Les
annonces de la fusion GDF-Suez et de l'ouverture du marché du gaz et de
l'électricité à l'ensemble des consommateurs, à compter du 1er juillet 2007,
mettent au grand jour l'objectif du gouvernement d'instaurer une concurrence
entre les différents opérateurs du secteur de l'énergie.
S’il
était adopté, le projet de loi débattu par les députés en session
extraordinaire, permettra la privatisation totale des services du gaz en France
au moment même où les réformes de libéralisation mises en œuvre par l’union
européenne plongent le secteur de l’énergie dans une grande instabilité.
Plus
grave encore, avec la fusion GDF-Suez, l’Etat se désengagera de l’ensemble des
infrastructures d’approvisionnement : terminaux méthaniers, capacités de
stockage, réseaux de transport et de distribution. Elles deviendront la
propriété privée d’un groupe dont il ne possédera que 34% du capital. Une OPA
pourra toujours être lancée sur les 66% restants. La minorité de blocage prévue
au projet de loi ne sera alors d’aucune utilité réelle.
Cette
opération de fusion fait courir le risque de voir des infrastructures
stratégiques pour notre pays devenir la propriété d’un groupe étranger comme
Gazprom, très désireux de s’implanter sur le marché européen…
Le
prix du gaz en France a été augmenté de 5,8% le 1er mai 2006. En 18 mois, cela
fait 30% d’augmentation, totalement injustifié, car GDF, entreprise
florissante, a doublé ses bénéfices en 2005 (1,23 Mds €).
Cette
augmentation des tarifs, au détriment des 11 millions d’usagers, avait pour but
principal d’améliorer la plus-value des actionnaires et de rassurer les marchés
financiers en vue de la fusion avec Suez. Les dividendes des actionnaires, en
augmentant de 46%, sont désormais plus importants que les salaires versés au
personnel !
La
participation de l’état au capital de GDF, ramenée de facto à 34%, serait
au-dessous du seuil de 70% fixé par la loi du 9 août 2004. La majorité
gouvernementale UMP ne respecterait même pas ainsi le vote de ses propres
députés qui avaient décidé de maintenir le seuil de 70% pour la part détenue
par l'Etat. Le Ministre des Finances de l’époque était alors un certain Nicolas
Sarkozy…
Le
prix de l’énergie, proposé par les marchés financiers, est toujours très élevé
et justifierait à lui seul l’arrêt de toute privatisation.
Dans
tous les pays où ce modèle a été mis en œuvre, les conséquences sont similaires
: les prix augmentent, le service public de proximité se dégrade, les
investissements ne sont pas réalisés et les citoyens payent au final les pots
cassés. En Californie, la libéralisation a entraîné des augmentations de tarifs
considérables, allant parfois jusqu’à 500%.
En
France, le tarif de l’électricité est de 31 € le MW/h alors que le prix du
marché libéralisé atteint 50 €. Les industriels qui ont fait le choix d’une
tarification privée ont eu parfois à supporter une augmentation d’environ 30%
par an. Au CHU de Besançon, par exemple, la décision d’abandonner les tarifs
publics a généré une augmentation de la facture de près de 300 000 € par an.
Avec cette somme, le CHU aurait pu embaucher six infirmières durant une année,
salaires et charges patronales comprises…
Quant
aux clients particuliers qui feront le choix de changer de fournisseur, ils
continueront d’être alimentés par le même réseau de distribution, ce qui rend
cette concurrence entre fournisseurs encore plus discutable…
C’est
pourquoi, le maintien des tarifs publics constitue le meilleur rempart face au
«tout marché» en permettant l’égalité de traitement de l’ensemble des citoyens,
quel que soit leur lieu d’habitation. Ce dernier principe est fondamental et
doit être préservé également.
La
libéralisation du secteur de l’énergie se traduit aussi dans tous les pays par
un ralentissement des investissements et l’instauration d’une situation de
pénurie. L’équilibre entre l’offre et la demande n’est plus assuré correctement
et cela entraîne des coupures, comme en Corse récemment, et donc une baisse de
la qualité des fournitures livrées aux clients.
EDF et
GDF soutiennent l’économie française depuis 60 ans et une libéralisation totale
déstabiliserait à coup sûr la situation économique car des milliers d’emplois,
liés à une énergie stable et bon marché, seraient menacés. De plus, les
nouveaux tarifs de l’énergie privatisée imposeraient un lourd fardeau à nos
services publics qui n’ont pas besoin de payer leur énergie plus chère.
C’est
pourquoi, bien public mondial, l’énergie doit sortir de la sphère marchande
pour être placée sous le contrôle public, à l’échelle du pays, de l’Europe et
du monde. A ce titre, la mise en place d’un pôle public national et d’une
agence européenne de l’énergie constituerait un progrès certain.
La
liberté de choix, c’est aussi la liberté pour les pays de ne pas ouvrir leur
marché de l’énergie visant à livrer ce secteur aux multinationales privées,
plus préoccupées par la réalisation de profit que par l’intérêt des citoyens du
monde. Evo Morales, le président paysan indien de Bolivie, vient de
nationaliser les hydrocarbures afin d’échapper au pillage du capital financier
et de permettre à son pays de se tourner vers l’avenir.
Un
pays qui nationalise le gaz et l’eau, quelle bonne nouvelle ! La Bolivie
avance, la France recule !
Photo Creative Commons
1 commentaire:
A propos du groupe Suez, il y a de l'eau dans le gaz !
Le groupe Suez fait payer très cher l'eau, notamment dans les dans les pays en voie de développement .
L’exemple de Manille, aux Philippines est très significatif : même combat, même entreprise : Suez.
Avant 1997, date de la privatisation, la gestion était calamiteuse : réseau délabré, goutte à goutte au robinet, il fallait des heures pour remplir un seau.
Mayniland, une société privée, est créée. Une des familles les plus riches des Philippines en est actionnaire, ainsi que Suez, qui y participe à hauteur de 24 %.
L’eau coule de nouveau au robinet, après l’intervention des experts français. Le miracle ne dure pourtant pas longtemps. Après d’âpres discussions entre le gouvernement et la société privée, Mayniland annonce qu’elle met fin au contrat. Motif ? Le refus du gouvernement d’accorder une énième augmentation des prix, alors qu’ils avaient progressé en quelques mois de 400 % à l’ouest de la ville et de 700 % à l’est !
Autre exemple, l’Argentine, début 2004, Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, était venu à la rescousse de Suez lors d’une visite d’État. Quant à Chirac, il recevait le président péroniste argentin Kirchner en lui demandant de préserver les intérêts français. Jérôme monod était alors conseiller de Chirac, après avoir présidé suez lorsque le groupe avait commence à investir en argentine.
Face à la nécessité sociale, le gouvernement argentin a affirmé sa volonté de présenter un projet de loi visant à remettre sous contrôle des gouvernements provinciaux les entreprises d’eau et d’assainissement…
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