La
Cour de cassation vient de blanchir Denis Robert de sa condamnation pour deux
de ses livres (Révélation$ et La Boîte noire) et un documentaire (Les
Dissimulateurs), diffusé sur Canal +.
Après dix ans de procédures, c’est une victoire gagnée contre Clearstream mais aussi contre ceux qui, à l’instar de Philippe Val et d’Edwy Plenel, avaient multiplié les soupçons sur la qualité et le sérieux de son travail.
Après dix ans de procédures, c’est une victoire gagnée contre Clearstream mais aussi contre ceux qui, à l’instar de Philippe Val et d’Edwy Plenel, avaient multiplié les soupçons sur la qualité et le sérieux de son travail.
Dans
son combat, Denis Robert a pris des risques énormes et on ne peut que se
réjouir aujourd'hui de ces décisions qui n’effacent pas le système bien-sûr,
mais sont néanmoins une claque magistrale à un système corrompu qui a voulu
faire passer la victime pour le bourreau.
C’est
un souffle d’air frais pour toutes celles et ceux qui luttent pour la vérité et
contre les mouvements incontrôlés de capitaux à travers le monde.
Bravo
Denis !
(Avec
l’autorisation de l’auteur, le texte que Denis Robert a adressé à tous ses
amis)
Dix
ans et toutes mes dents
Note
pour mes amis et les amis de mes amis qui ont la mémoire embrouillée et me
demandent des détails sur les jugements de la Cour de cassation qui viennent de
tomber. D’abord vous dire qu’ils mettent un terme une longue bataille
judiciaire et qu’ils m’enchantent.
Depuis
dix années que Révélation$ est sorti (28 février 2001), de nombreuses plaintes
ont été déposées contre mon éditeur, les chaînes qui ont diffusé mes films, de
nombreux journaux et contre moi. Une soixantaine en tout, dans plusieurs pays,
en comptant les procédures pénales et les constitutions de partie civile.
Parmi
ces plaintes, une dizaine émanait de la Banque générale de Luxembourg et une
vingtaine a été lancée par la Menatep, une banque russe liée à la mafia. Je
peux dire que globalement j’ai gagné tous ces procès.
La
chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream a diligenté une grande
partie des autres procédures. Leur stratégie a été essentiellement basée sur la
calomnie, une extrême mauvaise foi, le harcèlement, l’acharnement et
l’intimidation.
Cette
stratégie, loin du droit, échoue lamentablement aujourd’hui, pour laisser place
à la justice et au journalisme. Une victoire sans tambours ni trompettes. Une
victoire gravée dans le marbre. Un souvenir de victoire bientôt. Peu importe.
Cette décision ouvre d’intéressantes perspectives. Clearstream ne pourra plus
faire comme avant…
Une
vingtaine de plaintes ont été déposées par la multinationale en France, en
Belgique, au Luxembourg, occasionnant des centaines de visites d’huissiers à mes
domiciles. Passé les limites, je ne compte plus.
J’ai
perdu quelques procès (en particulier pour des interviews à des journaux, je
pense à Sud-Ouest ou VSD). J’en ai gagné (Le Nouvel Obs, Le Point, « Tout le
monde en parle » sur France 2). J’aurais pu et j’aurais dû, si j’avais eu les
moyens financiers, aller systématiquement pour toutes ces procédures jusqu’à la
Cour de cassation. Je ne l’ai fait que pour trois d’entre elles. Les plus
importantes à mes yeux, puisque ces procédures concernaient les deux livres
originels Révélation$, La Boîte noire et Les Dissimulateurs, mon premier
documentaire sur l’affaire.
Passons
sur Clearstream l’enquête, qui a occasionné une condamnation symbolique (mais
onéreuse en frais de procédure) à Luxembourg, pour nous intéresser au reste…
Pour
Révélation$ et Les Dissimulateurs (mon premier documentaire, diffusé en février
2001), j’ai été condamné en diffamation à hauteur d’un euro symbolique de
dommages et intérêts en mars 2004, puis (en appel) à 1 500 € en octobre 2008,
sans compter les frais de procédure.
Pour
La Boîte noire (sorti en octobre 2002), Clearstream a été déboutée et condamnée
à me verser 3 500 € de dommages et intérêts en première instance. Devant la
cour d’appel (Paris, octobre 2008), j’ai été condamné à 1 500 €, sans compter
les frais de procédures et de publication des décisions.
