19 octobre 2007

Nous, Georges, Michel, Patrick, pompiers morts au feu…

Sapeur-pompier est l'un des métiers de la sécurité civile

Plus de 300 pompiers originaires du Var et des Alpes-Maritimes se sont rassemblés le 5 octobre dernier devant le tribunal de Draguignan (Var) pour déposer une gerbe à la mémoire de leurs trois collègues morts en service, lors du feu de forêt de La Garde-Freinet, dans le massif des Maures, le 1er septembre 2003. 

Les manifestants ont observé " quatre minutes de silence pour quatre années d'attente ", après l'appel des morts au feu. Ils ont notamment dénoncé une instruction judiciaire jugée beaucoup trop longue et considérée comme " cadenassée "…

 

Associées à la manifestation, les familles des trois pompiers décédés et leurs avocats ont été reçus par le juge d'instruction en charge du dossier. 

Que s’est-il réellement passé ce jour-là ? Le souci initial de la préservation d’un golf privé serait-il à l’origine du drame ? 

Les familles réclament en vain justice malgré les promesses faites par d'éminents personnages. Au cours de l’été 2003 en effet, le ministre de l’intérieur de l’époque, aujourd’hui Président de la République, s'était engagé auprès des familles à tout faire en faveur de la vérité…

 

Merci à un proche des disparus de nous livrer le récit détaillé des évènements...  

“ Le 1er septembre 2003 un violent incendie de forêt, déclenché la veille, sévit dans le massif varois des Maures. Confrontés à un relief très accidenté et à un fort vent tourbillonnant, les canadairs effectuent des largages qui n'ont pas leur efficacité habituelle. 

Vers 18 h30, les conditions météo (vent se renforçant) se dégradent. Le PC feu opte pour une stratégie défensive : les moyens engagés seront employés à la protection et la défense des habitations et des points sensibles (campings, etc..). Cela sera confirmé par le rapport interne des inspecteurs de la Sécurité Civile. 

A la demande du Maire de la Môle, des moyens sont envoyés pour protéger le lieu-dit Plan de Suvière, où se trouvent- on le saura plus tard - un golf privé et un gîte rural, vide de ses pensionnaires évacués la veille, soit quatre grosses bâtisses de campagne et seulement six personnes. 

Le chef du secteur effectue une reconnaissance et quantifie ses besoins à deux ou trois groupes (un groupe comprend 1 véhicule léger tout terrain et 4 camions dont un lourd), mais il ne suit pas l'option défensive décidée par le PC feu et compte prendre l'initiative en produisant une attaque de flanc. 

Plusieurs groupes alors échelonnés sur la route départementale D14 - une route montante et sinueuse dont la largeur n'excède pas 4m30 à l'endroit du drame, exposée au vent et bordée d'un fort couvert végétal - sont engagés. Le GIR (Groupe retardant) qui comporte 4 camions lourds (poids total en charge de 19 tonnes) leur est adjoint en deuxième position. 

Le premier groupe de Pierrefeu atteint le col du Périé. Son chef juge la situation dangereuse pour son personnel et décide de le mettre en protection en aval du col. 

De même, au fur et à mesure de sa progression, le chef du GIR relève que la situation est inquiétante (le couvert végétal est dense, un vent puissant balaye la route de face et entraîne une masse de feuilles mortes tourbillonnantes). Après concertation, il décide d’opérer un demi-tour. Deux des quatre camions du GIR ont le temps d’effectuer cette manœuvre. Ce sont ceux de La Seyne et Brignoles qui se retrouvent en position de descente. 

Pendant ce temps, le chef de secteur revenant du Plan de Suvière, rencontre le premier groupe, celui de Pierrefeu, abrité en aval du col et ordonne à son responsable de venir se replacer au col, au prétexte qu'il y a une cuve d'eau de 20 000 litres. Puis, il continue à redescendre et arrive à hauteur des camions du GIR occupés à leur manœuvre. Il ordonne au conducteur du premier camion rencontré de poursuivre sa progression. Les deux camions qui étaient en direction de la descente sont tenus d'aller refaire une manœuvre de retournement 150 m plus bas. 

Le chef de secteur remonte vers le col en demandant à l’un des camions de le suivre. 

