28 août 2007

Appel contre les franchises médicales

Franchises médicales

Encore une fois, ce sont les assurés sociaux et les malades qui vont devoir mettre la main à la poche avec la création de trois nouvelles franchises médicales au 1er janvier prochain.

La «franchise» n’est pas un mot lâché un peu vite mais bien une constante (une des rares !) de la pensée politique de Nicolas Sarkozy en vue de combler le "déficit" de la Sécurité sociale, largement fabriqué par l'Etat depuis des décennies.

Dans le monde idéal à l’américaine du président de la République, il convient avant tout de «responsabiliser le malade» comme si on choisissait d’avoir un enfant dialysé, de soigner ou non son cancer, d’avoir un accident au travail...


50 centimes d' € par boîte de médicament,

50 centimes d’€ pour chaque acte paramédical,

2 € pour chaque recours à un transport sanitaire,

Et ce jusqu'à un plafond annuel de 50 €,

L’addition sera très lourde pour les couches modestes ou moyennes car ces trois franchises s'ajoutent aux divers forfaits déjà existants :

  • forfait hospitalier de 16 € par jour, datant de 1983

  • forfait d'1 € sur les actes médicaux, relevé à 4 €, lorsque plusieurs actes ou consultations sont effectués par un même professionnel de santé au cours d'une même journée

  • forfait de 18 € sur les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 €

  • sans oublier le ticket modérateur

Certes, dans un geste de grande bonté seigneuriale, le président de la République envisage de dispenser de la franchise les enfants de moins de 16 ans, les femmes enceintes et les titulaires de la CMU. Mais si les modalités d’exonération touchant les titulaires de la CMU restent à préciser, Nicolas Sarkozy n’a pas oublié «les enfants de Neuilly» dont les parents ont déjà bénéficié des largesses du président en matière de réduction d’impôts et d’exonération de CSG et de CRDS !

Compte tenu que de plus en plus de médicaments ne sont plus remboursés ou remboursés à un taux inférieur au taux normal, cela va conduire pour certains médicaments, notamment ceux remboursées à un taux de 35%, à un quasi déremboursement.

Le laboratoire d'homéopathie Boiron estime par exemple que les médicaments homéopathiques, dont le remboursement a déjà été ramené de 65 à 35 % en 2004 estime qu'avec le système de franchises envisagé par le gouvernement «les médicaments homéopathiques passeraient de 35 % de taux de remboursement à 7,2 % », et juge également que cette décision risque de se traduire par un « transfert vers la prescription de produits beaucoup plus chers et parfois plus nocifs».

Et il y avait sans doute des décisions plus courageuses à prendre comme celle de baisser le prix de manière uniforme de tous les médicaments au lieu de prendre des mesures qui ont la particularité de toucher de la même manière les personnes aisées comme les plus modestes…

Plusieurs acteurs ou représentants du monde de la santé ont lancé une pétition qui se veut un "appel contre la franchise sur les remboursements de soins".

 

Texte de la pétition

« FRANCHISE » SUR LES SOINS : L’ASSURANCE MALADIE SOLIDAIRE EN DANGER

En matière d’assurance maladie l’UMP et Nicolas Sarkozy ont une idée fixe : l’augmentation des dépenses de santé, ce serait d’abord et avant tout la faute des patients. Il faudrait donc les « responsabiliser », c’est à dire les pénaliser financièrement pour « qu’ils consomment moins », ou, au minimum, pour que « la Sécu rembourse de moins en moins ».

Déremboursements incohérents, augmentation du « ticket modérateur » sur des soins courants, généralisation des dépassements tarifaires pour les médecins spécialistes, invention du forfait de 1€ par acte de soins ou de biologie, du forfait de 18 euros sur les actes supérieurs à 91€, l’actuelle majorité a multiplié les atteintes à la prise en charge solidaire des soins. Mais si elle a augmenté le reste à la charge des patients, le déficit de l’assurance maladie n’en a pas été comblé pour autant.

Aujourd’hui Nicolas Sarkozy va plus loin, beaucoup plus loin, en annonçant que s’il est élu il mettra en place une « FRANCHISE » c'est-à-dire un seuil annuel de dépenses en dessous duquel l’assurance maladie ne remboursera rien. Rien du tout.

Franchise qui, pour mieux jouer son rôle de dissuasion de la consommation, ne sera pas remboursable par les assurances complémentaires, au moins dans un premier temps.

Nous, professionnels de santé, acteurs du monde associatif ou médico-social, universitaires, représentants des usagers et/ou usagers du système de santé dénonçons les RISQUES MAJEURS D’UNE TELLE FRANCHISE :

Franchise = Régression sociale : Dans son principe même une franchise d’un montant identique pour tous « pèsera » différemment selon les revenus. C’est la fin d’un système d’assurance maladie solidaire dans lequel chacun cotise selon son revenu et qui protège, équitablement, les individus en bonne santé et les malades. On quitte la logique de la solidarité pour celle de l’assurance privée.

