Laurent
Le Mesle vient d'être nommé Procureur général de Paris par Jacques
Chirac et prendra ses fonctions le 6 octobre prochain, en remplacement d'Yves
Bot, nommé avocat général à la Cour de justice des communautés européennes.
Ancien
conseiller de Chirac, membre du cabinet du ministre de la justice, il sera
ainsi celui qui décidera s'il est opportun de traduire devant un juge le
citoyen Chirac pour toutes les affaires qui n'ont pu être instruites en raison
du statut pénal du Président de la République.
Jacques
Chirac avait bien promis de faire voter le statut du chef de l'état dès sa
réélection en 2002 mais au terme de la législature, il n'est plus question de
modifier le statut pénal du chef de l'état...
Mais
ne dit-on pas que gouverner c'est prévoir !
Laurent
Le Mesle, 55 ans (juriste incontesté au demeurant) a donc été nommé procureur
général près la cour d'appel de Paris en Conseil des ministres.
Cette
nomination est le fruit d'un décret qui ne demande aucune consultation du Haut
Conseil de la Magistrature, point largement critiqué et démontrant, s’il en est
besoin, le pouvoir immense dont dispose le Président sous la cinquième
république.
Il est
important de rappeler que Monsieur Le Mesle est actuellement le chef de cabinet
du ministre de la justice, Pascal Clément. Auparavant il était abrité à
l'Elysée, comme conseiller pour la justice auprès de Chirac entre 2002 et 2005…
Monsieur
Le Mesle, placé sous l'autorité hiérarchique directe du Garde des sceaux
supervisera l'essentiel des affaires sensibles et décidera des choix de
politique pénale. Il sera alors l’homme sûr, parfaitement au fait des
nombreuses affaires et casseroles, prêt à tout ensevelir si nécessaire…
L'immunité
accordée au chef de l'Etat par la Cour de cassation cessera à la fin de son
mandat. A compter de cette date, Jacques Chirac, pourra être entendu comme
témoin, témoin assisté ou mis en examen par le juge chargé de l'affaire des HLM
de Paris.
Et qui
sera chargé de ré enclencher et de suivre cette procédure qui le vise ? Son
ancien conseiller qu'il aura lui-même nommé à ce poste…
On
pourrait difficilement imaginer pire manifestation de mépris de la justice et
des citoyens : les naïfs qui espèrent que Chirac répondra de ses actes
délictueux une fois son immunité levée risquent bien d'en être pour leurs
frais.
François
Hollande, 1er secrétaire du PS, a jugé "choquante" cette nomination,
"parce qu'elle peut viser le citoyen Jacques Chirac qui demain, au terme
de son mandat de président de la République, pourrait avoir à répondre des
accusations qui ont pu être faites quant aux emplois fictifs de la Ville de
Paris".
François
Bayrou, président de l'UDF, a déploré cette nomination : "Je n'aime pas
l'idée qu'en France ce type de nomination passe par la proximité avec le
pouvoir". "Dans le projet républicain, on sépare l'exécutif du
législatif et du judiciaire pour que le citoyen ait un recours. Et là,
l'exécutif nomme à l'intérieur du judiciaire, de manière qu'il y ait une très
grande intimité entre eux".
Dominique
Barella, président de l'Union Syndicale des Magistrats (USM, majoritaire et
modérée) s’est indigné de la candidature de Laurent Le Mesle au poste de
procureur général de Paris, appuyée par le ministre de la justice, Pascal
Clément.
"Ce qui pose problème", a-t-il précisé, "c'est son extrême
proximité avec le garde des Sceaux et surtout avec le président de la
République dont il a été le conseiller juridique".
Interrogé
sur le projet de réforme de la justice, Dominique Barella a indiqué que l'USM a
"demandé le retrait de ce projet qui est une escroquerie intellectuelle
par rapport au citoyen". Il explique par ailleurs que l'USM "trouve
urgent de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature pour
doubler le nombre des membres nommés par des personnalités politique".
Selon Dominique Barella, "les annonces concomitantes - la nomination d'un
nouveau procureur général de Paris et le projet de loi - constituent un signe
évident de reprise en main".
L'opération
reprise en mains et impunité est donc lancée. Mais le règne du roi Jacques
pouvait-il s'achever autrement que par cette ultime provocation ?
La
Vème république ne saurait prouver de façon plus éclatante qu'elle est
décidément celle des copains et des coquins.
Souffrant
depuis 1958 d’un budget indigne d’une véritable démocratie et sans comparaison
avec les efforts financiers consentis par nos principaux voisins européens, la
situation actuelle invite à une réforme d’envergure dont la portée doit excéder
la seule question des moyens.
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