02 avril 2017

Autopsie d'un quinquennat 2012-2017

Résidence officielle du président de la République
Le quinquennat de François Hollande s'achève. Il aura été marqué par l'impossibilité ou un refus d’engager de véritables réformes dans plusieurs domaines essentiels et sur fond de nombreux revirements et maladresses en tout genre. 

Entre un chômage de masse installé, une fiscalité injuste, un colossal millefeuille administratif, une politique environnementale édulcorée, un européisme béat et une ouverture des frontières à une mondialisation sauvage, le président de la République n'a pas été au rendez-vous du vrai changement. 

Finalement, tirant les leçons de son impopularité dans l’opinion, François Hollande annonçait, le 2 décembre 2016, sa décision de ne pas solliciter un second mandat présidentiel. Une situation unique depuis le début de la 5ème République en 1958 !


En 1983, jeune militant au Parti socialiste, François Hollande lance avec Jean-Michel Gaillard, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Mignard, les « transcourants », rebaptisés ultérieurement « Démocratie 2000 ». En 1985, il publie sous le pseudonyme de Jean-François Trans (pour transcourants), un livre intitulé « La Gauche bouge », qui appelait à la fondation d'un parti démocrate à l'américaine sur les bases d'un « consensus stratégique entre le PS et les courants démocratiques du pays, au-delà du clivage gauche-droite ». Ces « transcourants » portaient déjà en germe le concept de synthèse, plus ou moins molle, destinée à réunir des positionnements politiques souvent opposés, difficiles à conceptualiser, voire impossible à mettre en œuvre. 

En 1988, une nouvelle formulation de la synthèse sera esquissée par le président François Mitterrand, après sa réélection le 8 mai pour un second mandat. Ce fut alors le fameux « Ni-ni » qui définissait sa politique économique, consistant à ne pas faire de nouvelles nationalisations tout en conservant celles déjà faites : ni nationalisation, ni privatisation.

Près de trente ans plus tard, la version moderne du « Ni-ni » hollandais résume parfaitement la politique économique et sociale suivie depuis 2012. Plusieurs déclarations de François Hollande sont éloquentes à ce sujet. 
Le 6 février 2013, devant les députés européens, au parlement de Strasbourg, le président de la République plaidait pour un « compromis raisonnable ». Il parlait certes du budget mais la formule résumait bien son approche. Avec force, il indiquait ce qu’il ne voulait pas : ni scénario allemand d'une « Europe à deux vitesses », opposant les bons et les mauvais élèves de l'Union, ni prétention anglaise d'une « Europe à la carte » où chacun puise ce qui lui convient.

En février 2015, lors de sa cinquième conférence de presse, interrogé par un journaliste qui cherchait à savoir s’il se situait plutôt du côté de « l'orthodoxie budgétaire » prônée par Angela Merkel ou au contraire du côté d’une « Europe de gauche », François Hollande faisait mine de s'amuser de la malicieuse question et la réponse sera : « ni l’un, ni l’autre ». 

Le 25 mai 2016, dans une allusion au débat virulent sur le burkini, il déclarait qu’il ne faut céder « ni à la provocation, ni à la stigmatisation », à l'issue d'une rencontre avec des dirigeants sociaux-démocrates européens à la Celle Saint-Cloud.

Finalement, cette politique du « Ni-ni », menée tout au long du quinquennat, s’est traduite par la mise en œuvre d’une synthèse entre ni statu quo, ni changement profond. Le président de la République aura clamé son amour pour la « réforme » mais tout en restant très éloigné de la signification de ce mot telle qu’elle est donnée par le Petit Larousse : « changement important, radical, en vue d’une amélioration ».

Le mot « réforme » aura été ainsi largement galvaudé par François Hollande et ses Premiers ministres, ministres et secrétaires d’Etat successifs, comme il l’a été d’ailleurs par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Les dispositions législatives ou administratives prises et qualifiées de « réformes », ont été le plus souvent des changements en pire, des mesures purement comptables, se terminant presque toujours par un recul des droits des citoyens ou une baisse du pouvoir d’achat des salariés et des retraités. 