Franchise = Menace sur l’accès aux soins des plus modestes : Dans une France où vivent plus de 3 millions de chômeurs et 7 millions de « travailleurs pauvres », 100 € de soins de santé non remboursés ce n’est pas rien… Et ce sont eux qui seront les premières victimes de la franchise si jamais elle voit le jour. La franchise, c’est la remise en cause de ce progrès social et sanitaire évident qu’avait été la création de la CMU.

Franchise = Menace sur l’accès aux soins primaires et la santé publique : Pour les « gros consommateurs », c'est-à-dire les patients atteints de maladies lourdes, il n’y aura pas le choix : il faudra payer. Mais au-dessus du montant de la franchise, ce sera sinon gratuit du moins «comme avant ».

La cible de cette mesure ce sont surtout les petits ou moyens consommateurs qu’il faut dissuader de se faire soigner pour des maladies apparemment moins sévères (celles qui, non soignées, peuvent justement s’aggraver) et bien évidemment pour les actes de prévention que l’on croit toujours pouvoir « reporter » à plus tard. L’inverse d’une politique cohérente de santé publique.

Franchise = Remise en cause du « tiers payant » : Les professionnels de santé ne pouvant savoir si le montant de la franchise a, ou non, déjà été acquitté, les patients devront systématiquement faire intégralement « l’avance de frais ». Ce qui constituerait un obstacle supplémentaire à l’accès aux soins des plus modestes.

Franchise = Porte ouverte à l’escalade : Nicolas Sarkozy ne s’en est pas caché, cette franchise sera « modulable » c'est-à-dire que « si les dépenses augmentent et si le déficit augmente on pourrait augmenter le montant », et comme les dépenses augmenteront, inéluctablement, la franchise augmentera, non moins inéluctablement, et avec elle augmentera la gravité de ses effets pervers.

Nous refusons l’instauration d’une telle « FRANCHISE», socialement injuste, économiquement inefficace et dangereuse pour la santé publique. 
Rejoignez-nous afin d’exiger des candidats à la présidentielle une clarification de leur position face à cette menace inacceptable sur l’accès aux soins en France.


Liste des premiers signataires : 

Christian LEHMANN, médecin généraliste, écrivain, 

Martin WINCKLER, médecin généraliste, écrivain

Philippe SOPENA, médecin généraliste, ancien Vice-Président de MG France

Par ordre alphabétique :

Michel AMOUYAL, médecin généraliste, Maître de Conférence Associé UFR Montpellier,

Jean-Pierre AMOYEL, médecin rhumatologue Elie ARIE, médecin cardiologue, Enseignant-Associé à la Chaire d’Economie et Gestion des Services de Santé au Conservatoire National des Arts et Métiers

François AUTAIN, médecin, sénateur, Secrétaire de la Commission des Affaires Sociales

Philippe BATEL, Professeur de médecine, Alcoologie, Hôpital BEAUJON

Hélène BAUDRY, médecin généraliste, Présidente de l’Association Nationale des Médecins Référents

Jean-Marie BENOIS, Chargé de projet Médecins du Monde "Mission Calais"

Francis BLANC, médecin généraliste

Richard BOUTON, médecin généraliste, ancien Président de MG France, consultant dans le domaine de la santé et de l’assurance maladie

Christian BONNAUD, médecin généraliste

Jacques BRUNHES, député des Hauts-de-Seine

Danielle CALLUYERE-VAUBOURG, médecin conseil

José CAUDRON, économiste de la santé et de la protection sociale, Professeur Associé à l’Université Paris 1, membre de la Fondation Copernic Renaud CAZALIS, médecin généraliste, Président d’Espace Généraliste Languedoc-Roussillon

Pascal CHARBONNEL, médecin généraliste

Pierre CORRATGE, médecin Généraliste, Chargé d’Enseignement de Médecine Générale à la Faculté de Médecine de Montpellier

Odile CORRATGE, directrice d’Ecole Maternelle

Jean DE KERVASDOUE, ancien directeur des hôpitaux, professeur titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers

Eva DE ROFFIGNAC, médecin généraliste

Mady DENANTES, médecin généraliste

Martine DEVRIES, médecin généraliste

Catherine DORMARD, médecin généraliste

Patrick DUBREIL, médecin généraliste, secrétaire général du Syndicat de la Médecine Générale

Frédéric DUTOIT, député des Bouches-du-Rhône, maire des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille

