20 juillet 2020

Cathédrale Saint-Pierre de Nantes : quelles sont les vraies raisons du drame ?

Nantes
Le violent incendie qui s’est déclaré le 18 juillet dernier dans la cathédrale Saint-Pierre de Nantes fait suite à un autre incendie qui avait eu lieu le 28 janvier 1972 dans les combles de la même cathédrale.

Comme pour la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019, des travaux de restauration étaient en cours et sur le point d’être achevés au moment du drame...



Samedi 18 juillet à 7 h 45, des flammes ont dévoré le grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes après qu’une fumée noire se soit échappée à travers ce qu’il reste de la verrière. Dans le même temps, éloignés à presque 70 m du premier foyer, deux autres feux ont démarré : l’un, au niveau de la console d’un petit orgue, appelé l’orgue de cœur, l’autre, dans les stalles et sur le panneau électrique général à droite de l’autel. 

Trois points de feu distincts ont conduit les enquêteurs à ne pas exclure la piste criminelle mais les membres de la cathédrale n’excluent pas aussi une cause accidentelle car le tableau électrique a été refait récemment et ça reste un vieux bâtiment avec des câbles électriques dans tous les sens.  

Quelles que soient les causes, ce nouveau drame, loin d'être un cas isolé, s'ajoute à la longue liste des monuments historiques déjà ravagés par des incendies durant des travaux de remise en état :  
  • la cathédrale de Chartres. Elle est entièrement détruite par le feu le 4 juin 1836 à la suite d’une négligence de deux ouvriers plombiers. 
  • l’hôtel de ville de La Rochelle. Une fumée épaisse se détache de la toiture le 28 juin  2013. Le feu se situe au second étage, au-dessus de la grande salle et se propage à l'ensemble des toitures de la partie historique du monument.
  • l’hôtel particulier Lambert de l’île Saint-Louis, à Paris. Un important incendie se déclare dans la nuit du 9 au 10 juillet 2013, faisant de nombreux dégâts notamment dans les derniers étages et le toit qui s'effondre. 
  • la cathédrale Saint-Donatien à Nantes. Elle est en partie détruite le 15 juin 2015 suite à un violent incendie. Les flammes, dont les images sont restées dans la mémoire de nombreux habitants, ont causé d’importants dégâts dans le bâtiment, détruisant les trois quarts de la toiture.
  • la cathédrale d’Auxerre. Un sinistre se déclare le 11 mars 2016 alors qu'un chantier d'urgence est en cours pour remplacer des tuiles et des linteaux vétustes par des bacs de tôle.
  • la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Ravagée par un incendie le 15 avril 2019, sa flèche est tombée, réduite en cendres. Sa charpente et son toit ont été, aux deux tiers, rongés par les flammes.  
Le scénario est presque toujours le même : un fer à souder le plomb ou le zinc oublié sur la toiture, un court-circuit électrique sur une installation de chantier ou des réseaux électriques vétustes ont suffi à déclencher les catastrophes.

Court-circuit monétaire

Malgré ces drames, les mesures de sécurité semblent avoir peu évolué. Les spécialistes du patrimoine se plaignent depuis longtemps des lacunes d’une réglementation qui reste muette sur ce genre de péril dans l’indifférente totale des pouvoirs publics. Il faudrait notamment des détecteurs électroniques de chaleur obligatoires dans tous les monuments sensibles mais cela coûte cher !  

Pour l’entretien de tous les monuments qui lui appartiennent en propre (200 immeubles dont 86 cathédrales), l’Etat n’a prévu que 18,8 millions € de crédits de paiement pour 2019, soit moins de 100 000 € par bâtiment. Pour les chantiers de restauration, ce n’est guère plus brillant : 71,8 millions € pour les 14 100 édifices ou objets classés monuments historiques, qu’ils soient propriété publique ou privée. 

L’Etat joue les pingres depuis de nombreuses années. Les fonds réservés au patrimoine représentent 3% du budget de la Culture, qui ne représente lui-même que 2,1% du budget de l’État en 2019.   

Des sommes dérisoires comparées aux cadeaux faits aux ultra-riches par le gouvernement d’Emmanuel Macron : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (près de 5 milliards € de recettes fiscales en moins), la mise en place d’une taxe allégée sur les revenus financiers (près de 4 milliards €), pour ne citer que ces deux mesures... 

Les municipalités essaient bien de corriger les carences de l'Etat notamment à Paris où la mairie a annoncé qu’elle débloquait 50 millions € pour Notre-Dame mais certaines églises parisiennes, faute de crédits, se trouvent aujourd’hui en grand péril : celle de La Madeleine par exemple, comme en témoignent les photos d’installations électriques vétustes diffusées sur le site de « La Tribune de l’art ». 

Sur l’île de la Cité également, d’autres monuments ne paraissent pas mieux lotis. C'est le cas de l’historique palais de justice, dont une bonne partie, désertée depuis le départ du tribunal de grande instance pour le quartier des Batignolles, se retrouve ouverte aux quatre vents avec des empilements de meubles inflammables dans les couloirs et des circuits électriques en piteux état. 

Aujourd’hui, la cathédrale Saint-Pierre de Nantes, comme hier d'autres cathédrales n’ont pas résisté en fait à l’amateurisme de la classe politique contemporaine, totalement incapable de préserver ces trésors de la nation. Si ces cathédrales ont pris feu, c’est d'abord parce que ceux qui devaient les protéger ont été incapables de le faire. 

L'Etat n'a pas pris toutes les mesures utiles pour éviter de telles catastrophes, notamment pendant le temps de leur restauration. Combien y avait t-il par exemple de personnes affectées en permanence, jour et nuit, dans ces édifices en restauration à la surveillance incendie ? Dieu seul le sait…


Photo Creative Commons 


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2 commentaires:

Julia a dit…

Merci pour ces bons moments sur votre blog. Je suis souvent au poste pour regarder (encore et toujours) ces merveilleux articles que vous partagé. Vraiment très intéressant. Bonne continuation à vous !

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Anonyme a dit…

L'homme suspecté par la police qui n'avait pas obtenu le renouvellement de son visa de séjour en France aurait-il voulu se venger ?