La situation est alors la suivante. En direction de la montée : le groupe de Nans les Pins qui entre-temps a doublé les camions du GIR en train de manœuvrer, le chef de secteur et un camion GIR de Barjols. Un camion GIR de Hyères est arrêté au niveau de l'emplacement où a été effectué le demi-tour avec le véhicule tout terrain du chef du GIR. Dans le sens de la descente : les deux camions de La Seyne et de Brignoles tentent de se diriger vers le lieu où ils doivent effectuer leur demi-tour. 

A ce moment, le camion d’Hyères démarre en direction de la montée. Il est suivi au plus près par le véhicule du chef du GIR car celui-ci ne dispose pas d'eau. Durant leur progression, le feu les atteint. Deux équipiers de ce camion descendent. Ils arment le canon à eau et commencent à l’activer pour se frayer un passage dans l’incendie, tout en arrosant pour la protéger la voiture du chef de groupe. Ils réussiront à s’extraire du feu beaucoup plus loin. 

Les deux camions de La Seyne et de Brignoles parviennent au point de retournement et engagent leur manœuvre pour reprendre le sens de la montée. Brignoles est en tête, La Seyne le suit. Un groupe de Cavalaire arrive à leur contact visuel. Il laisse les deux camions partir en avant alors que l'incendie fait rage seulement quelques mètres en contrebas. Le responsable du groupe évalue le danger imminent et ordonne à ses hommes d’entamer immédiatement une marche arrière. C’est alors que le feu violent traverse brusquement la route. 

Cette manœuvre oblige les cinq autres groupes engagés à reculer. A cet instant, sont engagés au total, neuf groupes composés de 36 camions et 9 véhicules tous terrains. Les groupes de Pierrefeu, Nans Les Pins, le GIR, Cavalaire, Bormes, les marins pompiers, un groupe du Gard, Ginasservis et Six-Fours La Seyne. 

Enfin, un camion du GIR, celui de Barjols, est arrivé au niveau des deux groupes de Pierrefeu et Nans les Pins. Il reçoit un message radio inquiétant : " La Seyne accidenté, dans les flammes. Ce même appel est reçu par les deux camions citernes positionnés dans la plaine. Environ 20 secondes plus tard sera capté le dernier signe de vie de l’équipage seynois, c’est un appel désespéré : " on brûle, on brûle ! 

Peu après le dernier message du camion de La Seyne, le camion de Brignoles qui précède celui de La Seyne fait part de sa situation : "dans le fossé, moteur calé, plus moyen de démarrer. Suivent alors de sa part une succession de messages explicitant la situation dans la cabine, jusqu'à ce qu’une vitre arrière explose. Le chef ordonne à son équipage d’évacuer. Les conditions de survie à l’extérieur s’avèrent plus acceptables que dans le véhicule. Cet équipage poursuit sans relâche ses appels radios jusqu'à ce que le chef de secteur vienne le récupérer. ” 

 

Aujourd'hui, quatre années après le décès tragique de Georges, Michel et Patrick, l’instruction judiciaire n'est toujours pas terminée. 

Les pompiers se posent des questions quant à l'utilisation de certains matériels. De leur côté, les familles contestent l'expertise des camions réalisée seulement au printemps 2007. Cette expertise a été faite par un expert non inscrit sur une liste officielle, “ ce qui est normal ”, a-t-on affirmé, “ lorsqu'il n'est pas possible d'en trouver un ”…! 

L’expert nommé s’est contenté, semble-t-il, d’effectuer un “ copier-coller ” du rapport des deux inspecteurs internes à la Sécurité civile… dont les conclusions émettent l'hypothèse d'un flash thermique, mais en précisant "que rien ne permet d'affirmer péremptoirement qu'il s'agit d'un tel phénomène" ! 

Dans ce dossier, la transparence fait donc cruellement défaut, d’autant que l’expert proposé par les familles - celui qui a travaillé sur l’incendie du tunnel du Mont-Blanc - a été refusé. 

Cette enquête a été marquée également par la disparition des bandes audio de la nuit du drame. Les enregistrements du poste de commandement ont été jetés puis retrouvés un an plus tard, comme par hasard… après une plainte des parties civiles pour destruction et dissimulation de preuves. Aujourd’hui, elles sont inaudibles ! 

Enfin, la reconstitution demandée par les parties civiles n'a toujours pas eu lieu. 

Après la manifestation des pompiers et des familles à Draguignan, une délégation des familles des victimes a été reçue par le juge d’instruction en charge du dossier qui s’est engagé à effectuer un déplacement sur le lieu du drame avant la fin de l’année 2007 et à clôturer l’instruction dans un délai de six mois. 

