Ce petit geste d’Emmanuel Macron est avant tout électoraliste et ressemble à une aumône honteuse de fin d'année qui ne répond pas aux racines du problème de la hausse des prix…
Le
pouvoir d’achat est de loin la préoccupation principale des Français. Emmanuel
Macron et son gouvernement s’inquiètent des mobilisations sociales éventuelles
que pourrait susciter la forte hausse des prix de l’énergie : +20,1%
sur un an, selon l’INSEE, et ce d’autant plus que nous sommes à moins de six
mois de l’élection présidentielle.
Un pansement sur une jambe de bois
Derrière
la façade de la communication, ce versement d’une « indemnité
inflation » à 38 millions de personnes est incohérent et ne résout pas le vrai
problème du pouvoir d’achat des Français.
D’abord
le montant de cette indemnité de 100 € paiera en réalité moins de deux
pleins d’essence et représente seulement 8,33 € par mois ! Ensuite le ciblage de cette mesure pose
question, puisqu’elle est versée indépendamment de la possession et de
l’utilisation d’un véhicule.
Une
taxe « flottante » sur les prix des carburants - c’est-à-dire un ajustement de la taxe intérieure sur
la consommation de produits énergétiques (TICPE, anciennement appelée
« TIPP » ) en fonction des variations du cours du pétrole brut - aurait
sans doute été plus appropriée. Mais cela ne se serait pas vu directement sur
la fiche de paie…
Le
gouvernement aurait également pu faire pression sur les distributeurs et
producteurs d’énergie pour qu’ils baissent leurs marges, voire directement
taxer leurs surprofits, comme l’a décidé le gouvernement espagnol. Le
bénéfice exceptionnel du groupe Total de 4,6 milliards € au troisième
semestre 2021 - en hausse de 200% par rapport à l’an dernier - est ainsi à
comparer aux 3,8 milliards € que représente l’indemnité inflation.
Mais le plus rationnel aurait été de baisser les taxes sur le prix du litre d’essence car on ne répétera jamais assez que la part des taxes sur les carburants est absolument colossale en France. Elle oscille entre 66,20% et 68,40% par litre en fonction du carburant !
- Sans-Plomb 95 : 68,40%
- Sans-Plomb 95-E10 : 67,42%
- Sans-Plomb 98 : 66,20%
- Gazole : 67,44%
De plus, ces quelques milliards distribués à l’approche des élections sous la forme de ce chèque inflation seront en fait payés par les contribuables car l’Etat va engranger des recettes supplémentaires via l’augmentation du prix du carburant et donc par voie de conséquence l’augmentation du montant des taxes.
Ce
chèque de 100 € rappelle d’ailleurs la hausse de la prime d’activité annoncée
suite au mouvement des gilets jaunes : plutôt que de relever le SMIC et
d’engager des discussions avec les syndicats pour augmenter les salaires, comme
cela avait été le cas en mai 1968, le pouvoir a préféré octroyer un autre petit
chèque.
Et une
fois l’élection présidentielle passé et avec près de 120% de dette par rapport
au PIB, nul doute que les technocrates de Bercy et de Bruxelles exigeront de
nouvelles « réformes structurelles », en commençant par la réforme
des retraites. Or, les réformes mises en place depuis 2017, de l’assurance
chômage à la baisse des APL en passant par la hausse de la CSG, ont toutes
conduit à une perte de pouvoir d’achat de la majorité de la population.
Une
hausse des petits salaires aurait été bien plus efficace. D’abord, elle aurait
permis de répondre à l’inflation, qui, en raison de la forte reprise de la
demande au niveau mondial et de la désorganisation des chaînes logistiques suite
aux mesures sanitaires, risque de durer. D’autre part, une revalorisation des
faibles salaires aurait injecté directement de l’argent dans l’économie réelle.
Au
contraire, la politique fiscale du gouvernement se fonde toujours sur le
principe du fameux « ruissellement », qui consiste à baisser la
pression sur les plus riches (fin de l’ISF et de l’exit tax, flat tax…) ou
à espérer vainement que l’épargne COVID des couches aisées finisse par
être dépensée.
