La nouvelle polémique déclenchée par Nicolas Sarkozy au sujet de la fête du 1er Mai pourrait apparaître comme une simple péripétie d’une campagne présidentielle abordant trop peu les grands enjeux que sont aujourd’hui ceux d’une France rongée par les délocalisations, le chômage et la précarité à l’intérieur d’une Europe ultra-libérale en crise.
Mais on aurait tort cependant de ne pas s’y attarder car dans sa folle équipée pour transformer l’UMP en un parti de droite extrême, le président sortant a fait un nouveau pas hautement révélateur…
Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, sortant de son siège de campagne, Nicolas Sarkozy annonce aux journalistes qu’il a l’intention d’organiser le 1er Mai la fête du « vrai travail ». Sa porte-parole, Nathalie Kosciusko-Morizet, précise dans la foulée que cela devrait prendre la forme d’un grand rassemblement à Paris, par exemple au Trocadéro.
Le ton est ainsi donné pour le second tour de la campagne présidentielle : récupérer le plus possible les voix du Front National ! Le président sortant entend court-circuiter la fête du 1er mai en organisant sa fête des " vrais travailleurs ". A ce jour, seul Jean-Marie Le Pen avec sa fête de Jeanne d'arc et Philippe Pétain avec sa " fête du travail et de la concorde sociale " avaient osé faire un tel coup.
Petit rappel historique
Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d'obtenir la journée de 8 heures (une des " utopies " de l'époque, comme celle aujourd'hui d’un Smic décent pour pouvoir vivre dignement…).
Mais d’autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340 000 font encore grève pour forcer leur employeur à céder. Le 3 mai, lors d'une manifestation pacifique, des ouvriers grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago, sont tirés à bout portant par des milices patronales qui font trois morts.
Une marche de protestation a lieu dès le lendemain et tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. La police tire sur les grévistes qui répliquent. Des dizaines de morts et de blessés restent sur le carreau. Les meneurs de la manifestation sont arrêtés et condamnés à la pendaison le 11 novembre 1887. Ils seront réhabilités (à titre posthume) le 26 juin 1993 et déclarés innocents.
Le 20 mai 1889, à l’occasion de son congrès à Paris, la Deuxième Internationale fait une proposition demandant « l’organisation d’une grande manifestation internationale en faveur de la réduction des heures de travail qui serait faite à une date fixe, la même pour tous ». La date est celle choisie par les travailleurs américains et ce sera le 1er mai qui prend alors dans le monde entier la signification d’une journée de revendication des travailleurs.
Cette journée ne s'est pas imposée sans résistance en France. Le 1er mai 1891, c’est la première célébration française et internationale de la journée d'action du 1er mai. La troupe tire sur les grévistes pacifiques : neuf morts, dont 8 manifestants de moins de 21 ans, parmi lesquels une jeune ouvrière qui restera comme un symbole, Marie Blondeau, et 35 blessés.
La fusillade provoque une vive émotion dans la France entière. Elle est considérée aujourd'hui comme l'un des événements fondateurs du mouvement ouvrier. Jean Jaurès se rendra même peu après à Fourmies pour y prononcer un discours tandis que Georges Clémenceau déclarera devant les députés que « c'est le Quatrième état qui s'est levé ».
Et depuis, un seul régime, celui du maréchal Pétain, a voulu rompre avec cette tradition de solidarité ouvrière, pour instaurer une fête… du travail. Pas du « vrai » travail mais c’est tout comme…
Le 1er mars 1941, à Saint-Etienne, le maréchal prononce un discours en forme d’adresse aux « ouvriers, techniciens et patrons français », récusant la lutte des classes, encourageant la défense du bien commun et la création de comités sociaux.
Puis le 24 avril suivant, le maréchal instaure officiellement le 1er Mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale ». L’églantine rouge, chère auparavant à la gauche, est remplacée par le muguet.
Cette histoire-là, glorieuse et cruelle, des combats ouvriers de la fin du XIXe siècle, comme celle, honteuse, du régime de Vichy, Nicolas Sarkozy ne l’ignore naturellement pas. Il devient évident que son initiative est purement idéologique et le masque tombe ainsi pour celui qui se revendiquait en 2007 comme le candidat du peuple et des humbles...
--> Quand Nicolas Sarkozy nie ses propos antérieurs sur le "vrai" travail…
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