Une
enquête officielle du Ministère de l’Emploi, menée par la Dares, en
collaboration avec l’agence centrale des organismes de Sécurité sociale
(Acoss), vient d’être publiée.
Réalisée
auprès de 3000 chefs d’entreprise du secteur privé et de moins de 20 salariés,
elle indique que si le contrat nouvelle embauche n’avait pas existé, 70% des
employeurs auraient embauché à la même date, de la même façon sous une autre
forme de contrat.
Dans le même temps, un nouveau jugement d’un conseil de Prud’hommes, à Grenoble, démontre une nouvelle fois, les dérives liées au CNE.
Faut-il en conclure que 30 % des embauches en CNE correspondraient à des embauches supplémentaires à court terme ? Pas forcément car parmi ces 30% d’employeurs, 10% déclarent qu’ils n’auraient jamais embauché, 20% que le CNE leur a permis de pourvoir le poste plus rapidement. Comme le reconnaissent eux-mêmes les auteurs de cette étude, il ne s’agit que d’embauches. Or, il faut tenir compte aussi des ruptures des contrats et il faudra donc attendre une étude plus fiable pour estimer à court et moyen terme les effets du CNE sur l’emploi.
En attendant, le grand frère du défunt CPE, destiné aux jeunes de moins de 26 ans avec sa période d’essai de deux ans, dérogatoire au droit commun demeure en l’état et de nombreux salariés ont porté plainte devant les prud’hommes pour licenciement abusif.
Car, les employeurs font preuve d’une imagination débordante pour trouver une raison à invoquer pour licencier le salarié, surtout quand l’explication du motif de licenciement est uniquement orale. Dans toutes les affaires portées devant les tribunaux, les raisons des licenciements ont de quoi surprendre.
En région parisienne, un salarié a reçu sa lettre de licenciement le lendemain du jour où il est arrivé avec dix minutes de retard à son travail, suite à un embouteillage dû à un accident de la circulation, avec lequel il n’avait rien à voir.
Dans le Nord, un boucher a été remercié après avoir fait ses courses en jogging, en dehors de ses horaires de travail, dans le supermarché où il travaillait. Selon la Direction, sa tenue portait atteinte à l’image du magasin…
A Grenoble encore, un serveur a été licencié après avoir annoncé à son employeur qu’il devait subir une courte intervention chirurgicale.
A Pauillac, un salarié agricole a été licencié après avoir réclamé le paiement de ses heures supplémentaires.
Deux salariés, qui s’étaient vu proposer un CNE à la fin de la période d’essai de leur CDI (procédé illégal mais qu’ils avaient accepté pour garder leur emploi), ont été remerciés quelques semaines après le début de leur activité. L’un était commercial dans le secteur de la téléphonie, l’autre était ouvrier dans une petite entreprise d’outillage. Tous deux étaient devenus corvéables à merci et avaient tenté de faire valoir leurs droits.
Cinq salariés d’un magasin de chaussures ont été engagés en CNE avant la période des soldes... puis congédiés juste à la fin de celle-ci. Un autre s’est même vu proposer un CNE en cours de CDI... pour se faire licencier quinze jours plus tard.
Pompon de la délicatesse : plusieurs femmes enceintes ont perdu leur emploi après avoir officialisé leur grossesse auprès de leurs employeurs...
Et à toutes ces affaires, il faudrait encore ajouter tous les salariés qui n’ont pas pu pour des raisons diverses, saisir les Prud’hommes ou en parler aux syndicats.
Les premiers jugements rendus sont encourageants. C’est bien sûr le cas de l’exemple évoqué précédemment à Grenoble, où une employée, embauchée en CNE après trois missions d’intérim sur le même poste, s’est vue licenciée le lendemain de sa visite chez le médecin du travail qui lui avait conseillé de demander un siège adapté ses problèmes de dos.
Elle raconte même le commentaire entendu à la Direction de l’entreprise en guise de motivation de licenciement : «Elle commence à réclamer : c’est quelqu’un qui va nous emmerder».
L’employée a finalement été réintégrée en CDI dans son poste et l’entreprise condamnée à des dommages et intérêts.
C’est le cas également de ce salarié, âgé de 51 ans, licencié « sans aucun motif » un mois après avoir contracté un CNE en août 2005, qui vient de gagner devant les prud’hommes de Longjumeau.
La justice lui a donné raison au motif que, « d’après le rapport présenté au président de la République, le CNE est destiné, comme son nom l’indique, à favoriser de nouvelles embauches, et ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d’un salarié et d’éluder le droit du licenciement. L’entreprise devra lui verser 17 500 € de dommages et intérêts.
Au vu de ces jugements, le CNE s’avère comme un faux espoir pour les salariés et le nombre de contentieux risque d’exploser à la fin de la période d’essai, lorsque les employeurs auront l’obligation de transformer les CNE en CDI. C'est pourquoi, l'abrogation de ce dispositif qui institutionnalise la précarité s’impose plus que jamais.
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1 commentaire:
Plus ça va, plus je pense que les possédants ont de plus en plus de pouvoirs et de droits, alors que les salariés en CDD, en stage ou en intérim et maintenant en CNE sont appelés à servir de variable d'ajustement, le reste étant condamné au chômage.
Il me semble que la droite a un peu trop tendance à favoriser les premiers et ne propose que la précarité aux salariés, au nom de l'adaptation au monde actuel.
Elle présente cela sous la forme d'un nécessaire pragmatisme, alors que c'est son fond libéral qui se cache derrière.
Cette précarité concerne tout le monde : jeunes ou moins jeunes et c’est contre cette précarité multi générationnelle qu'il faut lutter : vive le contrat unique, équitable qui se consolide dans le temps !
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