Si cette affaire se refermait sur un non-lieu, ce serait une injustice intolérable pour les familles des victimes, comme pour les pompiers qui les soutiennent. Ce serait également une nouvelle preuve du dysfonctionnement grave de la justice en France.

Une pétition est en ligne sur le site du Syndicat Autonome des sapeurs-pompiers varois pour contribuer à la " manifestation de la vérité "  ICI


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10 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce récit est édifiant.

Courage à tous ceux qui luttent pour qu’enfin éclate la vérité que notre cher Président nous avait promise mais qu’on ne voit pas arriver…

Anonyme a dit…

Si la politique menée par un précédent ministre de l'intérieur avait été efficace, on n’en serait pas là dans cette affaire.

Les caméras et les grandes phrases ne règlent pas les problèmes.

Les pompiers sont aussi les victimes comme les habitants des cités, les jeunes, les vieux, de toutes nationalités.

Il y a des coupables et des irresponsables qui font des victimes.... ou des irresponsables qui ont produit des coupables et des victimes ?

Dans quel ordre doit-on mettre le bidule ?

Mauvais commandement, enquête avariée...

Plein feu sur les cités mais feu éteint pour les hommes du feu à la Garde-Freinet...

Anonyme a dit…

Le Var et la Corse semblent particulièrement touchés.
Qui - spécialiste ou initié - pourrait infirmer ou confirmer ce sentiment et l'étayer ? Dans l'affirmative, y-at-il corrélation et pourquoi ?

Anonyme a dit…

La terre qui brûlait avait-elle une valeur particulière ?

A qui appartient-elle?

Ce serait intéressant de le savoir car ces pompiers ont très bien pu être envoyés là uniquement pour tenter de sauver des parcelles de terre très «particulières»

Qui en a donné l’ordre ?

Anonyme a dit…

Bonsoir,


C'est une maman qui vous écris, merci pour ce blog et vos articles.

Je pense que notre président actuel devrait se pencher sérieusement sur le statut de pompier et reconaître que c'est un métier a risque…

Je suis fière de tous ces pompiers à qui on ne dit jamais " Merci et on vous aime"

Mais c'est vrai qu’il est plus facile de parler de voyous que de personnes qui sont à notre service.... je pense ainsi à ces trois braves jeunes hommes qui sont décédés dans un feu dont les contours ne sont pas tout à fait clairs…


PS : j’ai moi-même deux de mes fils pompiers… c'est pour cela qu’à travers eux j’aime et respecte toute cette corporation.

Anonyme a dit…

Ouvrir une enquête pour cerner les dysfonctionnements et trouver qui a merdé le cas échéant, ok !

Mais cela peut arriver à tout le monde, et parfois avec des conséquences dramatiques comme ici !

Je reste seulement dubitatif en pensant que le fautif (si peu intentionnel qu'il soit) s'en sorte bientôt blanchi…

Anonyme a dit…

On n'arrête pas de baisser les moyens des services publics et après on se plait que ça cafouille.

Mais c'était logique messieurs-dames et ça va continuer.

Anonyme a dit…

Le vrai problème, c'est que les personnes qui ont directement donné ces ordres refusent d'endosser la responsabilité de leurs actes...

Anonyme a dit…

Pourquoi Michel, Patrick et Georges ont-ils été envoyés dans cet endroit où la mort les guettait ?

Pourquoi leur hiérarchie a-t-elle donné cet ordre absurde ?

Pourquoi tout ce foutoir et ces disparitions ?

Y-a-t-il quelqu’un de haut placé à protéger à tout prix ?

Anonyme a dit…

Bonsoir,

Je vous informe d'une dépêche de l'AFP qui indique que dans le cadre de cette affaire, le major Fugier a reçu sa notification de mise en examen le 22 février à 14h30.

Le syndicat des officiers lui apporte son soutien par son avocat, (les loups ne se mangent pas entre eux), compréhensible, car il est le maillon le moins gradé, si l'on devait remonter la chaîne, on arriverait à un colonel et d'autres grades intermédiaires.

Nous attendons quelques temps avant de leur "rentrer dans le lard", passez moi l'expression.

Je vous communique cela dans le cadre du suivi de l'information, si besoin était.

Bien cordialement