Cinq
jours après l'interruption du comité central d’entreprise d’Air France par
une manifestation de salariés, les négociations ont repris discrètement entre
la Direction et les syndicats, certains évoquant l’hypothèse de la
nomination d’un médiateur.
Si la
chemise déchirée de Xavier Broseta, directeur des ressources humaines, a
fait le bonheur des médias nationaux et internationaux, les salariés restent
très choqués par le plan de licenciements et les propos du 1er Ministre
qui s'est dressé en justicier pour dénoncer les voyous de la République…
L’attitude de la Direction d’Air France pose toujours de graves problèmes à l’ensemble des salariés inquiets à juste titre de la survie de l’entreprise, d'autant que Manuel Valls a conforté ceux qui veulent jeter à la rue les personnels avec leurs familles et qui jouent de la concurrence sauvage imposée dans l'aéronautique, notamment par les princes des monarchies du Golfe, par ailleurs financiers de l'intégrisme rétrograde…
Les récents propos
délirants d’Alexandre de Juniac, président-directeur général d’Air France-KLM,
n'arrangent rien à l'affaire. Lors des rencontres patronales de
Royaumont, fin 2014, il n'a pas hésité à s'interroger sur une remise en
question du droit du travail, des 35 heures, de l'âge de la retraite et même de
l'interdiction du travail des enfants ! Ces propos auraient mérité qu’il soit
démis de ses fonctions car d’autres l’ont été pour moins que ça !
Comment
croire alors dans ces conditions au « dialogue social », d’autant que
de graves erreurs ont été commises dans un passé récent ?
La lourde addition de la privatisation
Le 10
février 1999, le gouvernement de Lionel Jospin privatisait
partiellement Air France. Le 22 février 2002, la compagnie était
introduite en bourse au prix de 14 € l’action. Le 10 juillet 2003,
l'assemblée des actionnaires entérinait la privatisation totale de la compagnie
aérienne qui devenait effective le 6 mai 2004.
Depuis
cette privatisation, les salariés d’Air France paient cher la politique de
financiarisation de leur direction : externalisations, réductions
d’effectifs, gel des salaires et des embauches, casse des acquis sociaux, etc.
Depuis 2004, 6430 départs n’ont pas été renouvelés auxquels il convient
d’ajouter le plan de 1 800 départs volontaires organisé en 2010.
La
première phase du plan Transform 2015 (lancé progressivement depuis
janvier 2012) a liquidé près de 5 600 postes. L’acte II du
plan accentue encore la diminution des effectifs avec la liquidation
de quelque 2 900 postes supplémentaires (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards,
1700 personnels au sol). « En l’espace de quatre ans, on a perdu
entre 12 000 et 15 000 personnes et ça commence à faire beaucoup », s’alarme
Didier Fauverte, secrétaire général de la CGT Air France.
Pour
faire face à l’endettement d’Air France-KLM, aggravé par la crise de 2008, qui
atteignait en janvier 2012, 6,5 milliards d’euros, la direction a misé sur
un vaste plan de restructurations concernant ses activités court et
moyen-courriers et son activité cargo marginalisée de plus en
plus au profit du fret en soute. Or, privilégier les long-courriers, très
rentables jusqu’en 2008, au détriment des court et moyen-courriers, cumulé au
développement des vols low-cost sur petites distances, a contribué à creuser le
déficit des vols courts.
Aujourd’hui,
le plan « Perform 2020 » prévoit une réduction de voilure sur le
long-courrier en deux phases : cinq avions en moins en 2016, des réductions de
fréquences et la non-entrée dans la flotte de Boeing 787. Puis en 2017, la
sortie de neuf autres appareils et la fermeture de cinq lignes en Asie.
L’histoire des Rafale
En mai dernier François Hollande est arrivé à Doha, au Qatar, accompagné des ministres des affaires étrangères et de la défense, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian, pour assister à la signature officielle de deux contrats de vente de 24 avions de combat Rafale.
Le Qatar avait mis une condition à l’achat de ces avions : obtenir des droits de trafic supplémentaires vers la France pour sa compagnie aérienne, Qatar Airways. L’émirat a eu finalement gain de cause et ses avions qui desservent déjà Paris, pourront désormais atterrir à Lyon et à Nice, vraisemblablement trois fois par semaine.
En
agissant ainsi, François Hollande aiguise de fait la concurrence avec Air
France poussant cette dernière à de nouveaux licenciements. Mais de cela
ni Valls, ni Hollande ni les médias n’en disent mot !
Air
France, en difficulté, a déjà du mal à résister à la concurrence des compagnies
du Golfe. Cette fois, ce sera encore plus difficile car en s’installant dans
des aéroports régionaux français, les avions quataris risquent de détourner le
trafic vers le hub de Doha, au détriment de Paris.
Cette décision pénalise donc la compagnie au moment même où elle tente de se redresser. Elle pourrait même aggraver la situation car Air France sera peut-être contrainte de revoir ses vols. Or, quand un avion long-courrier est retiré de la flotte, ce sont 300 emplois directs en moins !
La
décision apparaît d’autant plus incompréhensible qu’elle est prise par l’Etat,
qui est actionnaire de la compagnie aérienne à 17 %. Les Émirats arabes
unis, qui sont, eux aussi, intéressés par des avions de combat, pourraient
faire la même demande auprès des autorités françaises pour leur compagnie
aérienne Etihad !
Dans
un communiqué, le syndicat national de pilotes de ligne d’Air France (SNPL)
s’inquiète donc de la « mort à terme » de l’ensemble du
secteur : « Le seul élément qui protège encore les compagnies
aériennes européennes au sein d’une compétition absolument faussée, c’est la
non délivrance d’autorisations de desserte supplémentaire des aéroports
européens aux compagnies non respectueuses des règles de concurrence ». Le
syndicat dénonce « la concurrence déloyale des compagnies du Golfe,
qui touchent de la part de leur gouvernement des subventions colossales,
estimées à plus de 40 milliards de dollars ces dernières années. »
Entre :
- l'ex-premier ministre socialiste, Lionel Jospin, qui a privatisé Air France en 1999 (l'ensemble des privatisations sur la période 1997-2002 ayant rapporté 210 milliards de francs en cinq ans, un record absolu !),
- les actionnaires qui veulent maximiser les profits,
- le PdG d'Air France, Alexandre de Juniac, qui aurait augmenté son salaire de 70 %, selon plusieurs sources syndicales,
- le DRH, Xavier Broseta, qui aurait provisionné une cagnotte de 150 millions € pour les retraites chapeaux des principaux dirigeants, selon les mêmes sources syndicales,
- le président de la République, François Hollande, qui autorise la desserte supplémentaire des aéroports français aux compagnies non respectueuses des règles de concurrence,
- le 1er ministre socialiste, Manuel Valls, qui a déjà privatisé partiellement l’aéroport de Toulouse-Blagnac (49,9% au consortium sino-canadien SNC Lavalin et Symbiose), malgré près de 10 millions de bénéfices annuels,
- le Ministre de l'économie, Emmanuel Macron, qui veut privatiser les aéroports de Lyon-Saint Exupéry et Nice-Côte d’Azur,`
- et les salariés qui veulent défendre leurs emplois,
les voyous ne sont pas ceux qu’on croit...
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