28 avril 2021

Taxer les plus riches : une nécessité pour lutter contre les inégalités !

Milliardaires
Depuis plus d'un an, la crise du Covid-19 est venue frapper une société déjà fracturée par des inégalités très grandes et en hausse depuis de nombreuses années. 

Tandis que les plus riches prospèrent - et continuent de s’enrichir -, les plus pauvres sont les grands perdants du quinquennat et les oubliés du plan de relance d'Emmanuel Macron... 

 

En France, les inégalités et la pauvreté sont reparties à la hausse avec la plus forte progression depuis 2010. Un million de personnes seraient tombées dans la pauvreté en France en 2020.

Un rapport de l’INSEE montre que parmi les ménages les plus pauvres, 35 % ont perçu une dégradation de leur situation financière. L’un des signes les plus graves est l’explosion de nombre de bénéficiaires à l’aide alimentaire qui comptait 8 millions de personnes à l’automne 2020, alors qu’ils étaient 5,5 millions avant la crise. 

Cette explosion de la pauvreté s’inscrit dans une tendance longue de mise sous pression du modèle social français. Et dans une note dévoilée par France Inter, Attac et Oxfam décortiquent le classement des milliardaires, publié début avril par le magazine Forbes. Entre mars 2020 et mars 2021, la fortune des milliardaires a battu tous les records :

  • la fortune des 20 personnes les plus riches de la planète a augmenté de 62 % ;
  • la fortune des milliardaires français a augmenté de 170 milliards d’euros, soit une hausse moyenne de 40% ;
  • parmi les 38 milliardaires que la France comptait en mars 2020, seulement 4 ont vu leur fortune légèrement baisser pendant la période, alors que 34 voyaient leur fortune augmenter ;
  • la France compte 4 milliardaires de plus, dont le fondateur du laboratoire Moderna ;
  • la fortune de Bernard Arnault (propriétaire de LVMH et 3e fortune mondiale) a presque doublé en un an, soit une hausse de 62 milliards d’euros ;
  • la fortune de Françoise Meyer-Bettencourt (héritière de L’Oréal et femme la plus riche du monde) a augmenté de 20,7 milliards d’euros.

De nombreuses voix s’élèvent et appellent à taxer davantage les grandes fortunes, y compris des milliardaires comme Bill Gates, Abigail Disney ou des collectifs de millionnaires comme Millionnaires for Humanity ou les Patriotic millionnaires. 

Le secrétaire général de l’ONU, le FMI, Joe Biden et même la banque d’affaire JP Morgan appellent aussi à une taxation des ultra-riches et des multinationales. Et plusieurs pays ont d’ores et déjà franchi le pas. Un impôt exceptionnel sur la fortune des milliardaires a été voté en Argentine, en Bolivie et en Nouvelle Zélande, et bientôt les Etats Unis où le Président Biden est en train d’initier une vraie révolution fiscale pour une plus grande justice sociale. 

Selon un sondage commandé par Millionaires for Humanity (avril 2021), près des deux tiers des Française-s sont favorables à mettre en place une taxe exceptionnelle sur les multimillionnaires pour répondre à la crise provoquée par la pandémie mais Emmanuel Macron ne semble pas prêt à prendre ce tournant historique.

L’urgence d’une profonde réforme de la fiscalité

La dernière réforme fiscale de 2017 a creusé les inégalités : la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et la création d’un impôt forfaitaire sur le capital (la flat tax) ont bénéficié aux 10 % les plus riches. Et outre la mise en place d'une taxe sur les ultra-riches, le gouvernement devrait aussi s’attaquer aux inégalités à la racine, en particulier dans deux domaines : 

L’évasion et le fraude fiscales

L’évasion fiscale crée un manque à gagner pour l’État et les services publics, faisant en fait 67 millions de victimes en France. Plutôt que de faire des coupes sombres dans les budgets sociaux, augmenter de 25% la CSG pour les retraités, baisser de 5 € le montant des APL, etc. pour réduire le déficit de l’Etat, le gouvernement devrait plutôt aller chercher l’argent dans les poches des évadés fiscaux qui ne paient pas leur juste part d’impôts :

  • les multinationales qui licencient et qui versent toujours plus de dividendes à leurs actionnaires, 
  • les spéculateurs qui nous menacent d’une nouvelle crise financière 
  • les pollueurs qui souillent la planète et empêchent la transition écologique

Selon le syndicat des finances publiques Solidaires, entre 60 et 80 milliards € de recettes fiscales sont perdues ainsi chaque année en France, du fait de la fraude fiscale, et 40 à 60 milliards € du fait de l'optimisation fiscale. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux. 

A l'échelle des 28 membres de l'Union européenne, « environ 1000 milliards d'euros sont perdus chaque année à cause de l'évasion et de la fraude fiscales » estime le Parlement européen. Rien que l'optimisation fiscale des entreprises coûterait entre 50 et 70 milliards d'euros aux citoyens européens.

Le manque de progressivité de l'impôt sur le revenu (IR)

- L’IR souffre depuis longtemps d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4 tranches d’imposition. Les taux marginaux sont bien passés de 14 à 11 % et de 41% à 45 % mais sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien au système fiscal qui reste toujours dégressif pour les plus hauts revenus : 

  • 10 085 € à 25 710 € : 11% 
  • 25 711 € à 73 516 € : 30%
  • 73 517 € à 158 122 € : 41%
  • > 158 122 € : 45% 

Le simple rétablissement des quatorze tranches telles qu’elles existaient au début des années 1980, au lieu des 4 tranches actuelles, permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures à celles rapportées chaque année (87 milliards € en 2019 représentant seulement 21 % des recettes de l'Etat...)

- L’IR est calculé en fonction du quotient familial (QF) qui est un mécanisme qui prend en compte la taille de la famille mais qui a pour défaut de subventionner davantage les familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant proportionnelle au revenu dans la limite d'un plafond. 

Que la France abandonne le QF, qui n’est plus appliqué en Europe que par le Luxembourg et la Suisse et qu’elle adopte un système de crédit d’impôt identique pour chaque enfant comme le font déjà la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et l’Allemagne, ne serait donc pas déraisonnable.

- Il est modulé aussi en fonction du quotient conjugal (QC) qui consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. La conséquence de ce système est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important. Pour un même revenu, ces couples sont ainsi avantagés au détriment des célibataires, des personnes séparées, des veufs et veuves ou encore des familles monoparentales qui doivent pourtant faire face à des dépenses de vie courante plus élevées qu'un couple.

Le coût de ce dernier avantage fiscal accordé aux couples aisés oscille entre 5,5 milliards € d'après le Trésor à 24 milliards € selon la Cour des comptes ! Cette dernière somme est énorme, d’autant plus que l'avantage retiré du QC n'est pas plafonné, contrairement au QF. Pour corriger ce système, la meilleure solution serait sa suppression pure et simple, les capacités contributives étant dès lors appréciées simplement en fonction des revenus réels des couples.

Alors que les milliardaires ont retrouvé leur fortune d’avant crise, alors qu’il pourrait falloir plus de 10 ans aux plus pauvres pour se relever des impacts de la crise de la Covid-19, alors qu'une réforme profonde de la fiscalité s'impose, Emmanuel Macron préfère racler le fond des poches des allocataires du chômage ou des retraités et préparer une énième cure d’austérité…


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