Le
prochain congrès du Parti Socialiste des 5, 6 et 7 juin devra trancher entre
quatre motions dont les deux principales : celle du premier secrétaire,
résolument démocrate, qui soutient les réformes du gouvernement et celle de
l’aile gauche qui refuse d'abandonner son objectif de toujours, le progrès
social.
Mais entre Jean-Christophe Cambadélis rejoint
par Martine Aubry d'un côté et les frondeurs de l'autre, ce congrès risque
d’être un nouvel épisode démontrant la faiblesse de la réflexion dans la
majorité gouvernementale…
Après
les départs récents d’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon du gouvernement, les
critiques récurrentes de Martine Aubry et des frondeurs depuis le début du
quinquennat de François Hollande, on pouvait penser que le prochain congrès du
PS serait l’occasion d’un débat clair sur la ligne de la majorité, la relative
austérité, l’absence cruelle de réforme fiscale, la monnaie unique, le
libre-échange anarchique ou les insuffisances notoires de l’Union Européenne.
Après
plusieurs défaites électorales, la fronde d’une partie des élus socialistes
pouvait aussi entretenir l’idée qu’un vrai débat avait une chance d’éclore, au
moins partiellement, mais ce congrès aura lieu notamment après que le gouvernement
ait lancé une partie des chantiers de la loi Macron, privatisé l'aéroport de
Toulouse, soldé Alstom au géant américano-canadien Général Electric (GE),
laissé vendre les Transports Norbert Dentressangle, l’une des plus importantes
entreprises françaises, au groupe américain XPO Logistics, signes
révélateurs entre autres de la politique de François Hollande.
Le
projet de loi Macron en particulier est guidé par une logique de
déréglementation généralisée : extension du travail le dimanche de surcroît
sans obligation légale de majoration salariale, dépénalisation du délit
d’entrave, processus de privatisation dans tous les secteurs économiques,
notamment les aéroports, permission donnée aux hôpitaux publics de créer des
filiales à l’étranger, c’est-à-dire à se comporter comme des entreprises
privées, etc.
L’ABCD du congrès
Quatre
motions sont déposées en vue du congrès de Poitiers :
Motion
A. Ses partisans soutiennent largement les choix politiques de François
Hollande qui ne sont que les descendants directs de ceux des décennies
précédentes. D’un côté, des réformes sociétales avant tout, le Président venant
encore d’évoquer récemment les modalités de fin de vie des personnes âgées ou
le vote des étrangers aux élections locales, et de l’autre l’absence de vraies
réformes économiques et sociales, voire le vote de « réformes » que
la droite n’avait pas osé faire jusqu’alors !
Jean-Christophe
Cambadélis, Manuel Valls et Martine Aubry appellent en fait à une rénovation
socialiste pour ne pas avouer clairement qu’ils ont déjà franchi une étape
supplémentaire en devenant démocrates à l’américaine comme Bill Clinton ou
Barak Obama, Tony Blair en Angleterre, Gerhard Schröder en Allemagne et tous
les autres apôtres de « la troisième voie ».
Motion
B. Elle réunit différents courants de gauche autour de Christian Paul et
d'autres socialistes comme Laurence Rossignol, Pervenche Berès ou Pouria
Amirshahi. Leur réflexion tourne autour de trois axes : le nouveau modèle
de développement, la lutte contre les fractures territoriales et l'innovation
démocratique en France et en Europe. Quant à Benoît Hamon et Arnaud Montebourg,
privés des ors des ministères, ils ont préféré agir dans le sillage de
Christian Paul qui vient déjà, il y a quelques jours sur i Télé, d’accuser
Jean-Christophe Cambadélis de verrouiller le congrès de Poitiers…
Motion
C. Ses signataires prônent une nouvelle vision politique passant par
l’ouverture d’un chantier avec 117 propositions, ressemblant souvent à des
souhaits assez généralistes, en vue d'un nouveau pacte citoyen et républicain.
Motion
D. Le comble du ridicule est sans doute atteint par cette motion portée par
Karine Berger, une des « têtes pensantes » des socialistes en matière
économique qui dit vouloir renouveler son parti tout en trouvant que la motion
des frondeurs va trop loin dans la critique du gouvernement. La Fabrique qui
est le nom de cette motion surprise, c’est celle du NiNi, ni pour, ni
contre, ni pour les frondeurs, ni contre l'exécutif. Et inversement !
Quelles sont les différences notables entre Karine Berger et la ligne suivie
par le gouvernement ? Le JDD note avec ironie que « pour l’heure,
cette motion se définit essentiellement par ce qu’elle n’est pas »...
Finalement,
on peut se demander si le gouvernement et la direction du PS ne sont pas
satisfaits d’avoir au moins une motion qui permet de récupérer une partie des
mécontents, tout en les gardant dans un périmètre moins frondeur. D’une façon
générale, pour les principaux signataires des motions B, C et D, il y a surtout
la satisfaction d’obtenir un peu de lumière médiatique mais le débat reste un
peu dérisoire et même égoïste.
Dérisoire
car on voit bien que depuis plus de trente ans, la critique de la ligne
eurolibérale du PS ne change rien à la politique suivie par les gouvernements
de gauche. C’est la raison pour laquelle J.P. Chevènement puis J.L. Mélenchon
ont quitté le PS.
Egoïste
car les motions assurent aux « frondeurs », en plus d’une certaine
notoriété, quelques postes dans la direction du parti ainsi qu'un quota de
places éligibles pour leur courant aux différentes élections. On peut même
s’interroger pour savoir si certains d'entre eux n’ont pas adopté cette posture
en pensant qu’elle leur permettrait de se faire réélire plus facilement lors
des prochaines élections, face au désastre électoral qui s’annonce pour le PS.
C’est le cas notamment de Benoît Hamon, qui, quelques mois seulement après sa
nomination en tant que Ministre de l’Education Nationale par Manuel Valls,
s’est subitement aperçu que le nouveau Premier Ministre mettait le cap à
droite, et ce après l’avoir soutenu contre le maintien de Jean-Marc Ayrault !
C’est
pourquoi le prochain congrès socialiste sera sans doute un nouvel exercice de
synthèse hollandaise où tout le monde pourra y trouver son bonheur et un moyen
de montrer que le PS peut rassembler au-delà de sa ligne eurolibérale en ne
faisant pas fuir ceux qui la rejettent, que ce soit volontaire ou non…
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Motion A : Le Renouveau Socialiste, présentée par Jean-Christophe
Cambadélis
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Motion B : A gauche, pour gagner, présentée par Christian Paul
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Motion C : Oser un nouveau pacte citoyen et républicain, présentée par
Florence
Augier
et Louis-Mohamed Seye
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Motion D : La Fabrique, présentée par Karine Berger
Photo
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