,7 millions de syndiqués pour une population active de 4,5 millions de personnes, on mesure la faiblesse et le recul syndical dans notre pays.

Si la division syndicale règne sur le territoire national, les centrales CGT, CFDT, FO et CFTC sont tout de même membres de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) en vue de l’élaboration de revendications et surtout de propositions d'actions européennes ou mondiales. Mais malgré ces rapprochements au sein de la CSI, le mouvement syndical français a enregistré un retard considérable sur la nécessité de s’unir pour faire face notamment au développement de la mondialisation. 

Aucune des trois principales organisations CGT, CFDT et FO ne semble vouloir contribuer à une nouvelle donne en France, donnant naissance à une nouvelle confédération syndicale unifiée. Quant aux autres centrales, elles restent marquées par de fortes spécificités (la défense de l’encadrement uniquement pour la CFE-CGC, la référence à la chrétienté pour la CFTC ou la forte tonalité catégorielle pour l’UNSA) et n'entendent aucunement se remettre en cause. 

Pourtant, une, voire deux confédérations syndicales permettrait de peser davantage auprès des pouvoirs publics et de redorer le blason d'un syndicalisme dans un monde où les décisions se prennent souvent à un autre niveau : dans les conseils d'administration des multinationales ou des organismes supranationaux, tels que le FMI, la Banque mondiale, l'OMC ou la Commission européenne.

Et si l’on admet que la vocation du syndicalisme est de défendre avant tout les intérêts des salariés à l'intérieur d'un espace de démocratie, il devrait y avoir la place, même dans une seule confédération syndicale, pour les diverses opinions pouvant exister, y compris celles défendant strictement les intérêts catégoriels comme ceux des cadres.

Mais en matière de syndicalisme, comme en politique ou dans la haute fonction publique, le conservatisme est souvent de mise lorsqu’il permet de rester bien au chaud dans son petit nid douillet (quelquefois hors de prix...) avec voiture de fonction et chauffeur, entouré de permanents fonctionnarisés, le tout financé par des cotisations syndicales, des financements publics ou de directions d'entreprise...


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