La plupart des « 60 engagements pour la France », annoncés pendant la campagne électorale et qui touchaient à la croissance, l'emploi, les services publics, le logement, l'éducation, les institutions, la santé, la protection sociale, la finance, la sécurité, la justice, la fiscalité, l'immigration, l'international et l'égalité, ont été vite oubliés. Seules, quelques réformes « sociétales » ont été mises en œuvre comme le mariage pour tous ou les modalités de fin de vie des personnes âgées mais cela n’a pas changé grand-chose pour les millions de personnes qui sont en détresse financière à chaque fin de mois. 

Pourtant, les domaines où règnent archaïsme et injustice sociale ne manquaient pas : des institutions à caractère monarchique, un mode d'élection anti-démocratique de l’Assemblée nationale avec une absence de proportionnelle, un colossal mille-feuille administratif, une escroquerie tolérée de la dette publique, des chiffres fantaisistes du chômage, une baisse du pouvoir d’achat des salariés et retraités, un désengagement tous azimuts de l’Etat, une fiscalité injuste, un mode de financement archaïque de la Sécurité sociale, etc. 

Il aurait fallu engager, dès le début du quinquennat, des réformes essentielles dans tous ces domaines et bien d’autres encore afin de renouer avec la République, la démocratie et la justice sociale, en apportant des réponses sérieuses aux difficultés que rencontrent des millions de Français et leurs familles. Et le principe souvent rappelé naguère par Pierre Mendès France (si les réformes essentielles ne sont pas faites dans les six premiers mois qui suivent l’installation d’un nouveau gouvernement, elles ne se font en général jamais) s’est à nouveau vérifié. Dès la fin de l’année 2012, il était clair que les grandes réformes nécessaires étaient déjà enterrées par François Hollande.

Mais si cette absence de vraies réformes résulte d’une politique assez conservatrice, elle s’explique aussi par un manque de préparation évident à l’exercice des responsabilités et une profonde méconnaissance des dossiers. L’incompétence a marqué quasiment chaque action, chaque projet de loi, chaque déclaration de ministres ou secrétaires d’Etat. On n’aura jamais constaté autant d’incohérences, revirements, maladresses ou couacs gouvernementaux depuis le début de la 5ème République en 1958. 

François Hollande aurait pu écouter les conseils venant d’experts de la société civile mais il a préféré s’entourer de ses proches au sens idéologique du terme. Des projets à caractère souvent électoraliste ont été ainsi censurés par le Conseil constitutionnel comme la loi sur l’amnistie sociale ou l’imposition à 75% des revenus annuels dépassant un million d’euros. D’autres n’ont pas abouti comme l’état d’urgence ou la déchéance de nationalité que François Hollande avait décidé de faire entrer dans la Constitution. 

Mais c’est avant même son élection, lors du grand meeting de campagne, le 22 janvier 2012 au Bourget, que François Hollande commettait sa première grave erreur. Il était aux côtés de Yannick Noah, longtemps exilé fiscal en Suisse en tant que tennisman professionnel. Ce duo sur scène était d’autant plus étonnant que la gauche en général et le Parti socialiste en particulier n’ont jamais eu de mots assez durs pour les exilés fiscaux. 

En invitant Yannick Noah qui avait gagné 3 800 000 € en 2010 (10 400 € par jour) selon le magazine Challenges, François Hollande, l’homme qui n’aimait pas les riches, donnait ainsi un très mauvais signal sur la politique qu’il allait mener au cours de son quinquennat, notamment en matière fiscale.

Et comme un nuage sombre s’avançant dans le ciel, cette première erreur annonçait l’orage qui allait suivre…



Autopsie d'un quinquennat, 2012-2017
Les vraies réformes mises aux oubliettes

par Albert Ricchi, 314 pages, broché, couverture quadrichromie, Editions Edilivre 2017 
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