20 janvier 2023

Réforme des retraites : d'autres solutions existent pour éviter le recul de l'âge de départ à 64 ans...

Après avoir abandonné son projet de réforme des retraites par points lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron propose aujourd’hui une autre réforme prévoyant de reculer l’âge de départ à 64 ans. 

Ce changement de pied prouve une fois de plus que le Président de la République change d'avis comme de chemise et il explique maintenant que la dégradation du rapport actifs-inactifs nécessite un nouveau recul de l’âge de départ. 

En suivant ce principe simpliste, dès lors que ce rapport se dégrade, il faudrait donc reculer l’âge légal de départ à la retraite, ce qui est parfaitement intolérable... 


La France comptera 1,4 cotisant par retraité à partir de la fin des années 2040 selon le Conseil d'orientation des retraites (COR). Se basant sur cet élément statistique et un manque de financement des actifs vers les inactifs, Emmanuel Macron veut reculer à nouveau l’âge de départ en le portant à 64 ans. 

C’est en fait une nouvelle réforme allant toujours dans le même sens, à savoir celui d'une nouvelle régression sociale que nous connaissons depuis 1993 :

  • En 1993, la réforme Balladur a porté le nombre d’années de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein a 40 annuités (160 trimestres) au lieu de 37,5 ans (150 trimestres). Principale conséquence : les personnes voulant prendre leur retraite sans avoir les 40 annuités nécessaires pour une pension à taux plein, subissent une décote de 10 % du montant de la pension mensuelle par année manquante, pour l'ensemble des salariés du privé. Quant au salaire annuel moyen (SAM), basé sur les 10 meilleures années qui sert de base au calcul de la pension, il est calculé maintenant sur les 25 meilleures.
  • En 2003, la réforme Fillon a aggrave encore la situation en portant la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein (50% du SAM) à 41 annuités de cotisations. 
  • En 2010, la réforme Woerth a porté progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2017.
  • En 2014, la réforme Touraine a porté à 42 annuités à l'horizon 2023 pour une retraite à taux plein, à 42 ans et un trimestre en 2026, à 42 ans et deux trimestres en 2029, à 42 ans et trois trimestres en 2032 et enfin à 43 ans en 2035. Une décote a été instituée avec une réduction progressive de 5% par année manquante en cas de liquidation avant 65 ans sans réunir les conditions du taux plein. De plus, l'indexation annuelle des retraites a été reportée d’avril à octobre. 

Au total, ces quatre réformes se sont traduites par une baisse de 20% à 25 % du montant moyen des retraites du régime général ! Et aujourd’hui, 50% des retraités perçoivent une pension globale inférieure à 1300 € par mois, 25% des retraités une pension inférieure à 800 € et environ 10 % moins de 300 €. 

Une situation qui s'est encore aggravée au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron avec l'augmentation de 25% du taux de la CSG sur le montant des pensions (8,3% au lieu de 6,6%) puis de la non indexation annuelle de celles-ci sur le taux annuel d'inflation.

D’autres solutions existent mais Emmanuel Macron n'en veut pas !

Pour éviter cette réduction continue des droits des pensionnés que l'on connait depuis 30 ans, il serait parfaitement possible de dégager un financement complémentaire du budget de l'Etat ou de la Sécurité sociale. Adopté par de nombreux pays, ce système existe déjà partiellement en France dans la mesure où les retraites de la Fonction publique sont financées par les cotisations sur salaires des fonctionnaires actifs mais aussi par une aide du budget de l'Etat. 

Pour aller dans ce sens et trouver un financement adéquat complémentaire, Il serait facile de revoir toutes les exonérations accordées depuis de nombreuses années aux entreprises dont certaines sont sévèrement critiquées, y compris dans la majorité gouvernementale :

- Allégements généraux de cotisations sociales entre 1 et 1,6 SMIC (Fillon) : 24 milliards d’euros en 2019 ; 

- CICE « basculé » en réduction de 6 points de cotisations sociales entre 1 et 2,5 SMIC : 22 milliards d’euros en 2019 ; 

- Pacte de responsabilité « 2015 » (exonération de 1,8 point de cotisations sociales entre 1 et 1,6 SMIC) : 4 milliards d’euros en 2019 ; 

- Pacte de responsabilité « 2016 » (exonération de 1,8  point de cotisations sociales entre 1,6 et 3,5 SMIC) : 4 milliards d’euros en 2019 ; 

- Allégement supplémentaire de 4 points de cotisations sociales au niveau du SMIC puis décroissant jusqu’à 1,6 SMIC : effet année pleine de 3,5 milliards d’euros à la fin de 2019... 

