La
ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès
Buzyn, souhaite entamer avec le Parlement et l'ensemble des acteurs
une réflexion sur la politique familiale en général. Dans ce
contexte, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a fait savoir qu'il
n'était pas fermé à l'idée de ne plus verser les allocations
familiales aux ménages les plus aisés.
Quant
au président de la République, il désire prendre le temps de la
réflexion mais pourrait être tenté de réaliser une économie
budgétaire et en même temps casser l'image, qui lui colle à la peau, d'un
« président de droite qui a bâti un budget 2018 pour les riches »…
Au cours du quinquennat précédent, François Hollande et son ministre de
l’Economie, Emmanuel Macron, avaient déjà « réformer » les
modalités de versement des allocations familiales en introduisant une
modulation de leur montant en fonction des ressources qui a permis de
faire des économies budgétaires de l’ordre de 700 millions d'euros par
an.
Aujourd’hui,
si ce nouveau projet se concrétise en 2018, le gouvernement d’Emmanuel Macron
pourrait réaliser des économies budgétaires de l'ordre de 440
millions d'euros par an en supprimant le versement de ces allocations
pour les revenus au-dessus d'une tranche de 6 000 à 8
000 € mensuels environ.
Mais
si une suppression des AF pour les familles aisées n’est pas
choquante en soi, le gouvernement laisse cependant de côté deux
énormes anomalies dont personne ne parle.
Les familles avec un enfant à charge
Les AF
arrivent en tête des différentes prestations familiales pour environ 13
milliards d'euros et sont versées par les Caisses d’Allocations
Familiales (CAF) à près de 5 millions de foyers, à partir du deuxième
enfant à charge.
Le
décret-loi du 29 juillet 1939 avait supprimé en effet l’allocation au premier
enfant au profit d’une prime à la première naissance.
Depuis, la France est restée avec cette vieille idée, non
vérifiée sociologiquement à ce jour, qui consiste à favoriser les naissances en
ne donnant pas d’allocations aux familles dès le premier enfant. Tout se
passe comme si les frais occasionnés par un premier enfant étaient négligeables
alors que cela coûte aussi cher, sinon plus proportionnellement, que de deux
enfants et plus !
Conséquence :
les couples venant de débuter dans la vie ou en difficulté financière dont l’un
des conjoints est au chômage ou en temps partiel subi, les personnes seules,
divorcées, ayant un seul enfant à charge, subissent de plein fouet cette
injustice sociale.
Cela
est d’autant plus choquant qu’on compte aujourd’hui 9 millions de personnes
pauvres au sens des critères retenus par l’Union européenne (60% du revenu
médian), qui vivent avec moins de 1 015 € mensuels. Sans compter les quelques 3
millions de salariés payés au SMIC (1 153 € nets mensuels sur la base de
la durée légale de 35 heures hebdomadaires).
Autre
incohérence notable, si les AF sont attribuées à partir du deuxième enfant en
métropole, elles sont versées dès le premier enfant dans les DOM (Guadeloupe,
Guyane, Martinique, Mayotte, Réunion), comme s’il y avait un principe à
géométrie variable et deux catégories de Français !
L’indexation annuelle du montant des allocations sur le coût de la vie
Le
montant des diverses prestations est fixé au 1er avril de chaque année en
fonction d’un certain pourcentage de la base mensuelle de calcul des
allocations familiales (BMAF). C'est ainsi que l'allocation pour 2 enfants est
égale à 32% de la BMAF, pour 3 enfants à 73%, pour 4 enfants à 114% et ce pour
l’ensemble des différentes prestations familiales. Cette BMAF devrait être
revalorisée chaque année en fonction du taux d’inflation mais en réalité il
n’en est rien, ce qui a pour conséquence concrète de réduire chaque année le
montant réel des allocations servies.
Petit historique :
Sous
le gouvernement de François Fillon, le montant de la BMAF était de 395,04
€ en 2011. Elle est passée à 399 € au 1er avril 2012, soit une augmentation de
1 % alors que le taux d'inflation était de 2,1% pour l’année 2011, ce qui
correspond à une baisse du montant des allocations de 1,1% !
Sous
le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, le montant de la BMAF de 399 € en
2012 est passé à 403,79 € au 1er avril 2013, soit une augmentation de 1,01 %
alors que le taux d'inflation était de 2 % pour l’année 2012, ce qui correspond
à une baisse du montant des allocations de 1 % !
Puis,
cerise sur le gâteau, le Premier ministre, Manuel Valls, a prévu carrément
le gel de toutes les prestations sociales pendant au moins dix-huit mois. C’est
ainsi que depuis juillet 2015, le montant des AF n’a pratiquement pas varié.
De
plus, comme il n’y a pas de petites économies, dit le proverbe, le législateur
a eu la bonne idée de grignoter encore quelques euros sur le dos des
allocataires grâce à une retenue de 0,50 % opérée au titre de la contribution
au recouvrement de la dette sociale (CRDS).
Aujourd'hui,
une véritable réforme consisterait à attribuer les AF à toutes les familles dès
le premier enfant (comme en Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, Grèce,
Irlande, Islande, Luxembourg, Pays-Bas, Suède, etc.) selon un barème
dégressif en fonction des revenus, de ne plus les attribuer au-delà d'un
certain plafond de revenu jugé excessif et d'indexer
régulièrement leur montant sur le taux annuel d'inflation.
Le
président de la République, qui se félicite régulièrement d'être un
réformiste notoire, pourrait faire une telle réforme mais à
condition de chercher les moyens financiers là où ils foisonnent : la fraude
fiscale qui coûte chaque année à la France entre 60 et 80 milliards d'euros ou
les niches fiscales qui vont coûter en 2017 près de 90 milliards
d'euros…
> Montants
nets des AF au 01/04/17, après déduction de la CRDS (exemple pour 2
enfants) :
revenus <
67 408 € : 129,86 €
revenus >
67 408 et < 89 847 € : 64,93 €
revenus>
89 847 € : 32,47 €
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