Dans
quelques jours, sera célébré en France et partout dans le monde, le 150ème
anniversaire de la première publication de l'origine des espèces par le moyen
de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la
lutte pour la vie (traduction littérale du titre original en anglais).
Face à
l'offensive des créationnistes, la célébration de cet évènement et «l'année
Darwin» marquée en France par un grand nombre de publications, de
manifestations, de conférences, d'expositions vont permettre de souligner toute
l'importance et la modernité de l'œuvre de Charles Darwin.
C’est en effet le 24 novembre 1859, à Londres, que les 1250 exemplaires du
premier tirage du livre de Charles Darwin étaient vendus dans la journée.
Il
s'agissait d'un pas de géant dans l'histoire de l'Humanité, dans sa marche pour
la connaissance scientifique - libérée des croyances et des idéologies - du
mécanisme de transformation et de diversification adaptative des espèces dans
leur milieu, désignée aujourd'hui comme la théorie darwinienne de l'évolution.
Cette découverte, enrichie des apports ultérieurs de la génétique, constitue le
seul socle scientifique d'explication de l'évolution des organismes
vivants.
La publication de la théorie de la sélection naturelle
Malgré
sa publication dans la précipitation - un de ses confrères, Alfred Russel
Wallace, s'apprêtait en effet à publier une théorie similaire -, l'ouvrage de
Charles Darwin suscite un vif intérêt dans le public, pour l'époque.
La
première édition de 1250 exemplaires épuisée, une seconde de 3 000 exemplaires
est sortie en janvier de l'année 1860. La théorie de Darwin sera exposée de
façon simple dans l'introduction même de son livre : « Comme il naît beaucoup
plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par
conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout
être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans
les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure
chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En
raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura
tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée. »
Bien
que Darwin soit soutenu par certains scientifiques (par exemple, Thomas Henry
Huxley, Ernest Renan ou encore Ernst Haeckel qui le popularise très tôt en
Allemagne), l'évolution par la sélection naturelle fut largement discutée,
voire dénigrée, particulièrement dans les communautés religieuse et
scientifique à cause notamment de la capacité inexpliquée des individus à
transmettre leurs capacités à leurs descendants.
Darwin
reprend en effet l'idée, très populaire à l'époque, de la transmission des
caractères acquis et en propose même une théorie dans son ouvrage de 1868 mais
le mécanisme sous-jacent restera un mystère jusqu'à ce que l'on découvre
l'existence des gènes.
Le
débat public le plus fameux a lieu à Oxford lors d'une réunion de l'Association
britannique pour l'Avancement des Sciences. Joseph Dalton Hooker prend
énergiquement parti pour Darwin tandis que Thomas Huxley se constitue comme le
« bouledogue de Darwin ». Les deux partis se séparent en criant victoire
chacun, mais Huxley reste célèbre par sa réponse. Comme on lui avait demandé
s'il descend bien du singe par son grand-père ou par sa grand-mère, Huxley
rétorque : « C'est Dieu lui-même qui vient de le livrer entre mes mains » et il
réplique qu'il « préférerait descendre d'un singe plutôt que d'un homme
instruit qui utilisait sa culture et son éloquence au service du préjugé et du
mensonge »
L'Origine
des espèces est traduite dans un grand nombre de langues et connaît de
nombreuses réimpressions, devenant un texte scientifique de base accessible à
tous.
La stratégie politique mondiale des créationnistes
Aujourd’hui,
il y a lieu de s'inquiéter de l'offensive radicale du mouvement créationniste
qui avance sous sa forme contemporaine du Dessein Intelligent (Intelligent
Design - ID). On aurait bien tort de considérer ce mouvement comme une
spécificité - un peu folklorique - des Etats-Unis, où fleurissent nombre de
musées de la création faisant cohabiter sur le pont de l'arche de Noé des T-Rex
et des hommes.
L'idéologie
du dessein intelligent ne nie pas frontalement ni le temps géologique, ni
le principe de l'évolution des espèces. Elle les admet même volontiers, mais
l'évolution qu'elle retient n'est pas celle qui est définie dans la théorie
darwinienne qui repose sur le hasard, la variation indéterminée des traits héréditaires,
et la sélection naturelle par adaptation au milieu.
Au nom
d'une démarche prétendument expérimentale, accréditée par des « spécialistes »
de la génétique ou de la paléontologie, les idéologues de l'I.D. se concentrent
sur des exemples particuliers, comme certains systèmes biologiques considérés
par eux comme trop complexes pour être le résultat de l'évolution (thèse de la
« complexité irréductible », des flagelles cellulaires et système immunitaire
par exemple), afin d'insinuer le doute sur l'ensemble de la théorie
darwinienne.
