12 janvier 2008

Recodification du code du Travail : il y aura de la casse !

Dalloz

Le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007, relative au Code du travail (partie législative), a été adopté courant décembre, en deuxième lecture, par le sénat.

Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, a réaffirmé lors du débat parlementaire que cette ordonnance « constituait l'aboutissement de plus de deux ans de travaux patients et concertés dans le seul but de rendre plus lisible un code auquel tous s'accordent à conférer un statut particulier et de faciliter la vie quotidienne de ceux qui l'utilisent ». 

Mais, sous prétexte de simplification, ce texte opère en fait des modifications de fond qui portent atteinte aux droits des salariés et le travail de « recodification » n'a pas été réalisé «à droit constant», comme s'y était engagé le gouvernement…


Lancée par le gouvernement de Dominique de Villepin en février 2005, la " recodification " du code du travail était censée n’être qu’un toilettage, une simplification « à droit constant » ; En clair " des réaménagements techniques, mais sans conséquence sur les droits des salariés ".

Ce projet de loi de ratification avait été déposé au sénat subrepticement le 18 avril 2007, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle. Et le gouvernement Fillon a fait le forcing pour le faire ratifier par les députés dès le 4 décembre mais la discussion avait été reportée faute d'un nombre suffisant de parlementaires dans l'hémicycle. Finalement adopté par les sénateurs en deuxième lecture le 19 décembre, la partie législative du Code du travail entrera en vigueur en même temps que sa partie réglementaire au plus tard le 1er mai 2008.

Cette précipitation n’est pas sans rappeler celle du gouvernement de Dominique de Villepin à propos du CNE qui, après avoir été malmené par les tribunaux français, a été récemment condamné par l’OIT.

En fait de simplification, le nouveau texte sera encore plus difficile d’accès pour un non expert. Il devrait contenir 3652 articles au lieu de 1891 actuellement et 1890 subdivisions au lieu des 271 actuellement ! Tous les articles pourront désormais être modifiés par simple décret gouvernemental là où auparavant il fallait recourir à la loi et donc au débat parlementaire. Un véritable déni démocratique…

Ces déclassements touchent notamment aux conditions de licenciement et d’indemnisation, au rôle de l’inspecteur du travail, aux règles de prévention et de sécurité. Le plan de ce nouveau code multiplie ainsi les chausse-trappes et les réinterprétations douteuses : 

  • Certaines catégories de salariés sont externalisées vers d’autres codes : salariés agricoles, assistants maternels, salariés du transport, des mines, de l’Education, marins, dockers, etc., ce qui est une atteinte à l’égalité devant le droit du travail.

  • Les obligations en cas de licenciement économique font désormais l’objet de deux articles distincts dans deux sections différentes : le lien de l’un à l’autre disparaît.

  • Les obligations d’information de l’employeur (registres, affichages) sont réduites.

  • Comme par hasard, les dispositions sur le temps de travail sont intégrées au chapitre sur les salaires…, en écho au fameux « travailler plus, pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy.

  • L’apprentissage a été chassé de la partie « contrat de travail » pour être renvoyé à la partie « formation professionnelle »

  • En ce qui concerne les questions d’hygiène, de santé et de sécurité, les obligations des employeurs sont devenues un élément parmi tant d’autres avec « les obligations des travailleurs » faisant ainsi partager les risques et responsabilités avec les salariés – ce qui, en droit, est un recul de près d’un siècle !

  • Les moyens de contrôle de l’inspection du travail, déjà faibles, sont démantelés. L’inspection du travail, indépendante des gouvernements en place du fait de la convention N° 81 de l’OIT, a été renvoyée dans la partie « Administration du travail ».

  • Le droit pénal du travail disparaît pratiquement et il n’y a plus de sanctions en récidive pour les employeurs.

  • Les prud’hommes sont quasiment supprimés.

  • Le nombre de délégués syndicaux baisse.

  • Le droit de grève a été introduit dans la parie « négociation collective » alors que c’est un droit constitutionnel non négociable.

  • Etc.

Au-delà de cette manipulation inadmissible des textes, de la part de la majorité gouvernementale UMP, ce qui est également condamnable, c’est le recours, une nouvelle fois, à des ordonnances en vue d’avoir un minimum de débat au parlement. Une pratique courante sous la 5ème République qu’il conviendrait d’abolir définitivement…

Mais ce qui est regrettable aussi, c’est le silence général et étouffant des médias sur une telle affaire. Pas une seule Une dans les journaux et magazines, pas de débat bien sûr sur les Chaînes de Télé et de radio ! Pas assez médiatique sans doute aussi pour les instituts mesurant l’audience préférant les sujets plus attractifs comme les aventureuses amoureuses du président de la république chez Mickey et Pluto… Bref, motus et bouche cousue ! 

Pourtant, le code du Travail est le droit quotidien pour 18 millions de salariés du privé, mais aussi le droit le moins connu, le plus contesté et le plus fraudé.

C’est la base de l’Etat de droit dans l’entreprise. C’est également un droit évolutif, élaboré en cent trente ans, avec des hauts et des bas, sous l’impact notamment des luttes sociales et politiques. Chaque ligne, chaque article, chaque alinéa représente de la sueur, des larmes, des souffrances et des grèves, produits de toute l’histoire des mouvements sociaux de notre pays.

