La question de la suppression du département trotte dans les esprits depuis longtemps car celui-ci est de plus en plus pris en étau entre le développement des structures intercommunales et la région.
François Hollande sera-t-il plus courageux que son prédécesseur pour supprimer cette division administrative, conçue il y a plus de 200 ans ? Tout indique malheureusement que la recherche d’économies budgétaires par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, au niveau de l’Etat et de l’Administration, tourne le dos à cette réforme indispensable…
Le département est une division administrative, mise en place sous la Révolution française le 15 janvier 1790. L'objectif était à l'époque de remplacer les provinces liées à l'Ancien régime et de casser tout provincialisme. Afin que l’autorité administrative soit rapidement informée de ce qui se passait à l’autre bout du département, un émissaire à cheval devait pouvoir atteindre n’importe quelle zone du territoire en une seule journée de voyage. C'est ainsi qu'aujourd'hui, les superficies de chaque département sont très proches.
Le département au centre d’une architecture politico-administrative complètement dépassée
La France compte aujourd’hui 5 strates administratives : état, région, département, intercommunalité, communes, 6 strates si l’on y ajoute l’échelon européen (contre 3 seulement aux USA).
Les départements, au nombre de 96 pour la métropole et 4 pour l’Outre-Mer se trouvent dotés d’un préfet, d’une préfecture et de son administration, du conseil général. L’ensemble des conseillers généraux (+ les conseillers de Paris) est évalué à 4 042. Mais le législateur ne s’est pas contenté d’en rester là car les départements se subdivisent encore en cantons, arrondissements et pays.
On dénombre plus de 4000 cantons dont 156 dans les départements d'Outre-mer, représentés chacun par un conseiller général.
L’arrondissement a comme compétence le contrôle administratif des communes. Actuellement au nombre de 326 en France et 13 en outre-mer, le tout avec autant de sous-préfets !
Quant au pays, il exprime la communauté d'intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres. Il constitue le cadre de l'élaboration d'un projet commun de développement durable destiné à développer les atouts du territoire considéré.
Outre les départements et leurs nombreuses subdivisions, il existe par ailleurs :
- 26 régions (22 pour la métropole et 4 pour l’Outre-Mer) qui sont animées par un président entouré de conseillers régionaux et un personnel administratif pour le fonctionnement du Conseil Régional. 2 040 élus au total (en comptant les 51 membres de l’assemblée territoriale corse, auxquels s’ajoutent les 131 représentants des assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de Polynésie et de Wallis et Futuna). Chacune des régions dispose en plus d’un Conseil économique et social de 40 à 110 membres selon l’importance économique et démographique et d’une Chambre des Comptes (340 magistrats et 300 assistants).
- 17367 groupements intercommunaux au 01/02/2012 (communautés de communes, communauté d'agglomérations, communauté urbaine). Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) constituent la forme institutionnelle de l'intercommunalité. On en distingue deux types, les syndicats intercommunaux (14786) et les EPCI à fiscalité propre (2581). Là aussi, des aménagements pratiques ont été ajoutés pour créer et gérer des activités ou des services publics : SIVOM (syndicat intercommunal à vocations multiples), SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique), syndicats mixtes ou les syndicats d’agglomération mise en place après la loi Rocard du 13 juillet 1983 pour organiser les villes nouvelles.
- 36.700 communes en métropole et DOM au 1er janvier 2012 avec autant de maires et 526.000 conseillers municipaux. La France possède, à elle seule, près de la moitié du nombre de toutes les communes d’Europe (14 000 communes en Allemagne, 8 000 en Espagne et en Italie, etc…).
La carte territoriale française offre ainsi trop de niveaux institutionnels et, dans chacun de ces niveaux, trop de collectivités. Elles ne sont pas assez puissantes pour qu’on leur affecte de manière efficace des compétences de gestion des politiques publiques transférées vers elles en provenance de l’Etat.
Si chaque collectivité locale est censée avoir des domaines d'action spécifiques, de nombreux doublons existent entre collectivités locales en matière de développement économique, sport, culture, tourisme et jeunesse ainsi qu’entre départements et Etat dans les affaires culturelles ou l'action sociale et sanitaire. Et même, il arrive que chaque collectivité intervienne dans des domaines qui relèvent en principe d'autres échelons administratifs.
La suppression des départements souvent abordée mais aucun gouvernement n’a eu le courage de légiférer...
