21 juin 2019

Assurance chômage : une réforme inique !

Réforme de l'assurance chômage
La réforme de l’assurance chômage annoncée par le 1er ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud fera date dans l’histoire des droits sociaux. 

En décrivant par le menu la manière dont ils allaient faire plus de 3 milliards d’euros d’économie en 3 ans, cette réforme est tragique pour  les salariés les plus pauvres ou en emploi discontinu…


Le dossier est technique et bon nombre de salariés mesureront précisément l’étendue de cette pseudo-réforme lorsqu’elle sera appliquée le 1er novembre 2019 et qu'elle prendra son plein effet en 2020, sur quatre points en particulier.

Les critères d’accès

Aujourd’hui, pour accéder à l’assurance chômage dans le régime général (hors annexes 8 et 10), il faut avoir travaillé au minimum 4 mois sur les 28 derniers mois. Selon les nouvelles règles applicables aux travailleurs privés d'emplois inscrits à partir du 1er novembre 2019, il faudra avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois pour être indemnisé. 

Cela peut paraître négligeable mais ces deux « petits mois » supplémentaires quand on est un salarié avec des périodes de travail discontinues, c’est beaucoup. Ce changement de critères d’accès empêchera de fait des centaines de milliers de travailleurs de bénéficier de l’assurance chômage.

Selon les calculs de la CFDT, 240 000 privés d'emplois, principalement des jeunes et des précaires, n'entreront pas immédiatement en indemnisation (ce qui, au passage, reculera d'autant leur accumulation de droits pour la retraite). 

Ils devront donc survivre avec des aides sociales destinées à lutter contre la pauvreté, notamment le RSA (559 euros pour une personne seule, 839 euros pour un couple) à condition toutefois d'y avoir droit (les moins de 25 ans sont censés, pour percevoir le RSA, avoir exercé déjà deux ans une activité à temps plein sur les trois dernières années, condition rarement remplie !)

Le montant de l’indemnité journalière

Ce point est passé presque inaperçu. Et pourtant, c’est de loin le plus important. « Les indemnités chômage seront désormais calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui. »

Cette phrase résonne comme une sorte de banalité mais elle aura des conséquences tragiques. Actuellement quelqu’un qui travaille 1 jour sur 2 au SMIC voit son indemnité calculée sur la base du SMIC jour. Donc le jour où il a un mois entièrement chômé, son indemnisation mensuelle sera basée sur le SMIC mensuel. Et il en va de même s’il travaille 1 jour sur 3. Pour calculer l’indemnité journalière, on se basait jusqu'à présent sur le prix de journée travaillée.

Dorénavant, avec la nouvelle réforme, ce salarié à travail discontinu verra son indemnité calculée sur la base d’un demi SMIC s’il travaille 1 jour sur 2, d’un tiers s’il travaille 1 jour sur 3, etc.

La dégressivité des allocations pour les cadres

La dégressivité des allocations ne marche pas car c’est désormais une vérité établie scientifiquement. Elle a existé mais elle a été abandonnée car contre-productive. Elle pousse à la reprise d’emploi sous-qualifié et au déclassement professionnel sous la terreur du déclassement social. Elle dévalue l’échelle des compétences sur le marché de l’emploi jusqu’à priver encore plus d’emploi ceux qui en sont le plus éloignés.

Au surplus, prétendre que les cadres privés d’emploi sont des fumistes qui « profitent » de leurs allocations d’autant plus longtemps qu’elles sont élevées est une faute impardonnable. C’est méconnaitre la réalité de ce que vivent les cadres victimes des plans sociaux, des restructurations et du burn-out, trop vieux, trop chers et qui ont d’autant plus de mal à retrouver un emploi du même niveau de qualification et de responsabilité que leur carrière fut longue et valorisée. 

Enfin s’ajoute la faute morale de prétendre faire cela au nom de la justice sociale en privant de leurs droits ceux qui contribuent le plus à la solidité du système par leur contribution à la solidarité inter-catégorielle. 

Le bonus-malus pour les employeurs aux pratiques d’embauche discontinues

Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante : plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus l’entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage.

Cette façon de faire est en place aux États-Unis et a des conséquences perverses à commencer par le non recours aux droits. En clair, un deal est souvent passé entre l’employeur et son salarié afin que ce dernier ne s’inscrive pas à pôle Emploi. Ainsi l’employeur ne paye pas de malus pour le salarié en échange de quoi il lui promet de lui donner prochainement du travail. Si le salarié ne se plie pas à cette demande, il ne l’embauche plus. Le non recours aux droits sera une manière, assez radicale, de faire des économies sur le dos des plus fragiles.

Aujourd'hui, cette réforme injuste est la plus importante baisse de droits et de pouvoir d’achat jamais appliquée en France. Le gouvernement feint de cibler principalement cette réforme sur la dégressivité des allocations concernant les cadres mais elle est surtout ciblée contre les plus fragiles considérés comme des parias coupables d’être au chômage.

Lorsque l'on se débat dans la pauvreté, on survit et se loger, se soigner, se déplacer au quotidien pour pourvoir accepter un travail un peu plus loin sont autant de freins à la reprise d'activité, comme l'expérimentent au quotidien les conseillers de Pôle emploi. Ce gouvernement, dont la première priorité fut de supprimer l’ISF, semble avoir une idée bien curieuse sur le revenu moralement acceptable pour un demandeur d’emploi. Et quand le vice et la vertu sont définis par décret, il y a lieu de craindre le pire pour la société…


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