Après
le veau aux hormones, la vache folle, la grippe porcine, le poulet à la
dioxine, après le panga, poisson nourri avec des déchets de sous-produits
végétaux et des cadavres de poissons déshydratés, le saumon mutant, premier
animal transgénique proposé à la consommation, voilà le cheval qui a pris la
place du bœuf dans les plats cuisinés.
Si
cette dernière affaire est une fraude géante organisée par des mafias à
l’échelle européenne en vue de réaliser rapidement des superprofits, elle
occulte cependant le problème essentiel qui est celui des conditions d’élevage
des animaux et de la qualité finale des produits vendus…
Que
nous fait-on manger, de gré ou de force ? Que contiennent en réalité les
viandes et les poissons d’élevage ? Pour répondre à ces questions, il est
bon de se référer à deux études récentes.
La
première, publiée en 2011, montre la présence dans le lait de vache, de chèvre
ou d'humain, d'anti-inflammatoires, de bêtabloquants, d'hormones et bien sûr
d'antibiotiques. Le lait de vache est celui qui contient le plus grand nombre
de molécules.
La
seconde, qui date de 2012, est encore plus intéressante. Une équipe de
chercheurs a mis au point une technique de détection des résidus dans
l'alimentation, en s'appuyant sur la chromatographie et la spectrométrie de
masse. Analysant des petits pots pour bébés contenant de la viande, ces
chercheurs ont découvert des antibiotiques destinés aux animaux, comme la
tilmicosine ou la spiramycine, mais aussi des antiparasitaires, comme le
levamisole ou encore des fongicides.
L’incroyable pharmacopée destinée aux animaux d'élevage
En
France, on estime que 99,5 % du cheptel est élevé dans des conditions industrielles.
Il y a évidemment des différences entre les espèces et les régions, mais le
système industriel concerne presque la totalité des animaux destinés à la
boucherie. Reste la viande bio et quelques races locales traitées à l’ancienne
qui échappent à ces règles.
Dans
le scandale de la viande de cheval en cours, les projecteurs ont été braqués
sur le remplacement frauduleux du bœuf par du cheval mais pas un mot, dans les
enquêtes journalistiques, de la phénylbutazone. Or, cet anti-inflammatoire a été
retrouvé dans des carcasses de chevaux exportés vers la France…
La
phénylbutazone est un produit dangereux, interdit dans toute viande destinée à
la consommation humaine. Comme certains éléments permettent de l'envisager, il
ne s’agit pas d’une pratique isolée mais d'une pratique généralisée et tolérée
par les autorités de contrôle et la commission de Bruxelles.
Et nul
besoin d'une vaste enquête pour avoir une idée de l'impressionnante pharmacopée
destinée aux animaux d'élevage. La liste des produits autorisés contient de
nombreux douvicides (contre des vers parasites), anticoccidiens (parasites de
l'intestin), anthelminthiques (vermifuges), hormones, vaccins, neuroleptiques
et antibiotiques.
Sait-on
comment l'oxytétracycline se mélange avec la gonadolibérine chez un poulet ?
Comment le flubendazole se marie avec l'azapérone et les prostaglandines PGF2
dans la chair d'un porc ? Comment le thiabendazole agit avec le diazinon ou le
décoquinate dans le sang d'une bonne vache charolaise ?
Aucune
étude nationale ou européenne sur les effets de synergie de ces produits n'a
été menée. Cependant, le 3 août 2012, la revue PloS One a publié un travail sur
les effets combinés de trois fongicides très employés dans l'agriculture. Il a
été établi que leur association provoque des effets inattendus sur les cellules
de notre système nerveux central. Des effets insoupçonnés, éventuellement
cancérigènes, pouvant ouvrir la voie à des maladies neurodégénératives comme la
maladie de Parkinson, la sclérose en plaques ou Alzheimer.
Toutes les choses sont poison…
Aujourd'hui
encore, le principe de base de la toxicologie est le Noael (No observed adverse
effect level), ou dose sans effet toxique observable. Longtemps avant,
Paracelse – un alchimiste du XVIe siècle – résumait à sa façon le paradigme
actuel de la toxicologie : "Toutes les choses sont poison, et rien n'est
sans poison ; seule la dose fait qu'une chose n'est pas un poison."
