Globalement,
l'opinion publique a surtout retenu que la droite a toujours eu en horreur cet
impôt et que la gauche l'a réhabilité. François Hollande semble avoir tenu ses
engagements et corrigé les symboles les plus scandaleux en supprimant le
célèbre bouclier fiscal et en rétablissant l’ISF dans sa configuration
initiale.
Mais
en réalité, si l’on analyse attentivement les réformes successives qui sont
intervenues au cours des trois dernières années, la surprise finale est de
taille…
Les
tranches de l’ISF sont calculées sur la fraction de la valeur nette du
patrimoine et le barème en 2010 était le suivant :
- en-dessous de 790 000 € : 0 %
- de 790 000 à 1 290 000 € : 0,55 %
- de 1 290 000 à 2 530 000 € : 0,75 %
- de 2 530 000 à 3 980 000 € : 1 %
- de 3 980 000 à 7 600 000 € : 1,3 %
- de 7 600 000 à 16 540 000 € : 1,65 %
- > 16 540 000 € : 1,80 %
Premier acte
Pour
l’ISF de 2011, Nicolas Sarkozy, qui a toujours eu peur de supprimer purement et
simplement l’ISF, préférant le vider progressivement de l’intérieur, fait un
geste spectaculaire en ce sens : il décide que le seuil de déclenchement
de l’impôt sera fixé non plus à 800 000 euros de patrimoine taxable mais à
1,3 million d’euros, ce que les socialistes, à l’époque, critiquent à juste
titre sur le registre ‘’encore un cadeau aux invités du Fouquet’s’’…
La
réforme de la fiscalité du patrimoine étant adoptée durant l'été 2011, le
barème initial de taxation est conservé, les contribuables qui dépassent la
tranche de 1.3 millions d’euros sont imposées selon ce barème, y compris pour
la tranche comprise entre 800.000 et 1.300.000 euros.
Selon
le rapport d'activité 2011 de la Direction générale des finances publiques
(DGFiP), les contribuables redevables de l'impôt sur la fortune passent ainsi
de 593.878 en 2010 à 291.630 en 2011 !
Le
barème 2011 est alors le suivant :
- Jusqu’à 1 300 000 € : 0 %
- Entre 800 000 et 1 310 000 € : 0,55 %
- Entre 1 310 000 et 2 570 000 € : 0,75 %
- Entre 2 570 000 et 4 040 000 € : 1 %
- Entre 4 040 000 et 7 710 000 € : 1,30 %
- Entre 7 710 000 et 16 790 000 € : 1,65 %
- > 16 790 000 € : 1,80 %
Deuxième acte
Pour
l’ISF de 2012, Nicolas Sarkozy fait un second cadeau encore plus spectaculaire
aux milieux très aisés : il dynamite le barème d’imposition progressif de
l’ISF, en ramenant le nombre des taux d’imposition de sept à
trois :
Le
barème 2012 (taux applicable au 1er euro) devient alors le
suivant :
- Jusqu’à 1 300 000 € : 0 %
- Entre 1 300 000 et 3.000.000 € : 0,25 %
- > 3 000 000 € : 0.50%
Troisième acte
Accédant
à l’Elysée au moment précis où cet ISF super allégé devait être acquitté,
François Hollande met en place, dès l'été, une "contribution
exceptionnelle" destinée à compenser l'allègement voulu par la droite, qui
ne s'applique plus depuis le 1er janvier 2013. La réforme plus globale de cet
impôt est effectuée dans le cadre du budget 2013 et le barème redevient
progressif grâce à cinq tranches et cinq taux différents.
Même
si le calcul s'effectue à partir de 800.000 euros de patrimoine, le seuil
d’imposition est porté de 1,30 à 1,31 million d'euros, soit 10.000 euros de
plus. La taxation du patrimoine au premier euro applicable en 2012 est
abandonnée.
Le
barème 2013 est alors le suivant :
- Jusqu'à 800 000 € : 0%
- De plus de 800 000 à 1,31 million € inclus : 0,50%
- De plus de 1,31 à 2,57 millions € inclus : 0,70%
- De plus de 2,57 à 5 millions € inclus : 1%
- De plus de 5 à 10 millions € inclus : 1,25%
- Au moins 10 millions € : 1,50%
Epilogue
Au
printemps 2013, l’ISF a désormais ses contours définitifs pour le reste du
quinquennat. Les socialistes jurent leurs grand dieux que la nouvelle politique
fiscale est très différente de celle de Nicolas Sarkozy, l’ISF ayant été
rétabli dans sa configuration antérieure. Sauf que ce n’est que très
partiellement exact…
L’ISF
a été effectivement rétabli mais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a
maintenu la disposition prise par Nicolas Sarkozy au terme de laquelle le seuil
de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million d’euros de
patrimoine. En clair, le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à
compter de 800 000 € mais seulement si ce seuil de 1,3 million est
atteint.
Le
nouveau barème est donc sensiblement allégé par rapport à la version antérieure
à 2011 et il l’est aussi pour d’autres raisons : les taux applicables
ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche et de 0,75 à 0,70%
pour la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée, le taux marginal passe de
1,80 à 1,50% !
On
dira certes qu’il y a plus grave que cela. Dans sa version d’avant 2011 comme
dans celle de 2013, l’ISF reste un prélèvement critiquable frappant d’abord les
classes moyennes supérieures au travers de l’immobilier et pas forcément les
foyers les plus fortunés.
Ce
travers majeur n’a pas été corrigé car un véritable impôt sur le capital avec
une assiette large et des taux éventuellement plus modérés, n’a pas été
institué par François Hollande qui avait pourtant promis dans son
programme : " Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune
institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des
plus gros patrimoines ".
Au
bout du compte, l'ISF sera moins lourd en 2013 sous la gauche (4,074 milliards
d'euros estimés) qu’en 2011 sous la droite (4,321 milliards d'euros) !
Il faut
interpréter ce tour de passe-passe pour ce qu’il révèle profondément : les
socialistes, eux aussi, ne tolèrent l’ISF que dans une mouture allégée et l’on
comprend mieux pourquoi la grande réforme fiscale, redistributive et
rétablissant une réelle progressivité de l’impôt sur le revenu, promise par
François Hollande, n’a pas été engagée…
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