16 octobre 2013

Les agités du dimanche et de la nuit

C'est sacré !
On ne fait pas la manche, on veut travailler le dimanche, ont lancé une poignée de salariés de Leroy Merlin et de Castorama, des enseignes condamnées à fermer leurs magasins le dimanche en Île de France. Ceux de Sephora sur les Champs Elysées, guère plus nombreux, ont manifesté dans la rue pour travailler la nuit au-delà de 21 heures.

Des mouvements qui profitent en fait du soutien des directions des magasins et qui n’ont pas d’autre objectif que de manipuler l’opinion publique…


Travailler le dimanche est-il utile pour l’économie et la croissance en ces temps de vache maigre ? De nombreux économistes prétendent qu’il n’y a pas vraiment nécessité d’avoir un jour ouvré de plus dans la semaine et que le surplus de consommation entraîné au final est très mince car les achats reportés le dimanche auraient été de toute façon effectués. 

Sans parler des effets négatifs de cette loi sur les marchés traditionnels du dimanche qui participent à la convivialité des villes et villages ! Car la loi prévoit déjà depuis belle lurette des exceptions. Il y a des métiers qui ont toujours bénéficié de dérogations pour le bien-être de tous : infirmières ou médecins de garde dans les hôpitaux, pompiers, journalistes de presse quotidienne (pour préparer le journal du lundi), gardiens de musée, etc. Mais fallait-il ouvrir les centres commerciaux ? Est-ce vraiment nécessaire pour le bien commun ?

Aux cris de « Yes week-end » ou de « like » sur Facebook, il aura suffi de quelques jours d’agitation médiatique organisée par un collectif des bricoleurs du dimanche pour que le gouvernement annonce une énième mission. Elle a été confiée à Jean-Paul Bailly, ex-PdG de La Poste, qui s’était déjà exprimé sur le sujet dans un rapport de  2007 et qui est un fervent  partisan du travail le dimanche.

La mission Bailly répondra donc au coup de gueule organisé par des groupes créés en quelques heures sur les réseaux sociaux. Pourtant, le collectif « Yes week-end », celui des « Bricoleurs du dimanche », ainsi qu’une certaine Marie-Cécile, porte-parole de salariés de Sephora, sont les vitrines d’un seul et même lobbying libéral que beaucoup de salariés ignorent.

« Yes week-end » a pour jeune porte-parole Jean-Baptiste Jaussaud, qui est aussi le représentant de l’organisation « Liberté chérie », une fédération d'associations ayant pour vocation de réformer le modèle social français Elle vise à promouvoir la pensée libérale et refuse toute subvention publique. Ce personnage cumule aussi les casquettes de promoteur en France du mouvement ultraconservateur des Tea Party et d’entrepreneur marseillais. Il a soutenu en 2012 le mouvement des « pigeons entrepreneurs », qui a fait reculer le gouvernement socialiste sur la taxation des plus-values de titres de société...

Les « bricoleurs du dimanche » sont quant à eux soutenus par Gérard Fillon, employé à Leroy Merlin de Gonesse (95) qui surfe intensément sur sa page Facebook. Reçu à Matignon en lieu et place des syndicats représentatifs du personnel, ce prétendu collectif bénéficie des conseils d’une agence de communication, rétribuée par les directions de Castorama et de Leroy Merlin…

Et le surprenant mouvement né autour de l’enseigne Sephora et son magasin des Champs Elysées, condamné à respecter la loi qui oblige l'enseigne de cosmétiques à baisser son rideau avant 21 heures, est animé par Marie-Cécile Cerruti, militante UMP qui s’affiche souvent en compagnie de Jean-François Copé ! La jeune femme est également membre du bureau national du mouvement des étudiants (MET), la branche universitaire de l'Union nationale inter-universitaire (UNI), devenue la fédération de la droite dans l'éducation nationale…

Finalement, avec ses messages réactionnaires parés de vertu, ce lobbying en faveur du travail le dimanche ou de la nuit n’a pas d'autre but que de faire bouger le gouvernement.

Mais s’il y a un temps pour la consommation, il y a un temps pour le repos, pas seulement le repos individuel chacun dans son coin mais le repos de la famille et de la société dans son ensemble. Il convient donc de continuer à considérer le dimanche comme un jour hors marché (à l’abri des grandes enseignes du moins), un jour différent des autres, indispensable à la respiration de notre société déjà trop saturée de biens de consommation. 

A moins de considérer qu’emmener sa famille au centre commercial le dimanche soit le summum du loisir, l’aboutissement mérité d’une dure semaine de labeur, une récompense offerte à ses enfants, il y a tant d’autres choses à faire le dimanche…


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