La question du pouvoir d'achat des salariés, aussi bien ceux du secteur public que privé, sera un des thèmes majeurs de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle 2022.
Les candidats potentiels déclarent tous être favorables à la défense du pouvoir d’achat et promettent tantôt l’ouverture de grandes négociations salariales, tantôt des coups de pouce salariaux ou des primes diverses, voire le doublement des salaires des enseignants, etc. mais ferment les yeux sur les mécanismes ayant conduit à une baisse du pouvoir d’achat généralisé depuis 40 ans…
Comme le rappelle régulièrement le centre de recherche et des coûts (CERC), un fort sentiment de baisse du niveau de vie prédomine depuis longtemps chez tous les salariés car la faible hausse des rémunérations est toujours largement inférieure à la perte nette due à l'augmentation des prix.
Si la hausse du revenu des ménages est toujours officiellement légèrement positive, c’est parce qu’elle concerne le revenu moyen des ménages qui n’est qu’une simple moyenne mathématique ne correspondant à aucune réalité socioprofessionnelle.
Les salariés du secteur privé
Cette régression du niveau de vie vient de loin. C’est en effet au début des années 80 que François Mitterrand et son ministre de l'Economie et des Finances, Jacques Delors, ont entamé le tournant de la rigueur en supprimant l’indexation automatique des salaires sur le taux d’inflation qui protégeait jusqu'alors les salariés. Ce fut un coup fatal particulièrement dramatique pour 40% d’entre eux déjà victimes du chômage total ou partiel, du temps de travail partiel subi, d’un déménagement pour cause professionnelle, etc.
A cette époque, le gouvernement bloqua dans la Fonction publique les rémunérations qui avaient suivi jusqu’ici l’évolution des prix. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à agir de même.
Les clauses d’indexation des rémunérations sur les prix furent ensuite retirées une à une des conventions collectives dans les années qui suivirent. Les lois Auroux réaffirmèrent leur interdiction dans le Code du Travail, article L.141-9 : « sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords. »
Et aujourd’hui, dans de nombreuses branches professionnelles, le salaire d’embauche est ainsi souvent inférieur au SMIC. Une prime dite « résorbable » est alors versée aux salariés concernés mais sans toucher aux revenus supérieurs au SMIC, cette pratique est responsable d’un tassement continue vers le bas !
Les fonctionnaires et agents du service public
Chaque fonctionnaire d’État, territorial ou hospitalier est rémunéré selon un poste, un grade et un échelon. Le grade et l'échelon déterminent le nombre de points d'indice auxquels le fonctionnaire peut prétendre. Pour connaitre le montant de son salaire de base brut, chaque fonctionnaire et personnel assimilé (vacataire, contractuel, etc.) multiplie la valeur du point d'indice par le nombre de points de son échelon.
Pour tenir compte de l'inflation, la valeur du point d'indice doit être normalement revalorisée tous les ans lors de négociations salariales entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires. Mais le salaire des fonctionnaires a été laminé par le gel du point d'indice. Il n’a pas été rattrapé par sa hausse de 0,5 % en 2009 ni celle de 1,2 % en deux fois (0,6% en juillet 2016 et 0,6% en janvier 2017).
En 22 ans (de janvier 1994 à juillet 2016), le point d'indice a progressé de 19,4 % alors que l'inflation sur la même période progressait de 39,15 %, soit une différence de 20 points. Pour un débutant dans la fonction publique, à grille indiciaire identique, cela représente une perte de revenu de 20 % sur la période.
Le nouveau monde promis par Emmanuel Macron se solde par une situation inédite : le gel de la valeur du point d’indice pendant les cinq années de sa présidence !
Les retraités et les bénéficiaires de prestations sociales
Les
conséquences négatives pour les salariés des secteurs public et privé touchent également
les bénéficiaires de prestations ou allocations (pensions de vieillesse
ou d’invalidité, retraites complémentaires, allocations chômage, allocations
familiales, allocations logement, etc.) de divers organismes qui utilisent des mécanismes d’indexation plus ou moins originaux qui conduisent à une baisse du pouvoir
d’achat.
Citons
un seul exemple significatif : les allocations familiales dont le montant
est fixé en fonction de la base mensuelle de calcul (BMAF). L'allocation
pour 2 enfants est égale à 32% de la BMAF, pour 3 enfants à 73%, etc. Cette
BMAF est bien revalorisée au 1er avril de chaque année mais sans tenir compte
du taux réel d’inflation, ces différentes revalorisations
inférieures au coût de la vie sont en fait des baisses déguisées !
Cette
situation est encore aggravée par un indice des prix calculé par l’INSEE,
datant de 1946 et qui est loin de refléter la réalité quotidienne car la mesure
de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet Indice n’a
jamais intégré par exemple l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis
» opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro ou l’augmentation de
prix d’un produit nouveau identique à l'ancien mais présenté sous une autre
forme.
Un seul moyen pour préserver efficacement le niveau des salaires et retraites
Seule
une réintroduction de l’échelle mobile des salaires, supprimée en 1982 par la gauche au pouvoir, serait
de nature à préserver le niveau de vie de tous les salariés sans que les syndicats aient à ferrailler chaque année contre les gouvernements successifs ou les organisations patronales.
L’échelle
mobile favorise en outre une solidarité entre les travailleurs des secteurs forts
et ceux des secteurs faibles ainsi qu’entre les travailleurs actifs et
inactifs. Elle est un facteur de stabilité sociale : les négociations
salariales peuvent se concentrer sur l’augmentation réelle des salaires. C’est
également un facteur de stabilité économique car le maintien du pouvoir d’achat
représente un facteur de consommation et donc de croissance économique.
Ce
système existe dans plusieurs pays comme la Belgique et le Luxembourg. Il
peut revêtir différentes formes (ajustement automatique des salaires à chaque
variation de l'indice des prix, ajustement dès que l'indice choisi dépasse un
certain seuil, ajustement à périodes fixes en fonction des variations
enregistrées, etc.). Il existe également mais sans caractère automatique en
Allemagne ou aux Pays-Bas : les syndicats doivent alors négocier pour compenser
la perte de pouvoir d’achat subie depuis les négociations précédentes à la
suite de l’inflation.
Et contrairement
à ce qu’affirment certains pseudo-consultants qui professent à longueur d’année
sur les plateaux télé, une réintroduction de l’échelle mobile des salaires,
datant de juillet 1952 sous la présidence de Vincent Auriol (SFIO), ne
nuirait pas au développement économique. Elle ne favoriserait pas non
plus l’inflation car celle-ci est basée sur l’évolution réelle des prix qui
s’est déjà produite au cours du ou des mois précédents. Ces " experts
économiques " ont tendance à confondre les notions de réelle augmentation
des salaires (supérieure au taux d’inflation) et de simple maintien du pouvoir
d'achat suite au mécanisme d’indexation (égal au taux d’inflation).
En France, en ayant négligé la question essentielle du maintien des rémunérations, les gouvernements successifs depuis 1982 portent une lourde part de responsabilité dans la baisse régulière du pouvoir d’achat et les difficultés financières que rencontrent des millions de salariés.
Et aujourd'hui, en vue de l’élection présidentielle de 2022, tout indique hélas qu'Emmanuel Macron comme ses principaux concurrents ne proposeront pas un système d’indexation automatique des salaires et des pensions sur le taux d'inflation pour protéger le pouvoir d’achat de tous les salariés et retraités…
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