Je me
suis pourvu en cassation. J’ai pris cette décision contre l’avis de nombreuses
personnes, dont mon éditeur, Les Arènes, et la chaîne Canal +, qui ont refusé
de poursuivre les procédures. Je ne les accable pas. De leur place, il leur
était sans doute difficile d’aller au bout de la bataille à mes côtés. Certains
auraient lâché avant.
Dans
les jours qui ont suivi les décisions de la cour d’appel, Clearstream a acheté
une page dans Le Monde pour proposer une transaction qui consistait à accepter
ces condamnations contre la non-exécution des arrêts. En gros, le non-paiement
des sommes auxquelles j’étais condamné.
Il
était impensable d’accepter un tel compromis, de renier mon travail, mon
enquête. Il était indispensable sur les principes qui fondent ce que doit être
le journalisme, de me battre jusqu’au bout pour obtenir une décision
reconnaissant le droit. J’étais prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des
droits de l’homme s’il le fallait.
Je
savais ce que j’avais vu et fait. J’avais intégré les enjeux de cette bataille.
Un système financier sain au départ a été dévoyé, ouvrant d’incroyables
possibilités de dissimulation. Mon enquête était, est, restera fondée. Mes écrits
reposent sur des documents, des courriers, des listings, des microfiches, des
témoignages filmés. Des éléments suffisamment probants qui ont permis de mettre
à jour des comptes non publiés produisant de l’opacité, un système d’effacement
de traces de transactions, la probabilité très forte d’une double comptabilité,
des liens présumés entre Clearstream et l’Église de scientologie, l’hébergement
de banques mafieuses, l’utilisation de Clearstream pour la mise en œuvre
d’opérations occultes, l’absence totale de transparence et de contrôle, la
complicité des auditeurs, le licenciement du personnel qui refusait de procéder
à des manipulations comptables et de publier des bilans de fait maquillés… Mon
enquête et la simple lecture de mes documents montraient, montrent que cette
firme abritait plus de 6 000 comptes ouverts dans des paradis fiscaux. Parmi
ces comptes, des sociétés off-shore, mais aussi des filiales de banques
respectables. J’ai révélé que des multinationales pétrolières, agroalimentaires
ou industrielles avaient également ouvert des comptes discrets à Clearstream.
J’en passe et des dizaines.
Au-delà
du coup de projecteur sur cette firme, l’ensemble de ce travail explicitait les
dérives inquiétantes du système financier international et révélait les
contours d’une finance véritablement parallèle.
J’en
savais beaucoup et je ne voulais pas me taire. Je restais persuadé que les
juges de la cour d’appel ne m’avaient pas jugé comme il le fallait au vu des
éléments du dossier.
L’appui
de mes amis du comité et des mille huit cent quatre-vingt-six personnes ayant
soutenu ce qui devenait un combat de longue haleine ont été déterminants.
Canal
+ et mon éditeur ont été condamnés à mes côtés, mais Clearstream s’est
retournée systématiquement vers moi. Le but n’était pas tant l’argent que la
volonté de m’étouffer financièrement, de m’empêcher de poursuivre mes
recherches et de me défendre.
Le
moment de bascule a été l’affaire pénale dite « Clearteam 2 ». Celle mettant en
cause Dominique de Villepin.
Clearstream
s’est constituée partie civile dans cette procédure concernant les listings
truqués. J’ai été mis en examen pour vol et recel en fin d’année 2006. Dès
lors, sans que je m’en rende compte, la suspicion a changé de camp. Les
communicants de la firme et leurs avocats ont habilement utilisé cette seconde
procédure pour influencer les juridictions dans les procès qui m’étaient faits.
Clearstream
me présentait comme le pivot de cette nouvelle affaire qui n’avait aucun lien avec
les litiges nous concernant. Tenter de ridiculiser mon travail ne suffisait
plus, il fallait pratiquer l’amalgame et la confusion.
Combien
de fois ai-je entendu les avocats de la firme ou des journalistes malveillants
se moquer de « mes erreurs », m’appeler le « falsificateur » ou le «
conspirationniste ». Tout cela a joué. Comme ont dû jouer les articles fielleux
écrits par des procureurs à moustache, des éditorialistes à deux balles, des
concierges du Net. Je sais, je ne devrais pas. Mais bon. Je pense aussi à
certains politiques qui m’avaient épaulé et qui soudainement ont baissé les
yeux.