- Autre problème qui réduit le budget de la Sécurité sociale, c'est celui de l’étroitesse de l’assiette des cotisations dites patronales. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, ayant une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale et une haute valeur ajoutée.  Le remplacement, même partiel, des cotisations patronales par une contribution sur la valeur ajoutée reviendrait pour la première fois à inclure les profits d’exploitation des entreprises dans l’assiette de financement de la Sécurité sociale, notamment les entreprises ayant « ajusté à la baisse » leur masse salariale à l’occasion de restructurations ou de délocalisations. Cette dernière proposition fut explorée à plusieurs reprises par d’anciens premiers ministres, Alain Juppé et Lionel Jospin, mais elle est restée lettre morte.

Et c'est sans compter enfin sur le manque de volonté politique du gouvernement Macron de  lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale qui coûterait entre 80 et 100 milliards d'euros par an (tout impôt et taxe confondus), selon le syndicat Solidaires des Finances Publiques.  

Comme on le voit, de nombreuses solutions existent pour trouver un financement complémentaire et éviter cette fuite en avant régulière du recul de l'âge légal du départ en retraite mais Emmanuel Macron ne veut aucune autre solutions, s'alignant ainsi encore une fois sur la philosophie de la commission de Bruxelles...


Photo Creative Commons 


> Lire tous les articles du blog

5 commentaires:

Paparazzo a dit…


CQFD

excellent, merci pour ces explications simples et limpides qui montrent qu’il ne s’agit pas de choix de gestion mais d’intérêts de classes.

Géronimo howakhan a dit…

Salutations et merci, très éclairant.

Il y a chez ces truands du sommet qui osent se faire appeler élites, ce qui ne correspond à rien de factuel , il y a un désir de faire mal voir très mal à la population, population qui accepte qu’on lui fasse mal.

Peut être pas toujours à titre personnel, mais sur une échelle globale de 66 millions de personnes, sans unité profonde, bonne, équitable des masses, ce sera toujours le truand qui gagne.

Or nous la masse, donc chacun n’a aucune unité avec l’autre...sauf pour s’en servir, ce qui n’est pas une unité.

On est dans la torture mentale tous les jours de diverses façons.

Nous sommes dans une sorte de rapport sado-maso bien réel..

Les truands eux ont un seul avantage majeur : ILS COOPÈRENT.. pour niquer la masse. ça suffit pour l’emporter.

La masse a un désavantage majeur, issu du choix majeur de tous : il n’y a aucune coopération coté masse..chacun pour soi..

Ceci doit changer, et pour ceux qui ne comprennent pas encore, c’est là où nous devons aller, quelque chose de plus grand que nous, nous y force.

refuser c’est creuser sa tombe..

Ticotico a dit…

Comme on peut le lire dans ce bon article, les analyses critiques de cette « réforme » commencent à mettre à jour les vraies motivations de Manu le néfaste.

Frédéric Lordon parle d’un « forcené » dont le but principal est de piétiner le peuple à la fois pour assouvir un plaisir malsain et pour montrer que rien ne lui résiste.

Cette démesure apparait aussi dans un commentaire d’Emmanuel Todd. Il s’interroge sur l’opportunité de lancer cette « réforme inutile » en ce moment : « après être entré en guerre contre la Russie, était-il bien nécessaire de déclarer la guerre au peuple français ? »

L’hypothèse d’une déviance mentale grave semble donc se confirmer.

Pour mettre au pas ce personnage aussi tragique que dangereux, la seule solution est de frapper fort sur ses sponsors oligarchiques. Cela ne peut se concrétiser que par une forte montée en puissance des grèves.

Macron prend plaisir à ne pas écouter le peuple, mais quand ses patrons l’appellent, il ouvre grand ses oreilles.

Yvon a dit…

Cette « réforme «  ne doit absolument pas passer !

Merci pour cet article clair et évident.
Yvon

Anonyme a dit…

Tout est dit dans cet excellent article...