Ce n’est pas moi, c’est l’Europe. C'est en substance l'excuse avancée par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Manuel Valls et Christiane Taubira, pour tenter de se défendre d'avoir joué un rôle dans l'arrestation et l'extradition en Espagne de la militante indépendantiste basque française Aurore Martin.
Se cachant derrière le légalisme d’un mandat d’arrêt européen et faisant semblant d’ignorer ce que permet l’article 695-22 du code de procédure pénale, tiré des dispositions de la décision-cadre européenne, Manuel Valls, appuyé (on ne l’imagine pas autrement) par François Hollande et Jean-Marc Ayrault, a livré une jeune femme innocente aux yeux du droit français, à la justice d’exception de l’Espagne.
L’évocation de l’alinéa 5 de l’article 695-22 pour refuser le mandat d’arrêt européen (MAE) aurait nécessité un minimum de courage politique. Mais la position préférée actuelle du gouvernement est plutôt la position couchée : devant les grands patrons du Medef, les petits des "start-up" et maintenant le post-franquiste Rajoy !
Il est primordial aujourd’hui de donner non seulement à Aurore Martin une réelle chance de se défendre lors de son procès mais aussi de faire respecter les Droits de l’Homme dans l’Union Européenne qui prône sans cesse ces valeurs à travers le monde…
Faisant suite à un mandat d’arrêt européen lancé par l’Espagne en Octobre 2010, Aurore Martin, une militante politique basque (et non pas une terroriste) a été arrêtée ce jeudi 1er novembre 2012.
Les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels elle devra se défendre face à la Cour Nationale espagnole (Audiencia Nacional) sont les suivants :
- Participation à des réunions publiques des membres de Batasuna (ancien parti politique pro-basque) ce qui est considéré comme une « participation à une organisation terroriste et fait de terrorisme » par l’article 576 du Code Pénal espagnol.
Ce dernier article du Code Pénal espagnol a été vivement critiqué dans un rapport spécial du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU émis en 2008 concernant l’Espagne (A/HRC/10/3/Add.2). Selon ce rapport, l’article 576 fait partie d’une des nombreuses violations des droits fondamentaux de l’Homme et il a fait l’objet d’une inquiétude profonde quant à ses implications sur la liberté d’expression du peuple.
Aurore Martin, à présent extradée en Espagne peut avoir à faire face à une période dite d’ « incommunicado » durant laquelle elle pourrait ne pas avoir de contact avec quiconque mis à part des membres de la Garde Civile Espagnole ou de la police et ce pendant 13 jours si le juge concerné en fait la demande. Cette méthode d’emprisonnement a été sévèrement condamnée par l’ONU et même qualifiée d’illégale au vu des différents traités des droits de l’Homme normalement en vigueur dans l’Union Européenne.
Pour ces raisons et en sachant que cela fait tout juste un an que l’ETA (mouvement terroriste Basque) a déposé les armes et a déclaré cesser toute activité terroriste, cette arrestation n’est clairement pas un signe favorable à la résolution pacifique de ce conflit opposant l’Espagne à la minorité Basque. En outre, la raison même de cette arrestation souligne une fois encore le fait que certains des droits de l’Homme les plus fondamentaux sont violés en Espagne, tout cela devant les yeux de l’Union Européenne et du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU qui restent muets malgré la reconnaissance de ces violations.
Article 695-22, modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 4
L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est refusée dans les cas suivants :
1° Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que l’action publique est éteinte par l’amnistie ;
2° Si la personne recherchée a fait l’objet, par les autorités judiciaires françaises ou par celles d’un autre Etat membre que l’Etat d’émission ou par celles d’un Etat tiers, d’une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l’objet du mandat d’arrêt européen à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l’Etat de condamnation ;
3° Si la personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits faisant l’objet du mandat d’arrêt européen ;
4° Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l’action publique ou de la peine se trouve acquise ;
5° S’il est établi que ledit mandat d’arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation ou identité sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons.
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