J’ai
arrêté mon blog. J’ai arrêté le contact frontal. Je suis resté zen. J’ai
attendu que ça passe. J’ai été relaxé en janvier 2010. Cette décision pénale
est définitive.
Pour
le reste, j’ai attendu que des magistrats jugent, tranquillement. Loin du
tumulte. C’est ce qui vient de se passer.
La
Cour de cassation est la plus haute instance judiciaire française. Le dernier
recours avant la Cour européenne des droits de l’homme. Je l’avais envisagé.
Chacun
des trois arrêts qui me libère aujourd’hui et accable Clearstream est rédigé
dans des termes clairs, précis et sans ambiguïté. La Cour de cassation «
autorise » les propos et les imputations contenues dans mes deux livres et mon
documentaire.
La
première chambre civile de la Cour de cassation, se fondant sur l’article 10 de
la Cour européenne des droits de l’homme, a rendu trois arrêts qui sonnent le
glas à mes ennuis et ouvrent des brèches importantes chez ceux qui
m’attaquaient.
C’est
fondamental. Ça fera jurisprudence.
Les
arguments retenus par la Cour de cassation sont intégralement ceux développés
par mes défenseurs, Michel Zaoui, Bénédicte Litzler, au cours des dix années de
procédure. Ces arguments ont été plaidés par Denis Carbonnier à la Cour de
cassation. Il s’agit d’une reconnaissance de la qualité de leur travail et du
mien.
La
Cour de cassation a annulé mes trois condamnations du 16 octobre 2008 pour
diffamation. Elle a explicitement reconnu « l’intérêt général du sujet » et le
« sérieux de mon enquête ».
Tout
le monde peut maintenant citer partout ce que j’avais écrit.
Dix
ans pour mesurer l’aveuglement du dirigeant de Clearstream qui a porté plainte
à l’origine contre moi. Ses successeurs n’ont pas démontré plus de clairvoyance
puisqu’ils ont régulièrement relayé et encouragé ces plaintes.
Je ne
sais pas ce que deviendront les informations contenus dans mes livres et mes
films. Je ne sais pas ce que les Allemands qui ont racheté Clearstream en 2002
(suite à mon enquête) et qui ont forcément constaté ces dérives ont fait. La
justice luxembourgeoise étant peu équipée pour traiter ces sujets, et la
justice européenne encore défaillante, je crains que le combat pour mettre un
peu de rationalité et de contrôle dans cette banque des banques soit encore
long. Pourtant, ici plus qu’ailleurs, la question de la régulation du
capitalisme se pose. Je rappellerai ce chiffre : Clearstream a annoncé en 2010
plus de dix trillions d’euros de valeurs enregistrées dans ses comptes. Dix
mille milliards d’euros.
Pour
revenir aux arrêts de la Cour de cassation, toutes les demandes de Clearstream
à mon encontre sont définitivement rejetées. Ils sont condamnés à me verser la
somme de 9 000 € au titre des frais de procédure et à me rembourser le montant
de mes précédentes condamnations aujourd’hui annulées.
En ce
qui concerne le préjudice financier et moral subi par moi pendant ces années,
les trois affaires sont renvoyées devant la cour d’appel de Lyon. Je vais demander
réparation aux dirigeants de la firme.
Par
leur harcèlement, leur entêtement, leurs mensonges, leur acharnement
judiciaire, Clearstream et ses communicants sont responsables de dix années à
bien des égards perdues.
La crise
financière étant passée par là, on voit bien les raisons politiques et
financières qui les ont amenés – par tous les moyens – à me faire taire. Ils
n’y sont pas parvenus. Au final, toute mon enquête est entièrement validée. Les
arrêts sont définitifs et sans recours pour Clearstream.
Merci
du fond du cœur à tous ceux qui m’ont soutenu. Et vous êtes nombreux. Je ne me
suis jamais senti seul ou angoissé pendant ces années. Et ça je vous le dois.
Denis
Robert, Chatel, le 7 février 2011
Photo
Creative Commons
2 commentaires:
Philippe Val fait pitié dans cette vidéo !
Une question que je me pose : les vertus éclatantes de Val et son "intelligence" étaient-elles en lui dès sa naissance ?
Il a fallu beaucoup de courage à Denis Robert pour obtenir ce jugement. Je suis vraiment très heureux qu'il soit enfin reconnu dans sa vérité.
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