04 février 2007

L'échelle mobile des salaires : une nécessité oubliée

L'échelle mobile des salaires
Depuis la suppression, au début des années 1980, du dispositif indexant les salaires sur l'indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d'achat des salariés, le niveau réel des salaires baisse régulièrement en France.

Et l'échelle mobile des salaires, qui était pourtant une vieille revendication du mouvement ouvrier, ne semble plus du tout aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques…  


Si ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, travail à temps partiel subi, etc.

Aujourd’hui, la France compte plus de 7 millions de pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC.

30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 € bruts par mois). Moins mal lotis, mais loin d'être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 € et 2 500 € bruts par mois).

Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit : les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix, les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.

Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation !

Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.

C’est en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre.

Dans la Fonction Publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.

Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions.

Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du Travail, article L.141-9 : "sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."

En 1983, Jacques Delors, ministre de l'économie et des finances, décida de deux plans d'austérité et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimé sans pour autant que le chômage diminue.

Aujourd’hui, outre la revalorisation annuelle du SMIC (3,05% d’augmentation au 01/07/06 donnant 1254 € bruts pour 35 heures hebdomadaires), les salaires évoluent en pratique :

  • Soit à l'occasion d'une négociation individuelle entre l'employeur et le salarié
  • Soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux

Lorsqu'un accord est conclu, un avenant s'ajoute à la convention collective et s'applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l'entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu'ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.

Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n'entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas…

Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.

Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude à minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6% !

En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5% !

Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégrée dans l’indice.

L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus un fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les «arrondis» opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.

Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix car l’inflation, même si elle plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.

En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes.

Mais ceci n'a pas l'air de sauter aux yeux de nos femmes et hommes politiques…


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8 commentaires:

Christine a dit…

Merci de parler de l’essentiel, à savoir le pouvoir d’achat et les salaires car personne n'en parle vraiment ou alors de façon très incomplète; tel Laurent Fabius, avec sa proposition de SMIC à 1500 €.

Il oublie simplement de dire que c’est en réalité 1500 € bruts, c’est à dire 1174 € nets car il faut enlever un total de cotisations sur salaires de 21,76 % (maladie, vieillesse, retraite complémentaire, chômage, etc.) et encore «au plus tard avant la fin de la législature» !

Fabius continue à se moquer des salariés de ce pays…

Rose a dit…

J'ai entendu dire à la radio que l'endettement des ménages a encore augmenté.

Il faut d'urgence réévaluer tous les salaires et obliger les employeurs à faire suivre de manière automatique (comme ça l'était avant 81) les salaires sur l'évolution du coût de la vie.

Louis a dit…

Je crois que le drame à venir est bien caché par tous les signes extérieurs de richesse d'une certaine partie de la population qui bénéficie d'avantages innombrables, de stock-options, etc...

Ne voit-on pas des voitures rutilantes à tous les coins de rue et des gens partir en vacances au bout du monde ?

Ceci nous donne le sentiment illusoire que tout va bien...

Brigitte a dit…

Je tiens d'une personne travaillant à l'ANPE qui connaît bien les chiffres réels de la désocialisation en France qu'il n'y pas 2 ou 3 millions de chômeurs mais bien plus de 5 millions de personnes en état de précarité avancée (CDD, intérim, demandeurs d'emploi, RMI, etc...).

Ferdinand a dit…

Adhérent du PS, je pensais voter pour Laurent Fabius mais depuis que vous m’avez appris qu’il était responsable de la disparition de l’échelle mobile, j’hésite entre DSK et Ségolène ?

Georges a dit…

Vous parlez uniquement des salariés mais la situation des personnes âgées n’est pas franchement meilleure avec des retraites misérables pour ceux qui n’ont pas pu se payer des complémentaires à titre privé en sus !

Marc a dit…

Il me semble que l’avenir est sombre, très sombre car le PS ne rétablira jamais l’échelle mobile des salaires et encore moins la droite avec Sarkozy !

Patrick a dit…

Prenons un revenu NET de 1300€ NET (35% au dessus du smic)

un logement decent : 400€

taxes habitation (et fonciere si accession propriété) + redevance télé : 35€

impot sur le revenu : 75€

assurance habitation : 6€

assurance maladie complementaire : 20€

edf gdf et autres energies (bois, fuel, gaz citerne, bouteilles de gaz) : 60€

eau : 10€

budget voiture, 50 bornes/jours env en bossant à 25 bornes + trajets extra professionels (amortissement + entretien + carte grise + controle technique
+ carburant) code barem urssaf voiture moyen de game 0,30€ du kilomètre.

soit par an disons : 18250 bornes soit 456€ par mois

communication (tel fixe et/ou portable et/ou internet) : 45€ (sans portable)

Alimentation (+ restauration sur place si emploi ne laisse pas le choix) : sandwich midi boulot + boisson 45 semaines à 5 jours par an à 5€ = 1125 : 12 = 93€ + courses bouffe, lessive, apéro, PQ, etc maison : 200€

allez on fait déjà un sous total voir on on en est :

oups 1400€ déjà ...

zut alors manque déjà 100€ et pourtant j'ai pas compté :

vetements, chaussures, linge de maison (couette, draps housse etc), achats entretien renouvellement electromenagers et divers (lave linge, cafetiere,
vaisselle, téléviseur, refrigérateur, four etc tondeuse à gazon, taille haie ...), coiffeur, carte bleu, achat et renouvellement mobilier (matelas,
sommier, table, chaises, meubles de rangement), gros entretiens (chauffes eau, chaudieres, revetements sol et mur etc, toitures, portes, fenetres etc
), frais medicaux non remboursés (dentaires et lunettes etc , petite
pharmacie sans ordonnance etc), Equipements loisirs (ordinateur, hi fi,appareils photo, magnétoscope, lecteur dvd etc) , tabac, journaux, revues,
livres, cd, dvd , pratique de sports (licences, equipements..) , apporter un bouquet de fleur à un proche hospitalisé, offrir un petit cadeau à ceux qu'on aime, fêtes, anniversaires, noël ou simplement juste pour le plaisir
d'offrir , se faire un cinoche ou un resto de temps en temps, imprévus,perte ou vol de papiers, PV, etc. prendre une semaine ou 2 de vacances dans l'année pour vraiment changer d'air ...