Mais
depuis, la connaissance a bousculé les idées en apparence les plus solides. Le
lourd dossier des perturbateurs endocriniens est venu rebattre les cartes de
manière spectaculaire. En deux mots, ces substances chimiques imitent les
hormones naturelles et désorientent des fonctions essentielles du corps humain,
comme la reproduction ou la différenciation sexuelle.
Les
perturbateurs agissent à des doses si faibles que l'Agence nationale de
sécurité sanitaire (Anses) a pu conclure, dans un rapport de 2011, que les
effets de l'un d'eux, le bisphénol A, étaient avérés même à "des doses
notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins
réglementaires".
Mais
quel peut bien être le rapport entre le bisphénol et cette fraude à la viande
de cheval ? C'est très simple : nul ne sait ce que contient
réellement la viande industrielle et personne ne veut le savoir !
En
France, le ministère de l'agriculture a bien lancé fin 2011 un plan de
réduction "de 25 % en cinq ans de la consommation des antibiotiques
destinés aux animaux". Mais comme les nouveaux produits sont actifs
à des doses plus faibles, la situation s'aggrave alors que l'antibiorésistance
a été repérée dès avant la seconde guerre mondiale.
Après
un temps assez court en effet, les bactéries combattues par un antibiotique
mutent. Ainsi de la molécule de tétracycline, ainsi du tristement célèbre
staphylocoque doré, dont plusieurs souches résistantes ont donné diverses
lignées de SARM (staphylocoque doré résistant à la méticilline).
Le
SARM joue aussi un rôle fondamental dans les infections nosocomiales, celles
qui surviennent dans les hôpitaux. Bien que des chiffres indiscutables
n'existent pas, on pense que les trois quarts des 7 000 à 10 000 décès annuels
de ce type en France sont le fait de bactéries résistantes aux antibiotiques,
au tout premier rang desquelles le SARM.
Des
chiffres officiels américains font même état de 19 000 morts dans ce pays en
2005, soit davantage que le sida ! L'enjeu de santé publique est donc
considérable et il n'est pas exagéré de parler d'une maladie émergente, dont
l'évolution demeure imprévisible.
Fait
inquiétant, le SARM animal est de plus en plus présent dans les infections
humaines, et une étude néerlandaise de 2005 établit que les producteurs de
porcs notamment sont 760 fois plus touchés que la population générale.
Aujourd’hui,
laisser flamber le SARM dans les élevages est autrement plus grave que le tour
de passe-passe réalisé autour de la viande de cheval. Les fraudes et les crises
sanitaires se succèdent mais à part des mesurettes prises dans la précipitation
(retrait des produits incriminés, abattages de troupeaux, embargos), les
pouvoirs publics ne font rien qui soit utile à long terme.
François
Hollande vient d’expliquer récemment sur Canal + qu’il fallait des contrôles
mais pas plus ! A la question : Vous allez augmenter les contrôles sur
l’agro-alimentaire ? Le Président a répondu : « les contrôles, ils ont permis
déjà de détecter la fraude et ils se feront sans qu’il soit besoin de les
multiplier d’avantage mais ils se feront. Et je pense que la leçon a été tirée.
Il faut des contrôles ».
Mais
jusqu’à preuve du contraire ce sont les Anglais et Findus qui ont détecté début
février ce scandale et non la Répression des Fraudes en France qui a d’ailleurs
été décimée par la RGPP et 10 ans de droite. Voilà donc déjà une erreur
factuelle doublée d’une autre erreur grave : « il n’est pas
nécessaire d’en faire plus » alors que cette affaire est une fraude de
grande ampleur à l’échelle européenne…
Et
l’UE brille une nouvelle fois par son immobilisme au nom du « tout
marchand » et n’ose pas ouvrir le dossier infernal de l'élevage industriel
et de la folie des antibiotiques. Pire, la commission européenne vient
d’annoncer que les poissons d’élevage pourraient à nouveau être nourris avec
des farines de porc et de volailles à compter du 1er juin prochain…
Merci
à notre ami Fabrice Nicolino
pour son aide documentaire
Photo
Creative Commons
Lire
toutes les infos du blog :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire