03 juillet 2016

Glyphosate : la Commission européenne prolonge l'autorisation de vente...

Herbicide produit par Monsanto
En raison officiellement du Brexit, la Commission européenne a décidé de reporter sa décision sur l’interdiction du glyphosate, le temps d’attendre un nouvel avis scientifique qui viendrait de l’Agence européenne des produits chimiques.

Votes sans cesse décalés, lobbyings intenses de la part des industriels, tergiversations des gouvernements, ont permis à Monsanto, qui produit cet herbicide, de faire une nouvelle bonne affaire…


L’histoire du glyphosate a commencé en 1950. Un chimiste suisse, Henri Martin, synthétise pour la première fois le glyphosate, une molécule répondant au doux nom de N-phosphonomethyl-glycine. Il travaille pour le laboratoire pharmaceutique Cliag, mais il ne trouve alors aucune application concluante pour sa découverte.

Vingt ans plus tard, John Franz, chimiste lui aussi, cherche à créer un herbicide puissant pour son entreprise missourienne, Monsanto. Il découvre que le glyphosate tue les plantes en bloquant un enzyme dont elles ont besoin pour fabriquer des protéines. C’est ce qu’on appelle « un herbicide systémique à large spectre ». Le glyphosate est alors breveté sous le nom commercial de Roundup. Dès 1974, il est commercialisé en Malaisie pour la culture de l’hévéa puis au Royaume-Uni pour celle du blé.

Facile à utiliser et redoutablement efficace, le glyphosate rencontre très vite un succès commercial. Les agriculteurs l’épandent pour « nettoyer » les champs des mauvaises herbes avant les semences ou avant la levée des semences. On l’emploie aussi dans les jardins, les parcs, les espaces publics et sur les voies ferrées. Bref, il devient l’un des herbicides les plus utilisés au monde. Pour ses « bienfaits », John Franz reçoit d’ailleurs en 1987 la Médaille nationale de la technologie des États-Unis.

Mais le vrai boom intervient à la fin des années 1990. Monsanto développe alors des organismes génétiquement modifiés (OGM) rendus tolérants au Roundup. À partir de 1996, la firme commercialise des cultures Roundup Ready (maïs, soja). Résultat, en 2013, ces dernières représentent 63 % du total des plantes transgéniques commercialisées. Avec l’expiration du brevet de Monsanto en 2000, une quarantaine de sociétés vendent désormais des produits à base de glyphosate. En 2011, pas moins de 650.000 tonnes de l’herbicide ont été pulvérisées dans le monde.

Au cours des années 2000, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer la nocivité de la substance sur l’environnement comme sur la santé. De l’Amérique latine à l’Europe, les preuves scientifiques pleuvent. En 2012, l’étude du professeur Gilles-Éric Séralini sur la toxicité à long-terme du Roundup fait grand bruit.

Et en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui dépend de l’OMS, classe le glyphosate parmi les cancérogènes probables pour l’homme. Un avis qui secoue les autorités sanitaires. Quelques mois plus tard, l’Agence européenne de sécurité des aliments (Aesa) remet en cause l’évaluation du Circ, arguant que « les éléments disponibles ne permettent pas sa classification comme cancérogène probable ». L’Agence française (Anses) se range quant à elle à l’avis de l’OMS. Dans la foulée, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, demande dès le 4 mars 2016 une interdiction de l’herbicide au niveau européen.

Pour être vendu en Europe, il doit bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché. Or, celle qu’il a obtenue en 2002 expire au 30 juin 2016. La date fatidique approche, mais les autorités européennes semblent incapables de prendre une décision.

La vingtaine d’États en faveur du prolongement de l’autorisation se heurtent aux réticences très fortes de l’Allemagne, de l’Italie, de la Grèce, de l’Autriche, de Malte, du Portugal et de la France. Le 20 juin dernier, l’agence de sécurité sanitaire française (Anses) a d’ailleurs décidé de retirer les autorisations de mises sur le marché de 132 produits associant le glyphosate.

Les Etats européens se déchirant à nouveau sur la question de l’interdiction de cette molécule, la Commission européenne a annoncé prolonger pour une période de 18 mois, l'autorisation du glyphosate dans l'UE. Le comité d’experts représentant les États membres devra de nouveau se prononcer sur l’avenir de l’herbicide…


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