16 septembre 2021

La commission européenne ouvre les vannes à la pêche industrielle

Filet de fond

Chaque rentrée apporte son lot de mesures passées en catimini pendant la période estivale. 

C’est le cas notamment d’un amendement très discret de la Commission européenne, publié le 15 juillet dernier au Journal officiel de l’Union européenne, qui s’avère être une bombe contre la protection de l’océan...

 

La Commission européenne a discrètement modifié le règlement sur les mesures techniques permettant aux navires pratiquant la « senne danoise » (très majoritairement de gros navires néerlandais) d’investir les 12 milles nautiques en mer du Nord de la France, de la Belgique, de l’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas.

La senne danoise est un engin de fond, composé d'une poche en filet en forme d'entonnoir, qui rappelle celle d'un chalut, et de longs câbles rabatteurs attachés à chaque extrémité des ailes du filet. Le filage de la senne se fait suivant un parcours en forme de triangle autour des bancs de poisson.

Les règles pour l’utilisation de la senne danoise qui figurent dans le règlement initial sur les mesures techniques (2019/1241) sont déjà beaucoup trop souples. Malgré cela, la Commission a émis un texte à l’argumentation complètement biaisée, qui a pour effet d’autoriser, sans limitation de la puissance motrice, les navires équipés de la senne danoise, ciblant toutes les espèces y compris la sole et la plie, dans une bande côtière de la mer du Nord appelée « plaice box ». Cette zone de reproduction est réglementée depuis 1989 pour protéger notamment les juvéniles de plies.

Cette proposition va favoriser en tout premier lieu l’industrie néerlandaise, qui a majoritairement investi dans la senne danoise, également sous pavillon français, allemand et belge. Cette flotte continue de s’étoffer afin de compenser les pertes liées à l’interdiction de la pêche électrique en Europe.

Une fois de plus, après la pêche électrique, la Commission européenne montre une évidente proximité avec les intérêts néerlandais, perdant toute neutralité. Il serait temps que la Direction Générale des Affaires Maritimes et de la Pêche (au sein de la Commission européenne) ne donne plus l’impression d’être une succursale des Pays-Bas et que les responsables de cette direction générale qui ont des intérêts plus ou moins liés aux Pays-Bas soient écartés”, analyse ainsi Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association BLOOM.

De graves irrégularités dans l’adoption de ce règlement délégué

S’il est vrai que la Commission européenne a le pouvoir de faire passer par acte délégué, à savoir une procédure simplifiée et accélérée, des amendements au Règlement Mesures Techniques 2019/1241, il semble qu’elle ait oublié un principe élémentaire dans le cas présent : les amendements par acte délégué ne peuvent en aucun cas amoindrir les mesures de conservation établies dans le règlement. Il s’agit ainsi d’éviter que des changements fondamentaux allant à l’encontre du règlement initial ne soient passés sans consultation démocratique. 

Avec cet amendement, la Commission européenne bafoue en fait la consultation démocratique d’usage. La procédure nécessite que ce règlement délégué soit transmis au Parlement européen et au Conseil afin que ces deux institutions fassent éventuellement part de leur objection. Or, cet amendement n’aurait été transmis qu’aux coordinateurs de la Commission de la Pêche du Parlement européen, dont Gabriel Mato et Clara Aguilera, deux eurodéputés historiquement favorables à la pêche industrielle.

Il semble qu’il y ait eu d’autres graves irrégularités qui indiquent que la Commission européenne a abusé de ses pouvoirs :

  • Selon la recommandation commune des Etats membres, « l’interprétation du groupe de Scheveningen composé des directions des pêches de six Etats membres (France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Danemark et Suède) était que les dispositions relatives au cantonnement pour la plie devaient rester inchangées par rapport à l’ancien règlement 850/98.
  • La zone étudiée par le CSTEP (Comité Scientifique, Technique et Économique des Pêches) et qui a fait l’objet de la réunion des Etats membres ne comprend que le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas. La France et la Belgique ont été ajoutées par la Commission européenne dans le règlement délégué sans aucune explication. Il est ainsi possible que la France et la Belgique aient accepté ce règlement sans savoir notamment qu’il concernait leurs eaux territoriales.
  • L’engin « senne danoise » n’est pas correctement défini dans le règlement délégué. Le CSTEP souligne en effet qu'il convient de préciser que la « senne danoise » se réfère uniquement à la « senne ancrée » danoise et non à la senne « écossaise » ou à la senne « flyshooter/flydragger » (code engin SSC) ». Or, ce sont précisément ces derniers engins qui sont utilisés par les industriels néerlandais. De fait, la proposition du CSTEP les excluait, ce que la Commission européenne a habilement contourné en restant floue.

Sans réaction urgente de la France ou du Parlement européen, la pêche industrielle aura réussi à légaliser sa présence dans des zones côtières souveraines des pays et pourra détruire une zone de reproduction de la plie, en accord avec les institutions européennes. Les écosystèmes marins et la petite pêche côtière n’ont pas fini de souffrir...

 

Pour agir, on peut envoyer un email à :

- Emmanuel Macron presidence@elysee.fr 

- Pierre Karleskind pierre.karleskind@europarl.europa.eu (eurodéputé français, Président de la Commission de la Pêche au Parlement européen).

Objet du mail : Recours en annulation

La Commission EU a discrètement fait passer un amendement autorisant les gros senneurs danois dans les zones côtières. La France doit déposer un recours en annulation auprès de la CJUE pour empêcher un carnage environnemental et social.


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