Quant
à l’électricité, elle ne pourra redevenir abordable qu’à condition de sortir du
marché absurde imposé par l’Union européenne. Cette dernière oblige en effet
EDF à vendre 25% de sa production à ses concurrents, qui ne l’achètent que si
elle est moins chère que celle qu’ils peuvent produire, c’est-à-dire… si EDF
vend à perte. D’autre part, afin de créer un marché commun à l’échelle
européenne, le prix unique est fixé sur le coût marginal de l’électricité,
c’est-à-dire le coût de production d’un MWh supplémentaire. Or, les centrales à
gaz sont souvent les plus efficaces pour assurer ce surplus momentané de
production, ce qui revient à aligner le tarif de l’électricité sur les cours du
gaz. Pour la France, dépendante à 70% du nucléaire et souvent exportatrice net,
ce système est clairement défavorable.
Ainsi,
tant que la privatisation du secteur se poursuivra, la hausse des prix de
l’énergie risque de perdurer. Le chèque de 100 euros consenti par le
gouvernement passera alors pour ce qu’il est vraiment : une aumône largement insuffisante
pour se déplacer, se chauffer et s’éclairer correctement.
Un seul moyen pour préserver durablement
le pouvoir d’achat
Pour
la plupart des salariés et retraités, le niveau de vie baisse depuis de
nombreuses années suite à la suppression de l’échelle mobile des salaires en
1982 par la gauche au pouvoir.
Si officiellement la hausse du pouvoir d'achat des ménages est toujours
légèrement positive, c’est parce qu’elle concerne que le revenu moyen des
ménages qui n’est qu’une simple moyenne mathématique ne correspondant à aucune
réalité socioprofessionnelle.
En
fait, seule une réintroduction de l’échelle mobile des salaires serait de
nature à se préserver de l'inflation sans que les syndicats aient à ferrailler
chaque année contre les gouvernements successifs ou les organisations
patronales pour réclamer un réajustement des salaires.
L’échelle
mobile favorise en outre une solidarité entre les travailleurs des secteurs
forts et ceux des secteurs faibles ainsi qu’entre les travailleurs actifs et
inactifs. Elle est un facteur de stabilité sociale : les négociations
salariales peuvent se concentrer sur l’augmentation réelle des salaires. C’est
également un facteur de stabilité économique car le maintien du pouvoir d’achat
représente un facteur de consommation et donc de croissance économique.
Ce
système existe dans plusieurs pays comme la Belgique et le Luxembourg. Il
peut revêtir différentes formes (ajustement automatique des salaires à chaque
variation de l'indice des prix, ajustement dès que l'indice choisi dépasse un
certain seuil, ajustement à périodes fixes en fonction des variations
enregistrées, etc.). Il existe également mais sans caractère automatique en
Allemagne ou aux Pays-Bas : les syndicats doivent alors négocier pour compenser
la perte de pouvoir d’achat subie depuis les négociations précédentes à la
suite de l’inflation.
Et
contrairement à ce qu’affirment certains pseudo-consultants qui professent à
longueur d’année sur les plateaux télé, une réintroduction de l’échelle mobile
des salaires, datant de juillet 1952 sous la présidence de Vincent Auriol
(SFIO), ne nuirait pas au développement économique. Elle ne favoriserait pas
non plus l’inflation car celle-ci est basée sur l’évolution réelle des
prix qui s’est déjà produite au cours du ou des mois précédents. Ces
" experts économiques " ont tendance à confondre les
notions de réelle augmentation des salaires (supérieure au taux d’inflation) et
de simple maintien du pouvoir d'achat suite au mécanisme d’indexation (égal au
taux d’inflation).
En France, en ayant négligé la question essentielle du maintien du pouvoir d’achat, les gouvernements successifs depuis 1982 portent une lourde part de responsabilité dans les difficultés financières que rencontrent des millions de salariés et retraités. Et aujourd'hui, en vue de l’élection présidentielle de 2022, tout indique hélas qu'Emmanuel Macron comme ses principaux concurrents ne proposeront pas un système d’indexation automatique des salaires et des retraites sur le taux d'inflation pour protéger le pouvoir d’achat...
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