Et les salariés savent, souvent instinctivement, ce qui va en résulter pour eux : des conditions de travail dégradées, une souffrance accrue, une protection moindre, des salaires bloqués et des droits syndicaux diminués…


Merci à Gérard Filoche, inspecteur du travail, qui nous a confirmé la dangerosité des nombreux articles de ce nouveau texte


Photo Creative Commons 


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9 commentaires:

Anonyme a dit…

Bientôt la fin de ce que nous appelions des "acquis sociaux" ?

Anonyme a dit…

Un nouveau code du travail qui laisse un goût amer pour les droits des salariés.

Le MEDEF sera très satisfait de pouvoir maintenant modifier à volonté, ce "lourd livre qui bloque notre économie".

Le code du travail ne bloque rien si ce n est le retour à une situation professionnelle digne du 19 ème siècle…

Anonyme a dit…

A ceux qui prônent le nécessaire assouplissement du Code du Travail, je propose également la simplification du Code de la Route, lui aussi source de tracas inutiles et frein pour le développement du trafic routier, comme chacun sait : déplafonnement des limites de vitesse - négociation ville par ville des règles générales de circulation - concurrence libre et non faussée entre piétons et automobilistes... bref, "rouler plus vite pour aller plus loin" !

Anonyme a dit…

Je crois que le rêve d'une grande partie du grand patronat (MEDEF) -je ne parle pas des "petits patrons" qui hélas se laissent mener et représenter par les grands -schéma identique à celui des petits agriculteurs qui se laissent mener par une FNSEA au service des grands betteraviers et céréaliers - , le rêve donc de ce patronat c'est de ramener les ouvriers et employés européens au niveau des Chinois, ou mieux, à la situation du prolétariat au milieu du XIX° siècle.

53 % des électeurs ont voté pour Sarko : eh bien, qu'ils recueillent les fruits de leur investissement !

Comme dit Molière, "Tu l'as voulu, George Dandin !"

Anonyme a dit…

Ah ! Si Sarkozy avait eu en face de lui un candidat autre que Miss Poitou...

Anonyme a dit…

Mais oui, qu'ils soient rapides les Fillon/Sarkozy ...Cela laissera trois ans et demi - quatre ans aux travailleurs pour voir jusqu'à quel point la politique sarkozienne du "tout pour les riches" les a appauvris... et les commerçants aussi auront eu le temps de voir leur chiffre d'affaire stagner ou chuter (sauf bien sûr Fauchon, Dior, Vuitton et consorts)

Mais oui, qu'ils soient rapides les Fillon/Sarkozy ...Cela laissera trois ans et demi - quatre ans au PS et au Modem pour décider ce qu'ils feront pour "retricoter" le code du travail dès 2012…
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Anonyme a dit…

Cela fait des années que la Cgpme et le Medef ne rêvent que d'une chose, c'est justement de détruire le code du travail. Ils ne s'en cachent pas, et ils ont placé leur homme à la Présidence en 05/2007.

Sarkozy ne fait qu'appliquer ce qu'il n'a cessé de brailler sur tous les plateaux TV et radios pendant sa campagne électorale; 53% des Français l'ont voulu,l'ont accepté et l'ont plébiscité EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE, alors maintenant il ne va pas se gêner.

Cette destruction est inscrite dans le nouveau traité européen : concurrence ibre et non faussée pour tous ,entre tous, hommes marchandises, services.

Et là encore Sarkozy a toujours dit qu'il refuserait un référendum .Et
pour cause, il y a dans ce document ce que réclament les syndicats patronaux depuis longtemps, alors encore une fois il ne se gêne pas, mais encore une fois 53% des français l'ont voulu, et nous l'avons.

Mais il ira beaucoup plus loin, car l'ultra libéralisme qui est la doctrine économique qui se cache derrière, et dont des Sarkozystes convaincus comme il en pullulent sur les radios et TV ne cessent d'en faire la promo,s'appuie sur un postulat de départ qui est : tout agent économique, c.a.d. vous moi entreprises administrations.... sont des êtres totalement rationnels parfaitement capables de percevoir les fluctuations du marché et donc de s'adapter et surtout d'anticiper afin de maximiser leur profit personnel et d'ajuster leur propre attitude. rien que ça !

Cela suppose donc que les lois, sociales, économiques fiscales sont des empêcheurs de tourner en rond, qui n'ont qu'un seul but : empêcher que le marché se régule.et nous en revenons à la "main invisible " du marché si chère à Ricardo et aux économistes classiques.

Il faut donc, comme le dit à juste titre Mr.Filoche, tout détricoter et tout réduire à néant.

C'est cela qui est derrière. C'est ce que le trio Sarkozy-Fillon-Medef -Cgpme vont s'appliquer à faire
dés maintenant.

Mais là encore ce n'était un secret pour personne. 53% des Français l'ont voulu et nous pouvons les remercier.

Un suel espoir: que cela crée un électro-choc salutaire chez les syndicats et partis de gauche pour qu'enfin ça réagisse.

Sinon ?
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Anonyme a dit…

C'est vrai que quand on nettoie (ou lave), il faut mettre de l'assouplissant, sinon c'est pas bien ...

Anonyme a dit…

De toute façon, le détricotage avait déjà commencé dans les entreprises n'ayant pas de représentation syndicale ou étant inférieure au seuil de 20 salariés...

Pressions en tous genre,syndicats jaunes...