Alors que les océans se vident progressivement de leurs poissons, les députés européens de la commission « pêche » viennent récemment de voter, par 23 voix contre 3, en faveur d'un nouveau développement de la pêche électrique.
Ce vote, dont on peine à croire qu’il est bien réel, est l’œuvre d’un intense travail de lobbying de la part des Pays-Bas, qui veulent favoriser leur industrie de pêche…
Le principe de la pêche électrique est assez simple : les filets sont équipés d'électrodes qui envoient du courant dans les sédiments afin de déloger les poissons plats qui y sont enfouis, tels que les soles ou les carrelets. En d’autres termes, cette technique permet aux « pêcheurs » de débusquer les derniers poissons qui auraient échappé à leurs filets, les traquant jusque dans leur seul repaire.
Pour l’association Robin des Bois, la pêche électrique se résume à un « taser pour les soles », ce poisson plat étant l’un des plus visés par cette technique.
Pour l’association Robin des Bois, la pêche électrique se résume à un « taser pour les soles », ce poisson plat étant l’un des plus visés par cette technique.
Une situation inacceptable
Avant ce vote, dans les faits, des dérogations à l’interdiction existaient déjà depuis 2007, autorisant seulement 5% des flottes de chalutiers à perche de chaque Etat membre de l’UE à pratiquer cette pêche, et seulement en Mer du Nord.
Les Néerlandais ont obtenu des dérogations mais celles-ci sont jugées excessives car l’Etat a accordé à ses navires 84 dérogations contre les 15 maximum qui auraient dû être délivrées. De plus, les navires néerlandais équipés de chaluts électriques emploient des tensions comprises entre 40 et 60 volts, alors que la loi les limite à 15 volts.
Hors-la-loi, la pêche néerlandaise qui utilise cette tension électrique a tout de même bénéficié de subventions publiques : 5,7 millions d’euros depuis le 1er août 2015, dont 3,8 millions d’euros du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, selon l’association Bloom.
Désormais après ce vote, le seuil de 5% pourrait être étendu à tous les « métiers » ou types de pêche, et non plus aux seuls chalutiers à perche, ce qui menace potentiellement d’autres espèces que la sole. Les députés européens ont également supprimé toute limitation à la Mer du Nord. Leur argument principal laisse songeur : les navires à impulsions électriques consommeraient moins de carburants que les autres. En somme, c’est pour préserver l’environnement qu’ils se sont prononcés pour passer les derniers poissons vivants à la chaise électrique !
De son côté, le commissariat européen aux affaires maritimes et à la pêche, dirigé par le Maltais Karmenu Vella, arguant des avis de conseils scientifiques, fait de cette pêche une pratique plus « écologique et économique » que la pêche au chalut traditionnel : « La Commission fait des propositions sur la base des avis scientifiques indépendants du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et du Comité scientifique technique et économique de la pêche (CSTEP). Ces deux conseils scientifiques ont (...) mis en évidence un nombre considérable d’avantages biologiques, écologiques et économiques de la pêche au chalut électrique par rapport à la pêche au chalut à perche traditionnel, du fait notamment des incidences négatives de cette dernière sur les fonds marins, et du niveau élevé de captures non désirées et d’émissions de CO2 qui lui sont associées. » !
Aujourd’hui, rappelle l’ONG Greenpeace, « au niveau mondial, 80 % des stocks de poissons commerciaux sont soit surexploités soit pleinement exploités. Pour les différentes espèces de thons, le cabillaud, l’espadon et les requins, la situation est encore pire. Il y a trop de bateaux et plus assez de poissons ».
« On est dans une situation totalement aberrante et inacceptable sur le fond dans laquelle 27 députés européens déterminent l’avenir des pêcheurs et des océans européens. Ils subissent, et acceptent, soyons honnêtes, le rouleau compresseur du lobbying industriel », déplore Claire Nouvian, présidente de l'association Bloom.
Les députés européens qui ont voté ce texte déterminent ainsi l’avenir des pêcheurs et des océans européens. Ils subissent et acceptent le rouleau compresseur du lobbying industriel, alors que la pêche électrique est interdite depuis 1998 dans d’autres pays comme les États-Unis, le Brésil ou la Chine.
Mais tout n’est peut-être pas joué car le dossier doit encore être examiné en séance plénière du Parlement européen et le vote final pourrait avoir lieu prochainement.
De son côté, Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a rappelé l’opposition de la France « à toute levée de l’interdiction de cette technique, au-delà de la dérogation limitée actuelle »...
" J'ai dû me diriger vers la côte anglaise là où l'électrocution n'est pas utilisée pour capturer du poisson. Il y a encore du poisson là-bas. Partout où la pêche électrique est utilisée, le poisson disparaît. Je pense que mon travail n'a plus d'avenir. "...
( Philippe Mahieu, pêcheur belge )
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