23 juillet 2013

Euro : l'ignorance ou la mauvaise foi du PCF...

Sigle
La crise de l’euro est interprétée de façon bien curieuse par la plupart des observateurs. Malgré la tempête qui menace, on ne veut pas, au PS ou à l'UMP notamment, aborder la responsabilité première de ceux qui ont imposé une monnaie unique à des économies profondément différentes. 

Mais chose plus déconcertante, même à la gauche de la gauche (PCF, Front de Gauche, PG), on pense aussi qu’il est possible de faire une autre politique tout en restant dans l’euro…


On le voit bien en définitive, l’euro ne peut pas fonctionner en l’état actuel car on ne peut pas plaquer une monnaie unique sur des économies, des structures sociales et politiques extrêmement disparates. On ne peut pas davantage l’étayer par un « gouvernement économique européen » qui serait en réalité un gouvernement économique fédéral dont personne ne veut réellement, à commencer par les citoyens. 

Aujourd’hui, le choix est simple : soit les dirigeants européens continuent leur fuite en avant, soit ils organisent une transformation en douceur de la zone euro avec le passage de la monnaie unique à la monnaie commune. 

L’euro resterait un instrument de réserve mais chaque pays retrouverait sa monnaie nationale lui permettant de restaurer sa compétitivité. L’euromark remonterait, l’euro-peseta serait dévaluée fortement et ainsi les excédents comme les déficits des balances commerciales se rééquilibreraient peu à peu. Les emplois se relocaliseraient. 

C’est la seule solution raisonnable mais les responsables européens, Angela Merkel et François Hollande en tête,  la considèrent purement et simplement comme hérétique.

C'est curieusement le cas aussi pour les organisations à la gauche de la gauche comme le démontre un article de Jacques Sapir que nous publions. Les arguments du PCF, et ceux comparables du FdG et du PG, ressemblent étrangement à la rhétorique sociale-libérale. Il suffirait en quelque sorte de taper fort sur la table, comme le répète à longueur de discours Jean-Luc Mélenchon, pour que les choses changent. 

Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ! Dans une Europe acquise aux thèses ultra-libérales et où les décisions importantes se prennent à l’unanimité, cette thèse est non seulement simpliste mais également un mauvais coup contre les citoyens qui aspirent à un vrai changement…    



La revue « officielle » du PCF sur l’économie, Economie et Politique vient de publier un article d’une rare nullité sur la question de l’Euro. Il ne vaudrait pas la peine d’être cité s’il ne contenait de telles erreurs qu’il en devient un bon exemple d’un discours d’aplatissement complet devant Bruxelles et la BCE. Cet article, sans les citer, se veut une « réponse » aux différentes notes qui ont été publiées sur le carnet « Russ Europe ». C’est une deuxième raison de l’analyser. 

Il commence tout d’abord par une affirmation :


« Le commerce extérieur de la France, souffre d’un déficit annuel de 60 à 70 milliards d’euros. Le retour au Franc, qui se ferait alors au prix d’une dévaluation de l’ordre de 25 % par rapport à l’euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations. » 

Visiblement les auteurs de cet article qui se prétendent économistes semblent manifestement ignorer la notion d’élasticité-prix qui est pourtant fondamentale dès que l’on parle de dévaluation ou de réévaluation d’une monnaie. Cela signifie que, sauf pour les produits pour lesquels il n’existe pas de substituts directs ou indirects, une hausse des prix (dans le cas d’une dévaluation) va provoquer un changement plus ou moins important des quantités importées. Ce changement s’explique par le fait que les consommateurs vont se tourner soit vers le même produits, mais fabriqué en France, soit vont se tourner vers des produits légèrement différents dont le coût est moindre mais dont l’usage procure une satisfaction équivalente, ce que l’on appelle l’effet de substitution. La hausse des prix ne concerne pleinement QUE les produits considérés comme non-substituables (par exemple les carburants). Cependant, là, il faut savoir que le prix à l’importation (hors taxes) ne représente que 25% du prix du produit. Donc, une dévaluation de 25% n’augmentera d’un quart que le quart du prix, soit de 6,25%. Par ailleurs, ces produits non-substituables ne représentent qu’environ 30% de nos importations. Croyez-vous que l’on trouvera de tels chiffres dans l’article ? Que nenni ! Messieurs les économistes du PCF sont bien au-dessus de ces considérations qui leurs semblent terre à terre. 

