Après
quarante ans de tergiversations, l'État a tranché. Edouard Philippe a annoncé
ce mercredi, à l'issue du conseil des ministres, l'abandon du projet contesté
de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique.
Ce
projet était devenu le symbole d’un monde en crise profonde : accaparement
et bétonnage des terres, destruction du bocage, des zones humides et de la
biodiversité, le tout orchestré au profit d’une multinationale, Vinci, devenue
grand aménageur et assurant la confusion entre intérêts publics et privés…
« Le
gouvernement a pris sa décision. Les conditions ne sont pas réunies pour mener
à bien le projet. Un tel projet ne peut se faire dans un contexte d'opposition
exacerbée entre deux parties presque égales de la population », a annoncé le
Premier ministre Edouard Philippe. « Le projet sera donc abandonné. Cette
décision est logique au regard de l'impasse dans laquelle se trouve le dossier
».
«
L'aérogare sera modernisée et les abords de pistes seront élargis pour
permettre à l'aéroport d'accueillir plus de passagers ». Le développement de
l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques sera également accéléré : « Pour les
long-courriers, l'enjeu pour les Rennais et les Nantais, c'est de rallier
directement les grands aéroports parisiens. Les liaisons directes seront
fluidifiées ».
On ne
peut que saluer, pour une fois, la décision du gouvernement d’Emmanuel
Macron, prise contre l'avis des Républicains, de l'UDI, du PS et du
PC. Projeté dès 1963, hors crise énergétique, hors crise climatique,
hors crise alimentaire, hors crise financière, hors développement d’autres moyens
de transport internes que l’avion, ce projet d'aéroport était en effet :
Inutile
: alors que l'aéroport actuel de Nantes Métropole voit son trafic stagner
depuis de nombreuses années, la construction d'un nouvel aéroport ne se
justifiait pas. Les promoteurs de ce projet espéraient voir le trafic aérien
doubler mais comme d'habitude, les hypothèses de trafic ont été surévaluées et
ont servi à justifier un projet inutile. La prévision d’un trafic à 9
millions de passagers, seuil de saturation reconnu, ne se réaliserait qu’à
l’horizon 2040 et non en 2030 comme l’affirment les partisans de NDDL. Ce
projet était d'autant plus inacceptable qu'il y a déjà un aéroport à Nantes, un
à Rennes, un à Angers et un à Saint-Nazaire. Quant au référendum, organisé en
2016 par François Hollande, il n’a été qu’une parodie de démocratie dans la
mesure où il concernait curieusement qu'un seul département, la Loire
atlantique (55,17% de Oui mais seulement 51% de votants), alors que la
consultation aurait dû être régionale, voire nationale.
Nuisible
: ce projet aurait infligé des nuisances graves à plus de 80 000 habitants
de la banlieue nord de Nantes. Les diverses structures de raccordement
nécessaires (routes, voies ferrées, pont sur la Loire) auraient causé également
des nuisances à des milliers d'autres personnes, sans compter les problèmes
graves liés aux expropriations nécessaires.
Coûteux
: alors que les partenariats publics/privés se soldent systématiquement dans
tous les pays du monde par une privatisation des bénéfices et une
nationalisation des pertes, ce projet avait un coût
colossal qui aurait pesé lourdement sur les impôts des habitants
du département. Selon Vinci, en 2010, l’aéroport de NDDL devait coûter 561
millions d’euros, dont 43% aux frais de l’Etat et des collectivités
locales. Mais l’ardoise, très sous-estimée, ne tenait pas compte des
travaux d’aménagement supplémentaires à prévoir, le tram-train et les routes de
desserte, faisant monter la facture à 920 millions d’euros.
Climaticide
: le trafic aérien représente entre 3 et 5% des émissions globales de gaz
à effet de serre. Chaque infrastructure supplémentaire crée donc un appel
d'air, incitant les usagers à utiliser l'avion plutôt que d'autres modes de
transport plus écologiques.
Dévastateur pour les
espèces animales protégées : le projet menaçait 1600 hectares de terres
agricoles bocagères d'une biodiversité exceptionnelle. Le secteur où devait
être transféré l'aéroport de Nantes est un bocage humide, avec des haies sur talus,
d'une grande rareté en France. Pendant plus de 50 ans, du fait du
projet d'aéroport, il a échappé à l'agriculture intensive, aux remembrements,
aux engrais. Des rivières y ont leurs sources. On y trouve des espèces
rares et menacées mais toutes ne figurent pas dans les inventaires du
dossier environnemental de l'aéroport. Ainsi le Triton de Blasius,
d’intérêt national, découvert par Arthur de l'Isle du Dréneuf, près de Nantes
en 1858, la musaraigne aquatique, très rare, ou encore la loutre qui est
pourtant protégée au niveau européen. Selon Loïc Marion, un chercheur CNRS en
écologie, à Rennes, six espèces rares et protégées par la loi ne sont pas
dans l’étude préalable. Pour les insectes, des naturalistes ont compté 600
espèces, alors que seulement 71 figurent dans les dossiers officiels. Un nombre
conséquent de plantes n’y est pas non plus.
Alors
que le dérèglement climatique est désormais incontestable, que le prix des
carburants ne cesse d’augmenter, que la destruction des écosystèmes s’accélère,
que l’artificialisation des terres agricoles se poursuit, il était
déraisonnable d’investir autant d’argent public pour aider une multinationale à
saccager notre environnement.
Aujourd'hui, au-delà
de Notre-Dame-des-Landes, le combat doit se poursuivre partout en France
pour éviter le gaspillage des terres, arrêter toutes les infrastructures
stimulant les émissions de gaz à effet de serre et renouer avec une agriculture
paysanne respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois…
Photo
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