Là se
trouve l'argument central de l'I.D. : si un seul exemple de système biologique
observé vient à échapper à la théorie darwinienne de l'évolution, alors c'est
bien sûr l'ensemble de la théorie qui s'effondre. La brèche est alors ouverte
pour d'autres explications, impliquant une intervention divine ou intelligente
dans la création et l'évolution de la vie. Cette thèse, qui tient beaucoup du
sophisme et repose sur beaucoup d'approximations dans les exemples décrits, est
rejetée par l'immense majorité du monde scientifique.
Aux
Etats-Unis, les tentatives d'introduire l'idéologie du dessein intelligent dans
les programmes de l'enseignement public comme une alternative à la théorie
darwinienne se heurtent d'ailleurs - jusqu'à présent (procès de Dover en 2005)
- à une résistance forte. Mais sur le terrain pseudo scientifique, des
fondations et institutions privées pullulent et débordent aujourd'hui très
largement les frontières des Etats-Unis.
En
Europe, des théologiens des trois religions monothéistes - juive, chrétienne et
musulmane - la relaient ouvertement en trouvant dans l'I.D. un argument
redoutable pour imposer la réintroduction des religions dans le domaine public.
Sous
l'impulsion de Benoît XVI, le Vatican s'implique de plus en plus dans les
débats concernant la science. Des responsables politiques et des personnalités
célèbres de la communauté scientifique y apportent leur caution. Au sein même
des institutions de l'UE, ses promoteurs ont déjà provoqué des incidents
multiples, notamment sur la place de la thèse créationniste et de la théorie
darwinienne de l'évolution à égalité dans l'enseignement. Des ministres
européens en fonction ont pris position dans ce sens. Berlusconi a tenté un
passage en force pour modifier les programmes scolaires.
En
France aussi, ce mouvement s'est implanté, avec notamment l'Université
interdisciplinaire de Paris (UIP), principale officine de l'I.D. à la
française, largement financée par la Fondation Templeton « pour le progrès de
la Religion ».
C'est
pourquoi, 150 ans après la première publication de L'Origine des espèces, il
convient de combattre énergiquement cette nouvelle entreprise politique qui n’a
rien de scientifique et dont l'objet clairement affiché est de favoriser les
convergences entre science et religion.
Les
créationnismes. Une menace pour la société française ?
Cyrille
Baudouin et Olivier Brosseau,
Editions
Syllepse, mai 2008, 138 p., 7 €
> Darwin
sur les traces de l'évolution envoyé par evolution-of-life. - Vidéos des dernières
découvertes technologiques.
Photo Creative Commons
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5 commentaires:
Article intéressant.
Les auteurs du livre “Les créationnismes, une menace pour la société française ?” (Syllepse, 2008) disposent d’un site internet autour de leurs travaux : site Science - Religion - Société
http://www.tazius.fr/les-creationnismes/
Il y a un précurseur à Darwin, c’est Buffon. Après une première étude entrainant son travail de classification par familles dans l’Histoire naturelle basée sur la supériorité de l’homme par rapport aux animaux et devant de ce fait régner sur l’univers.
Il évoluera en entreprenant une étude sur une autre classification. Il abandonnera la classification par famille, pour mettre tous les animaux y compris l’homme sur le même plan car ils lui paraissent organisés selon un même “dessein” primitif.
Buffon suppose alors qu’ils descendent tous d’ancêtres communs et que leurs différences sont liées à leurs conditions de vie (climat, alimentation, etc…).
Il préfigure donc les théories de Darwin sur l’évolution des espèces.
Les dévots de la religion souhaiteront la mise à l’index de ses oeuvres afin qu’elles soient brulées.
Il fut donc l’un de ceux qui engagea le débat et la recherche sur l’évolution des espèces et en ce sens c’est un précurseur et annonce Darwin.
Bonjour...
Darwin est un génie à l’égal d’Einstein, : de part ses découvertes et ses analyses, il a bouleversé toute la conception de la façon dont la vie évolue.
Que des fous ou des crétins firent semblant d’appliquer à la société des théories qui leur échappaient n’enlève rien à Darwin.
Il restera toujours qu’il a été le révolutionnaire qui a osé comprendre qu’en définitive, c’est le hasard et le hasard seul qui préside à l’évolution. Pas de grand ordonnateur là-haut, pas de justification sociale à des pseudo-hiérarchies en bas.
Il faut connaître et faire connaître ses théories.
Avec ce livre ”Les créationnistes : une menace pour la société française”
de Cyrille Beaudoin et Olivier Brosseau,
enfin, un souffle d’air respirable !
s'il y a bien quelque chose qui n'évolue pas c'est la théorie de Darwin !
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