Le 1er
mai dernier, les trois principales centrales syndicales ont manifesté
séparément à Paris : CGT et FO défilant chacune de leur côté, la CFDT se
contentant d’inventer un festival « jeunes » (Working Time Festival)
interdit aux jeunes de plus 35 ans et réunissant seulement 2000
personnes.
Avec
ses divisions historiques, confessionnelles ou datant de la guerre froide,
cette situation est d'autant plus dommageable pour les salariés qu'elle
persiste dans une économie en crise grave…
Sur Europe 1, il y a quelques jours, l’ancien secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a estimé que " le syndicalisme français pâtit à la fois de sa division et de la multiplication de ses acteurs ". Une dispersion qui " affaiblit le message syndical ". " A ceux qui pensaient qu'en multipliant les syndicats, on allait favoriser le taux d'adhésion aux syndicats, la démonstration inverse est en train de se faire ".
Cette
prise de conscience, bien tardive, n’est cependant pas dénuée de bon sens. Un
sondage récent confirme en effet que les syndicats n'ont plus la cote depuis
longtemps chez les salariés. Pour sept Français sur dix, ils ne sont pas
représentatifs. Depuis trente ans, le nombre de salariés syndiqués a été divisé
par deux et aujourd'hui, seulement 7,7 % de la population active fait partie
d'un syndicat.
Ce
faible taux de syndicalisation s’explique aussi quelquefois par la peur
de représailles ou de freins au déroulement de carrière dans l'entreprise quand
on est adhérent ou militant syndical, d’autant plus sensibles dans les petites
entreprises et en période de chômage et de précarité.
Malgré
les chiffres officiels communiqués par les différentes confédérations et l'idée
d'une resyndicalisation lancée régulièrement pas les leaders syndicaux, les
syndicats continuent donc à perdre des adhérents, notamment dans les secteurs
de l’agro-alimentaire, l’enseignement privé, la confection-cuir-textile, le
bâtiment, l’industrie du bois ou les commerces et services. Seuls les
«bastions syndicaux» semblent conserver une présence syndicale significative :
l'Éducation nationale (24 % de syndiqués), la RATP (18 %) ou La Poste-France
Télécom (18 %).
En ce
qui concerne les effectifs globaux nationaux, ils sont sensiblement inférieurs
à ceux revendiqués par les différentes confédérations, selon deux
universitaires spécialistes du monde syndical français, Dominique Andolfatto et
Dominique Labbé :
- CGT : 525 000 (au lieu des 694 000 revendiqués)
- CFDT : 450 000 (868 000)
- FO : 310 000 (500 000)
- UNSA : 135 000 (360 000) FSU : 120 000 (171 000)
- CFTC : 95 000 (142 000)
- CFE-CGC : 80 000 (160 000)
- SUD : 80 000 (110 000)
Soit
un nombre total d'adhérents d'environ 1 800 000 pour toutes les
organisations syndicales et encore ce nombre semble très optimiste car il
faudrait pouvoir comptabiliser rigoureusement, au titre d'une année civile, un
adhérent pour 12 cotisations syndicales mensuelles effectivement payées...
Quand
on sait que la CGT, en 1948, comptait à elle seule 4 000 000
d’adhérents, que la seule Fédération allemande de la Métallurgie IG Mettal
compte actuellement 2,4 millions d’adhérents ou que la Suède compte aujourd'hui
2,7 millions de syndiqués pour une population active de 4,5 millions de
personnes, on mesure la faiblesse et le recul syndical dans notre pays.
Si la
division syndicale règne sur le territoire national, les centrales CGT, CFDT,
FO et CFTC sont tout de même membres de la Confédération Syndicale
Internationale (CSI) en vue de l’élaboration de revendications et surtout de
propositions d'actions européennes ou mondiales. Mais malgré ces rapprochements
au sein de la CSI, le mouvement syndical français a enregistré un retard
considérable sur la nécessité de s’unir pour faire face notamment au
développement de la mondialisation.
Aucune
des trois principales organisations CGT, CFDT et FO ne semble vouloir
contribuer à une nouvelle donne en France, donnant naissance à une nouvelle
confédération syndicale unifiée. Quant aux autres centrales, elles restent
marquées par de fortes spécificités (la défense de l’encadrement uniquement
pour la CFE-CGC, la référence à la chrétienté pour la CFTC ou la forte tonalité
catégorielle pour l’UNSA) et n'entendent aucunement se remettre en cause.
Pourtant,
une, voire deux confédérations syndicales permettrait de peser davantage auprès
des pouvoirs publics et de redorer le blason d'un syndicalisme dans un monde où
les décisions se prennent souvent à un autre niveau : dans les conseils
d'administration des multinationales ou des organismes supranationaux, tels que
le FMI, la Banque mondiale, l'OMC ou la Commission européenne.
Et si
l’on admet que la vocation du syndicalisme est de défendre avant tout les
intérêts des salariés à l'intérieur d'un espace de démocratie, il devrait y
avoir la place, même dans une seule confédération syndicale, pour les diverses
opinions pouvant exister, y compris celles défendant strictement les intérêts
catégoriels comme ceux des cadres.
Mais
en matière de syndicalisme, comme en politique ou dans la haute fonction
publique, le conservatisme est souvent de mise lorsqu’il permet de rester bien
au chaud dans son petit nid douillet (quelquefois hors de prix...) avec voiture
de fonction et chauffeur, entouré de permanents fonctionnarisés, le tout
financé par des cotisations syndicales, des financements publics ou de
directions d'entreprise...
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