Comment concevoir d’élire des conseillers départementaux au scrutin majoritaire pour constituer le Conseil départemental et à nouveau d'élire des représentants départementaux différents au scrutin proportionnel pour constituer le Conseil régional ? C'est en fait un scrutin anachronique qui favorise l'abstention que la gent politique de droite et de gauche regrettera en chœur au soir du 20 juin sur tous les plateaux télé !
Bien plus rationnel serait d'élire des conseillers départementaux dans le cadre de circonscriptions départementales qui pourraient ensuite constituer le seul conseil régional qui se verrait attribuer toutes les prérogatives du Conseil départemental.
Réduire le millefeuille administratif
La question de la suppression des conseils départementaux trotte dans les esprits depuis longtemps. La France compte en effet aujourd’hui 6 strates administratives : état, régions, départements, intercommunalités, métropoles, communes et même 7 strates si l’on y ajoute l’échelon européen alors que la plupart des pays modernes en comptent beaucoup moins, par exemple 3 strates seulement aux Etats-Unis !
Le département est une division administrative, mise en place sous la Révolution française par le décret du 22 décembre 1789 pris par l'Assemblée constituante. Au nombre de 96 pour la métropole et 4 pour l’Outre-Mer, ils se trouvent dotés d’un préfet, d’une préfecture et de son administration, du Conseil général (appelé maintenant Conseil départemental), de ses élus et de son personnel de gestion. Mais le législateur ne s’est pas contenté d’en rester là et les départements se subdivisent encore en cantons, arrondissements et pays !
En 2002, Jean-Pierre Raffarin initia « l’acte 2 de la décentralisation » et esquissa l’idée que l’armature territoriale française devait reposer sur le couple Etat-Région, développant ainsi les propos tenus par Jacques Chirac dans un discours tenu à Rennes d’où il ressortait qu’il y avait trop de collectivités locales en France.
En 2008, la commission pour la libération de la croissance, dite « commission Attali », avait fait 316 propositions parmi lesquelles la disparition progressive de l’échelon départemental pour éviter des gaspillages financiers énormes et améliorer l’efficacité de la gestion publique.
En 2010, proposée à Nicolas Sarkozy via la commission Balladur, la disparition des départements intéressa fort l’ancien Président mais devant l’opposition des élus locaux, y compris de son propre camp, il se contenta seulement de créer le conseiller territorial. Ce nouvel élu devait être, à partir de 2014, une même personne élue à la fois au Conseil départemental et au Conseil régional. Ceci correspondait à une fusion des élections des représentants de la région et du département, modification décidée dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales et de la loi du 16 décembre 2010.
Mais en 2012, même ce timide pas en avant a été remis en cause par le gouvernement de François Hollande qui a déposé un projet de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial et qui modifie plusieurs dispositions du code électoral : le principe de la désignation de binômes homme-femme dans chaque canton, la division par deux de leur nombre (ramené de 3971 à 2054) et le report après 2014 des élections départementales et régionales.
Si de nombreux élus pointent bien les anomalies flagrantes de l’organisation politico-administrative de la France, ils ne vont pas cependant jusqu’à remettre en cause l’échelon départemental. L'argument fallacieux que l'on entend le plus souvent est que si l'on supprime le département, il n’y aura plus aucun lien de proximité avec les citoyens. Or, si la région se voyait conférer toutes les compétences exercées par le conseil départemental, des points relais et permanences du Conseil régional pourraient très bien être installés dans tous les départements et villes importantes.
Mais le lobby des présidents de départements est très puissant et dispose de plusieurs relais, notamment au Sénat où élus de gauche et de droite se sont entendus depuis longtemps pour que les conseillers départementaux conservent leurs prérogatives et les avantages pécuniers et matériels liés à leur mandat.
Finalement, avec l'organisation des élections
départementales et régionales les 20 et
27 juin 2021, Emmanuel Macron n’aura pas été plus courageux que son prédécesseur pour supprimer une division administrative conçue il y a plus de 200 ans
et très coûteuse aujourd'hui pour les contribuables…
Photo Creative Commons
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire