10 mai 2013

Non au grand marché transatlantique de libre-échange en 2015 !

L’océan Atlantique est l'un des cinq grands océans de la TerreA quelques semaines d’intervalle, les Etats-Unis et l’Union européenne viennent d’annoncer le lancement de négociations en vue de créer la plus grande zone de « libre-échange » au monde.

Lancé sans publicité ni débat, ce projet d'accord pose des questions d’ordre démocratique, politique, éthique et social qui ne sont pas sans rappeler d’autres accords antérieurs comme l’accord multilatéral sur les Investissements (AMI) négocié depuis 1995, en secret, au sein de l’OCDE et qui avait échoué dès que l’opinion publique en avait pris connaissance ou la directive services appelée aussi «directive Bolkestein», votée une première fois en 2003, mais qui fit, elle aussi, l’objet de vives protestations.

Selon le credo officiel, si les barrières non tarifaires au commerce tombent, l’expansion des affaires qui en résulterait serait tout bénéfice pour les entreprises et les consommateurs, tout en protégeant nos industries face à leurs concurrents étrangers. Mais l’actualité dément avec une intensité croissante les bienfaits à attendre du « libre-échange »… 



Crise budgétaire de la zone euro, délocalisations d’entreprises, fermeture de sites sidérurgiques, crise des prothèses mammaires PIP, viande de bœuf chevaline, etc... Depuis plusieurs années, la crise est partout, revêtant de multiples dimensions : financière, budgétaire, écologique, humanitaire mais aussi démocratique et sécuritaire…

De la Grèce à l’Espagne, l’Europe ressemble à un avion qui aurait perdu ses ailes et percuté le sol : partout, il est question d’austérité, de modération salariale, de maintien de la compétitivité via une organisation plus flexible du travail… 

Ajoutons à ces constats la poursuite à la hausse des émissions de CO2, pourtant censées être réduites afin d’éviter une crise climatique et l’on conviendra que le monde traverse une période particulièrement trouble et difficile.

Evidemment, quand un avion se crashe, après la recherche d’éventuels survivants, la priorité des enquêteurs est de comprendre les causes de l’accident, en analysant le contenu des boîtes noires qui retracent le vol de l’appareil. Mais rien de tel avec les multiples crises que traversent nos sociétés ! Pourtant, la « boîte noire » des crises existe bel et bien...

Que dit la boîte noire ?


Toutes les crises évoquées ont un point commun : le libre-échange. Ainsi, la crise financière a précédé la crise budgétaire. Et la crise financière des subprimes a elle-même été précédée d’importantes décisions politiques, comme la dérégulation bancaire (aux Etats-Unis) et la totale liberté offerte aux mouvements de capitaux (spéculatifs comme non spéculatifs) en Europe. 

De même, la création d’un marché basé sur la « libre-circulation des biens, des services et des entreprises » a multiplié le recours à la sous-traitance et les intermédiaires marchands (donnant lieu au récent scandale de la viande de bœuf chevaline) et favorisé les fusions-acquisitions d’entreprises. 

Ce qui a contribué à mettre la sidérurgie liégeoise entre les mains d’Arcelor Mittal, une entreprise voyou qui était membre, en 2011, du Transatlantic Policy Network : un lobby associant de puissantes multinationales (comme Bayer, Citigroup, Coca-Cola, Microsoft, Nestlé, Time Warner, Unilever, Walt Disney Company…) et des élus politiques (dont environ 8% des membres du Parlement européen) et qui est à l’origine de l’actuelle volonté de créer un marché transatlantique.

Mais qui se souvient qu’à chacune des décisions politiques passées, en faveur du « libre-échange », le même discours se répétait inlassablement ? En « libéralisant » les échanges marchands, en diminuant les « charges » pesant sur les entreprises, on allait favoriser l’activité économique, l’emploi, et partant, la richesse de tout un chacun.

Vingt ans plus tard, le constat est amer : dans le secteur bancaire, le « dynamisme » de la gestion privée a créé des produits financiers toxiques et fait exploser une énorme bulle spéculative en 2007-2008. Au bord de la banqueroute, les banques ont fait appel à l’argent public pour se sauver, aggravant grandement les déficits publics (qui ne posaient jusqu’alors aucun problème de solvabilité). Dans la foulée, s’est mise en place une gouvernance économique confiant d’importantes décisions (notamment budgétaires) à des instances non élues, comme la Banque centrale européenne ou la Commission européenne, lesquelles imposent une austérité carabinée aux populations.

Pour leur part, les multinationales ont gagné le droit de mettre en concurrence les législations sociales et fiscales des différents pays. Elles ont abusé de la situation pour obtenir des rabais fiscaux (les intérêts notionnels n’en sont qu’un exemple) et se mettre en quête de zones de production à bas salaires. Dans leur soif de délocalisations, elles ont fait croître le chômage, précarisé l’emploi restant et aggravé l’ampleur du problème climatique, vu les milliers de kilomètres de transport que les entreprises font aujourd’hui parcourir à leurs produits.

Forts de ces constats et des logiques technocratiques marchandes qui dominent nos sociétés, il convient de s’opposer vigoureusement à un accord de « libre-échange » avec les Etats-Unis ainsi qu’au renforcement (européen et transatlantique) des législations liberticides. Adoptées au nom de la lutte contre le terrorisme, ces législations criminalisent de plus en plus souvent les mouvements sociaux, notamment en Espagne, mais aussi en Belgique avec l’adoption récente d’une loi, arbitraire et floue, visant à réprimer les « incitations à commettre des actes terroristes ».

Pour sortir des crises actuelles, un renforcement de la démocratie est nécessaire, ce qui passe par un renforcement des politiques de solidarité et un encadrement beaucoup plus strict des activités des multinationales, et non par la fuite en avant vers des accords de « libre-échange » visant à accroître la compétitivité mondiale et renforcer les libertés des firmes multinationales échappant au contrôle démocratique…





Premiers signataires :

Geneviève Azam, Thierry Bodson, Jean Bricmont, Ricardo Cherenti, Jean Cornil, Annick Coupé, Philippe Defeyt, Céline Delforge, Anne Dirix, Pierre Eyben, Paul Galand, Pierre Galand, Jacques Généreux, Myriam Gérard, Corinne Gobin, José Gotovitch, Sophie Heine, Michel Husson, Raoul-Marc Jennar, Jean-Marie Klinkenberg, Jean-Pascal Labille, Caroline Lamarche, Bruno Leprince, Jean-Luc Mélenchon, Marc-Emmanuel Mélon, Laurent Pirnay, Bruno Poncelet, Yanic Samzun, Denis Stokkink, Thomas de Thier, Philippe Van Muylder, Micha Wald, Bernard Wesphael, Francis Wurtz...



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