Bernard ELGHOZI, Médecin Généraliste, Coordination des réseaux

Philippe FOUCRAS, médecin

Jacqueline FRAYSSE, médecin cardiologue, députée des Hauts-de-Seine

Jean-Pierre GEERAERT, médecin généraliste, Président de la Cimade 93 Serge GILBERG, Professeur Associé de Médecine Générale, Université Paris V Lucette GUIBERT, pharmacienne salariée et responsable associative

Richard HASSELMANN, Directeur Général d’institution sociale

Marie KAYSER, médecin généraliste

Florian KOMAC, médecin généraliste, membre URML Languedoc-Roussillon

Florence LACHENAL, médecin interniste

Jean-Marie LE GUEN, médecin, député de Paris

Philippe LE ROUZO, médecin généraliste, Président du Syndicat des médecins généralistes du Morbihan MG56

Béatrice LOGNOS, spécialiste en médecine générale, élue URML Languedoc Roussillon

Philippe LORRAIN, médecin généraliste, membre du SMG

Raymond MARI, ancien responsable des relations avec les professions de santé au sein de l’assurance maladie

Didier MENARD, médecin généraliste, Président du Syndicat de la Médecine Générale

Catherine MILLS, Maître de Conférences honoraire à l’Université de Paris I, économiste de la santé et de la protection sociale

Marc MONDAN, médecin généraliste, Président d’Espace Généraliste 91, membre du Département de médecine générale de la Faculté Paris-Sud Kremlin-Bicêtre, Maître de stage

Philippe PLUVINAGE, médecin rhumatologue, bénévole à Médecins du Monde

Françoise RIVALS JONQUET, médecin généraliste

Elisabeth RIVOLLIER, médecin généraliste hospitalier 



> Signer la pétition ICI

> Contacter les signataires ICI


Photo Creative Commons 


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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Je voulais juste ajouter un commentaire. La Suède qui est aussi citée comme un pays ayant une bonne couverture sociale a une franchise de
150€/an/personne.

Albert Ricchi a dit…

Bonsoir Fred,

On peut certes comparer le montant des franchises maladie d'un pays à l'autre mais cette comparaison doit être rapportée immédiatement à une autre : la part des impôts indirects par rapport aux impôts directs. Malheureusement, la France bat tous les records en matière de fiscalité indirecte avec 83% des recettes du budget contre seulement 17% pour les impôts directs. Les franchises vont considérablement aggraver cette situation, ce qui n'est pas le cas des pays scandinaves.

Cordialement,

Albert

Anonyme a dit…

@ fred

Un malade hospitalisé par exemple 10 jours ayant subi une intervention chirurgicale supérieure à K 50 paiera exatement 160 € + 18 € = 178 € de franchise.

Le record des 150 € de la Suède est battu sans parler des hospitalisations plus longues...

Stephane a dit…

Nous sommes scandalisé par ce projet de loi...
IL y a des droits qui ne donnent pas des devoirs
Le financement de la sécu sous jospin
c'est fait grâce aux cagnottes fiscals et à la croissance(le budget 2000 fût à l'équilibre 0)
Aujourd'hui 15 milliards/an de cadeaux fiscaux....
D'autres solutions sont possible.
Cordialement.
Stef

Anonyme a dit…

Excellent article, excellent débat... Entre la Cour des Comptes qui estime que l'on n'en fait pas assez et les usines à gaz qu'il faut mettre en place pour concrétiser les idées de nos politiques de tous bords, il y a de quoi perdre son latin. A propos de faisabilité aussi. Un exemple est ici affiché
: http://www.mediam.ext.cnamts.fr/ameli/cons/CIRCC/2006/CIR-41-2006.PDF Eh
oui, c'est la franchise de 18 euros annoncée en octobre 2005, décrétée" en juin 2006 et "circularisée" en août 2006. Ce monument de complexité typiquement français, il faut le savoir, n'a jamais bien fonctionné et devrait être achevé en octobre 2007, "de source sure". Quant à la "bonne vieille franchise de 1 euro", une recherche libre devrait aboutir au même constat, une armée de citoyens ne la supportant pas (CMU...) ou se trouvant dans une situation telle qu'elle ne peut être récupérée (tiers payant...)
Sur ce qui vient d'être décidé, j'ai donc les plus grands doute sur la mise en oeuvre, sachant que d'ores et déjà la gestion du prélèvement (dans un contexte de tiers payant phamaceutique généralisé et d'instauration
d'exceptions de tous ordres)est un casse tête et que les principaux acteurs concernés ne se bousculent pas pour le résoudre !

Anonyme a dit…

@ Albert

Ca c'est un commentaire intelligent, merci !

Anonyme a dit…

On a bien compris que le terme "franchise" signifie que d’ici peu, la Sécu deviendra une assurance privée, comme l’assurance voiture !

Sarkozy croît que les français sont des nases qui peuvent avaler des couleuvres sans broncher !