Depuis
plusieurs années, certaines confédérations syndicales ont pris la fâcheuse
habitude de signer des accords contractuels présentés comme des réformes
utiles, des progrès sensibles, mais qui sont le plus souvent des changements se
terminant par un recul des droits ou/et une baisse du pouvoir d’achat des
salariés ou des retraités.
Si
parapher des textes de compromis avec le patronat fait partie de la vie
syndicale normale, lorsque cela améliore les conditions de travail ou de
rémunération des salariés, il convient cependant de ne pas signer n’importe
quoi…
On se
souvient de la réforme Fillon sur les retraites du 21 août 2003, avalisée par
trois organisations syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC), faisant preuve,
pour le moins, d’une très grande naïveté. Cette réforme avait pour objectif
d'assurer l'équilibre financier des régimes de retraite à l'horizon 2020 mais
elle n’a pas du tout produit les effets escomptés et a même aggravé la
situation des retraités avec notamment un allongement progressif de la durée
d’assurance pour obtenir une pension à taux plein de 50%.
Plus
récemment, le 11 janvier 2013, les mêmes organisations CFDT, CFTC et CFE-CGC
signaient avec le Medef un accord « au service de la compétitivité des
entreprises et de la sécurisation de l’emploi ». Ces trois syndicats
plutôt minoritaires ont ainsi donné un aval anticipé aux réformes
structurelles du marché du travail souhaités par le patronat mais
également imposées par la Banque centrale européenne, la Commission européenne
et le FMI, notamment dans le Sud de l’Europe. Tout y était : baisse des
salaires en cas de menace sur l’emploi, prédominance de l’accord d’entreprise
sur l’accord de branche et sur la loi, facilitation des mobilités forcées et
des licenciements…
Le 13
mars 2013, CFDT, CFTC et FO signaient l’accord concernant les retraites
complémentaires ARRCO et AGIRC qui prévoit d’indexer celles-ci, chaque année,
d’un point de moins que le taux d’inflation. Un accord qui entérine, noir sur
blanc, une nouvelle perte de pouvoir d’achat pour les retraités !
Et le
5 mars dernier, suite aux réunions paritaires relatives au Pacte de
responsabilité, un "relevé de conclusions" produit par le Medef, la
CGPME et l’UPA a été aussitôt signé par les trois confédérations CFDT, CFTC et
CFE-CGC. A nouveau, on a entendu la même ritournelle syndicale « Il vaut mieux
un accord a minima que rien » pour justifier leur a signature. Le premier
secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, a même surenchéri en disant que
c’était le plus grand accord contractuel signé depuis le programme du Conseil
national de la Résistance !
Ce
projet de pacte est d’abord un cadeau sans contrepartie au patronat qui passe
des 20 milliards d'euros du CICE (Crédit d'impôt compétitivité et emploi)
à 35 milliards ! Que des syndicats acceptent régulièrement d’entrer
dans une logique récessive est assez désespérant et ce n’est sans doute pas de
cette façon que l’on inversera la courbe du taux de syndicalisation en France
qui est tombée à 7 ou 8%.
On
parlait en d’autres temps de valets stipendiés…Y aurait-il des contreparties
occultes à ces signatures ? On peut se poser la question ou alors, ces
syndicats sont les idiots utiles du patronat car ce texte n’engage absolument à
rien. Rien sur la sous-traitance, rien sur les personnels
« détachés » selon la directive européenne de 1996, rien sur les CDD,
sur la précarité, rien sur les stages sous-payés ou non payés, rien sur les
salaires, rien sur l’augmentation des droits des salariés, etc.
La
nouvelle stratégie patronale est de faire signer un texte vide prévoyant
d’autres textes vides pour aller plus loin dans la décentralisation et
notamment négocier entreprise par entreprise là où le rapport des forces est le
plus défavorable aux salariés.
Certes
le texte prévoit d’ « ouvrir des discussions en vue d’aboutir à un accord, précisant
des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d’emploi » mais il est
ajouté que « La réalisation des objectifs dépendra dans ce domaine de
l’engagement de l’État et des Régions… Une concertation pourra être ouverte à
ce titre… ». il est donc précisé par le Medef et les trois confédérations
syndicales signataires que la réalisation concrète de cet accord ne dépend pas
d’eux mais de la puissance publique, d’où une multitude de phrases creuses :
- le dialogue social « est un des éléments de méthode pour réussir le pacte de responsabilité » ;
- « il est demandé aux branches… dans un délai cohérent avec la trajectoire pluriannuelle du pacte de responsabilité… de prendre en compte la montée en compétences des salariés dans le cadre de leur négociation sur les classifications » ;
- « Une méthodologie sur la compétitivité de la France… à l’intention des branches qui le souhaiteront » ;
- « la simplification et l’amélioration du fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP)… et notamment la mise en œuvre de la base de données uniques » ; Derrière cette phrase alambiquée, on devine que l’on va vers la diminution du nombre d’élections professionnelles, la fusion des délégués du personnel et du CE, l’élévation des seuils sociaux…
- « la prise en compte de l’exercice de responsabilités syndicales dans le parcours professionnel des salariés » ; Sans doute pour les syndicalistes qui se comportent bien avec le patronat…
- « une concertation paritaire sur le financement de la protection sociale » ; A condition d’accepter le processus de suppression par étapes des cotisations sociales et de la baisse des prestations…
- « un développement d’une fiscalité incitative sur l’intéressement et la participation » ; A la place de l’augmentation du salaire, direct ou socialisé, voilà des ersatz de salaire différé sur lesquels aucune cotisation n’est perçue et qui diminuent les impôts des entreprises...
- « Une concertation sur le logement » ; Sans autre précision !
- l’attachement à « la politique familiale du pays »… quelle que soit l’évolution du mode de financement de la branche famille de la sécurité sociale » ; On supprime 35 milliards d'euros de cotisations sociales sans savoir par quoi on va les remplacer, le gouvernement préparant sans aucun doute un niveau de baisse des dépenses publiques jamais réalisée à ce jour, tant de la puissance publique que de la protection sociale et de l’ensemble des collectivités locales (baisse des dotations), …
Face
aux graves dangers que présente cet accord, il est primordial d’informer tous
les salariés, chômeurs, retraités de son contenu précis et d’intervenir auprès
du parlement pour qu’il ne s’engage pas dans la voie de ratification d’un
pareil texte. Et il est du devoir du syndicalisme revendicatif, de la vraie
gauche, des associations d’éducation populaire, de prendre des initiatives pour
expliquer, sous la forme de lectures-débats, par exemple, que ce texte
« historique » est en fait une grande arnaque…
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