En 1982, lors du lancement de la décentralisation, la région étant devenue, par la loi du 2 mars 1982, une véritable collectivité, Pierre Mauroy et Gaston Defferre auraient volontiers envisagé de les supprimer mais François Mitterrand s’y est fermement opposé.
En 1995, la loi Pasqua a introduit la notion de « pays », bassin de vie et d'activité plus réaliste que le département technocratique mais le pays n'a gagné aucune compétence juridique et les départements ont été conservés.
En 2002, Jean-Pierre Raffarin initia «l’acte II de la décentralisation» et commença par esquisser l’idée que l’armature territoriale française devait reposer sur le couple Etat-Région, développant ainsi les propos tenus par Jacques Chirac dans un discours prononcé à Rennes, d’où il ressortait qu’il y avait trop de collectivités locales en France.
En 2008, la commission pour la libération de la croissance, dite «commission Attali», avait fait 316 propositions parmi lesquelles quelques rares mesures étaient parfaitement justifiées comme la disparition progressive de l’échelon départemental pour éviter des gaspillages financiers énormes et améliorer l’efficacité de la gestion publique.
Proposé ensuite à Nicolas Sarkozy, via la commission Balladur, elle intéressa fort l’ancien Président mais devant l’opposition des élus locaux, y compris les siens, il se contenta seulement de créer le conseiller territorial. Ce nouvel élu devait être, à partir de 2014, une même personne élue à la fois au Conseil général (département) et au Conseil régional (région). Ceci correspondait à une fusion des élections des représentants de la région et du département, modification décidée dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales et la loi du 16 décembre 2010.
Ce timide pas en avant a été cependant remis en cause par le gouvernement de François Hollande qui a déposé un projet de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial et qui modifie également plusieurs dispositions du code électoral : le principe de la désignation de binômes homme-femme aux élections départementales, la division par deux du nombre des cantons et le report de 2014 à 2015 de la date des élections départementales et régionales.
Aujourd'hui, de nombreux élus de gauche pointent bien les anomalies flagrantes de l’organisation politico-administrative de la France mais sans aller jusqu’à remettre en cause l’échelon départemental. L'argument fallacieux que l'on entend le plus souvent est celui-ci : si l'on supprime le département, qui va assurer ses fonctions actuelles et comment va-t-on transférer le personnel qui y travaille ?
Pour Jean-Pierre Chevènement notamment, la suppression du département est une « fausse bonne idée ». L'ancien ministre de l'Intérieur loue « la relative proximité du département, enraciné dans la tradition républicaine ». «Les besoins sociaux - RMI, personnes âgées, enfance - sont mieux traités au niveau du département qu’ils ne le seraient à celui des régions» conclut-il. Quant à la mission Jospin sur la rénovation de la vie publique, elle a tout simplement "oublié" d'aborder ce sujet…
Seules quelques personnalités, assez isolées politiquement, se sont prononcées pour leur suppression. C'est le cas de François Bayrou qui a précisé en outre que le personnel des conseils généraux pouvait être intégré progressivement au personnel de la région. Quant à René Dosière, député apparenté PS, la réduction du mille-feuille administratif et le regroupement des communes et des intercommunalités permettraient d’économiser 15 milliards d’euros !
Trop d'intermédiaires entre le citoyen et la puissance publique renchérissent fortement les budgets de fonctionnement mais induisent aussi une difficulté de compréhension du système par les Français. La région devrait, depuis longtemps, se voir dévolue toutes les compétences exercées par le conseil général, des permanences et points relais de la région pouvant être installés dans chaque territoire départemental, à l'image de toutes les structures ou entreprises régionales, et ce pour répondre au problème de la proximité avec les citoyens.
Il faut préciser également que quand on parle de suppression du département, il s’agit surtout du Conseil général, des cantons et des conseillers généraux. Le département peut très bien continuer à exister en tant que territoire géographique, par exemple pour devenir une circonscription électorale servant à l'élection des conseillers régionaux, élus du territoire départemental pour siéger au Conseil Régional.
Mais jusqu’à présent, trop nombreux sont les élus, parmi les 601 100 au total, qui font de la résistance et bloquent en fait toute évolution. Le lobby des présidents de Conseils Généraux est puissant et dispose de plusieurs relais, notamment au Sénat où Gauche et Droite se sont entendues pour que les conseillers généraux conservent le plus longtemps possible leurs prérogatives et les petits avantages qui vont avec…
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