Par ailleurs, la question des élasticités-prix doit être aussi évaluée non seulement pour les importations mais pour les exportations. Nos produits, dans le cas d’une dévaluation, coûteraient 25% de moins. Les volumes consommés par les clients étrangers augmenteraient et ceci même en économie stationnaire. En fait, ces élasticités ont été calculées par de nombreuses sources (dont l’équipe de recherche économique de NATIXIS) et tous les résultats sont très favorables pour la France dans le cas d’une dévaluation. En réalité, la valeur de l’élasticité totale du commerce extérieur (importations et exportations) dépend du montant de la dévaluation (ou de la réévaluation). Si l’on postule une dévaluation de 25% par rapport au Dollar mais de probablement 35% par rapport au « nouveau » Deutschemark on obtient des élasticités encore plus favorables dans le cas de la France.

L’article affirme ensuite la chose suivante :


« C’est ne pas comprendre à quel point le surcroît de compétitivité-prix que cela prétendrait donner aux exportations françaises se ferait surtout au détriment de nos partenaires d’Europe du sud, l’Allemagne voyant au contraire son excédent commercial gonflé par une dévalorisation du travail des Français qui rendra meilleur marché ses importations en provenance de son principal partenaire commercial. Tout cela dans un contexte de spéculation déchaînée. » 

Ici encore on combine les approximations avec la mauvaise foi. La compétitivité-prix ne se ferait pas au détriment des pays de l’Europe du Sud, dont toutes les estimations montrent qu’ils auraient intérêt à dévaluer plus que nous. Les gains quant aux exportations se feraient essentiellement au détriment de l’Allemagne qui verrait son excédent commercial de 5% du PIB se transformer en un déficit de -3% du PIB. La situation de l’Italie serait en réalité plus favorable que celle de la France. C’est ce que l’on a montré dans une note publiée sur Russ Europe. Ensuite, on prétend que l’excédent commercial de l’Allemagne sera gonflé, ce qui est une affirmation contraire non seulement à toutes les estimations mais au simple bon sens économique. En réalité, l’Allemagne verra son excédent se transformer temporairement en déficit, mais devrait bénéficier d’un effet de baisse des prix non négligeable.   

Enfin, et c’est là où les auteurs de l’article ne sont pas simplement de mauvais économistes mais sont aussi d’une mauvaise foi remarquable, c’est quand ils affirment que Tout cela [se passerait] dans un contexte de spéculation déchaînée. Or, il est très clair qu’une dévaluation, autrement dit une sortie de l’euro, ne pourrait avoir lieu que dans le cas où l’on aurait un contrôle des capitaux des plus stricts, comme celui existant actuellement pour Chypre. On a dit et répété que la crise chypriote avait été l’occasion de vérifier la possibilité matérielle d’un contrôle des capitaux au sein de la zone Euro et en contradiction avec le Traité de Lisbonne. Non seulement nos auteurs de l’article d’Économie et Politique sont aveugles mais à l’évidence, ils sont sourds ! 

Troisième point, et c’est là ou éclate toute la mauvaise foi des auteurs de cet article, on trouve l’affirmation suivante :


« Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd’hui elle est détenue à 60 % par des opérateurs non-résidents, banques, sociétés d’assurances, fonds de pension… Le retour au Franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25 % sur les quelques 1140 milliards d’euros de titres de dette détenus hors de France ». 

Rappelons ici que le problème n’est pas dans le statut de l’opérateur mais dans le lieu d’émission du contrat. C’est un fait de droit international que nos auteurs soit ignorent superbement (et ils devraient d’urgence aller suivre des cours) soit cachent à leurs lecteurs, et donc font de la désinformation. En réalité, 85% des montants de la dette française sont émise dans des contrats de droit français. Ces contrats stipulent que la dette sera remboursée dans la monnaie ayant cours dans notre pays. Cela signifie qu’en cas de sortie de l’Euro cette dette sera re-libellée en Francs pour les mêmes montants qu’en euro. L’effet de réévaluation de la dette ne portera que sur les 15% restant. Ici encore 15% augmenté de 25% ne représentent que 3,75% du total et non de 25% comme il est affirmé. Il est clair que les auteurs jouent sur la méconnaissance de leurs lecteurs, et cherchent à provoquer un effet de peur afin d’écarter toute discussion sérieuse sur une sortie de l’Euro. C’est bas, et c’est lamentable !

Les affirmations qui suivent ne sont qu’une manière de farder la vérité. Croire que l’on peut faire changer la structure de la zone Euro sans en passer par une crise majeure et par une dissolution de la monnaie unique est une vue de l’esprit, qui sied peut-être à des discussions de café du commerce mais certainement pas à un débat raisonné sur les alternatives à la crise actuelle. Les auteurs de cet article n’ont pas seulement commis un mauvais coup contre les peuples de France et des pays de l’Europe du Sud, ils ont, par les inexactitudes et fausseté répétées que cet article contient, déshonoré le nom d’économiste qu’ils se donnent à des fins de pur et simple propagande. 

 


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