L’ONF est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) disposant de l’autonomie de gestion depuis sa création en 1966 sous l’impulsion d’Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture (1961-1966) qui a contribué à faire entrer l’agriculture française dans le productivisme et l’exportation.
Il gère
25 % de la forêt française, soit au total 11 millions d'hectares
de forêts publiques dont 4,6 en France métropolitaine
et 6,4 dans les départements d’outre-mer, pour l’essentiel
en Guyane française. Il gère également des écosystèmes associés
à la forêt tels que tourbières, dunes, pelouses alpines, pour
une surface de 5 340 km2.
Que se passe-t-il donc à l’office national des
forêts ?
« Des
moyens et une nouvelle gouvernance », voilà ce qu’ont réclamé les
centaines d’employés de l’Office national des forêts, rassemblés devant la
direction générale de l’ONF, avenue Saint-Mandé à Paris.
Leur revendication principale : la « renégociation » du contrat qui les lient à l’Etat, et qui a fait l’objet d’âpres batailles ces cinq dernières années, tant au sein de l’ONF que parmi les élus. En cause, la crainte que ce contrat puisse orienter l’ONF dans la direction d’une privatisation qui l’empêcherait de réaliser une part de ses missions d’intérêt public, au premier rang desquelles la protection de l’environnement.
Depuis 2001 en effet, une déferlante de réformes ont profondément transformé le métier de forestier et raboté les effectifs.
On est
passé de 15 000 agents en 1986 à environ10 000 salariés dont
6 631 sous statut public (fonctionnaires rattachés au ministère
de l'Agriculture et de la Pêche) et 3 332 ouvriers forestiers de
droit privé. Mais le « contrat État-ONF 2001-2011 » précisait que
l'ONF devait développer ses gains de productivité en diminuant de 1,5 %
par an ses effectifs en ne remplaçant qu'un départ à la retraite sur deux.
Le contrat
d’objectifs Etat-ONF 2012-2016, prévoyait déjà 613 nouvelles suppressions de
postes…
2020 :
nouveau plan stratégique
Dans
une lettre en date du 22 janvier 2020 adressée aux salariés de l’ONF, le
nouveau directeur général informait d’une privatisation indirecte de
l’établissement public. En effet, une modification législative du Code forestier
devrait permettre de généraliser l’accès du personnel de droit
privé aux fonctions de pouvoir de police jusqu’alors limité
aux fonctionnaires assermentés. Cette mesure devrait selon les syndicats
fragiliser la protection des forêts, le statut de contractuel faillible aux
pressions ne permettant pas de faire appliquer la loi en toute indépendance et
impartialité.
Le
malaise des agents continue donc, plus de 50 agents se sont suicidés de 2005 à
2020. Même si les syndicats ne se prononcent qu’avec prudence sur une cause
professionnelle des suicides, tous dénoncent un profond malaise et expriment
leur ras-le-bol face à l’attitude de l’ONF et des tutelles consistant à
sacrifier les forêts publiques sur l’autel du libéralisme économique. .
Ils
souffrent de ne plus pouvoir faire leur travail correctement. Faute de moyens,
ils ne peuvent plus assurer la surveillance et le suivi des parcelles de forêts
coupées. Lorsqu’ils les voient abîmées, ils ont le sentiment de trahir leur
mission» précise Philippe Berger du syndicat Snupfen-Solidaires (Syndicat
national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel).
Le
résultat aujourd’hui est là malheureusement : chaque forestier doit faire face
à une plus grande surface de forêt à gérer, à une surcharge de travail. La
direction de l’ONF a en effet tout axé sur la productivité, au détriment des
missions de service public, traitant la forêt comme une grande usine à bois et
non plus comme un milieu à préserver et gérer durablement. La quête de
rentabilité conduit ainsi à bafouer la culture des forestiers, en les
obligeant, par exemple, à des coupes trop fréquentes, sur des arbres trop
jeunes et de faible diamètre.
Il s’agit donc d’un profond mal-être qu’on ne peut attribuer qu’au bouleversement engendré par les réformes. Ce choix politique délibéré de l'Etat qui ignore l’intérêt général est très dangereux car que le volume de l’emploi public ne doit pas être la variable d’ajustement permettant d’éponger les déficits publics. Le nombre d’agents publics doit correspondre à ce qui est nécessaire au meilleur accomplissement des missions pour le bien de toute la population.
Tous les responsables de ce désastre depuis 2001 sont comptables devant les personnels, les citoyens et les générations futures. Et s’il y a une vérité qui s’impose aujourd’hui, c’est bien celle de la nécessité de mettre en œuvre une toute autre politique, dans l’intérêt des salariés de l’office et de la population…
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