Les
députés de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan (non inscrit) et du Nord Alain
Bocquet (communiste) ont présenté devant la Commission des affaires étrangères
de l'Assemblée nationale, le résultat des investigations qu'ils ont menées dans
le cadre de la mission d'information sur les paradis fiscaux, constituée en
novembre 2012.
Les
deux députés ont conduit leur enquête en se rendant dans de nombreux pays pour
interroger les acteurs de la désertion fiscale, ceux qui la combattent, comme
ceux qui en vivent.
Nicolas
Dupont-Aignan en a tiré un livre, sans doute son meilleur livre, à
recommander vivement « Les voleurs de la République »…
Le
premier intérêt du rapport des deux députés est de dresser un nouvel état des
lieux, documenté et chiffré, de ce qu'ils nomment "le poison moderne des
démocraties", en révélant des sommes, des lieux, des noms de
multinationales s'adonnant à une optimisation abusive de leurs impôts à
travers, notamment, la technique financière des prix de transfert (qui revient
à transférer les bénéfices dans les pays à fiscalité faible voire nulle).
Parmi
les nombreux parasites fiscaux, la Suisse viendrait en première position et
abriterait plus de 2 000 milliards de capitaux (dont plus de 1 000 venant
d’Europe), suivie par la Grande-Bretagne, l’Irlande et les îles britanniques (1
900 milliards, dont 750 venant d’Europe). Puis, suivent les Caraïbes et Panama
(900), Hong-Kong et Singapour (900), les Etats-Unis (700) et le Luxembourg
(600). En tout, cela représente 3 000 milliards de capitaux européens !
Dans
son livre, Nicolas Dupont-Aignan raconte son enquête de manière très vivante.
Il parle d’une « terrible tumeur qui métastase les piliers de notre
société, de notre prospérité : l’égalité républicaine devant l’impôt ».
Il y raconte sa colère devant l’ampleur du phénomène et la petitesse des moyens
consacrés à lutter contre.
Il
raconte son voyage en Suisse et la surprise des banquiers locaux devant le
grand écart des politiques nationaux, qui parlent beaucoup, mais ne font
presque rien quand ils sont au pouvoir contrairement à d’autres pays au monde,
notamment les Etats-Unis ou l’Allemagne.
Il
parle longuement du cas d’Hervé Falciani, cet ancien banquier qui travaillait
pour HSBC en Suisse qui a rompu la loi du silence en constatant les pratiques
dangereuses et illégales de la banque. Nicolas Dupont-Aignan rapporte que la
France n’a pas fait grand-chose de ses listings, au contraire de Washington et
souligne que notre administration fiscale manque cruellement de moyens.
Puis
il rapporte son passage à Londres et évoque les astuces fiscales des groupes du
CAC 40 100% privés, qui paient 3% d’IS contre 30% pour les entreprises de moins
de 10 salariés. Il détaille les innombrables manières utilisées par les grandes
entreprises pour voler le fisc, en mettant tous leurs profits dans des
parasites fiscaux en jouant sur les prix de transfert. Il dénonce la place
prise par l’Europe dans ce pillage de la base fiscale des Etats, avec le
Luxembourg, le Royaume Uni et ses îles… Il détaille ensuite le scandale de la
fraude à la TVA, qui nous coûte au moins 10 milliards par an !
Comment en sortir ?
Outre
le fait de présenter un constat précis et détaillé, l’autre intérêt du livre de
Nicolas Dupont-Aignan est de contenir de nombreuses propositions. De ses
voyages à l’étranger pour étudier le mode de fonctionnement des autres pays,
Nicolas Dupont-Aignan et Alain Bocquet ont ramené de nombreuses bonnes
pratiques et idées qui permettraient de s’attaquer à ce cancer qui mine la
France. Il propose notamment d’augmenter les moyens d’investigation de
l’administration, de couper le lien avec Bercy et d’imposer aux banques de
communiquer au fisc le détail des comptes, comme cela a été fait aux
Etats-Unis.
Les
enjeux sont considérables. La désertion fiscale priverait l’Etat de 60
milliards d’euros au moins, soit à peine moins que le déficit public. Conjugué
à un protectionnisme ciblé pour équilibrer nos échanges, qui pourrait créer un
million d’emplois, les comptes de l’Etat pourraient être alors en net
excédent ! Bref, les déficits d’aujourd’hui sont en fait le fruit d’une
ouverture inconsidérée de nos frontières, qui mine notre base productive comme
fiscale.
Si
l’on veut mettre fin à ce fléau qui pousse les Etats au moins-disant fiscal, il
faudrait restreindre la circulation des capitaux, des biens et des personnes
car il est bien évident que c’est cette libéralisation anarchique qui permet
aux parasites fiscaux de prospérer…
Il est
incroyable et bien triste de constater à quel point nos gouvernements
successifs, UMP comme PS, n’arrivent pas ou ne veulent pas comprendre ce vice
fondamental de la mondialisation et n’ont presque rien fait à ce jour pour le
corriger.
Car il
serait parfaitement possible de mettre au pas les parasites fiscaux. Le Général
de Gaulle, par exemple, déclara en 1962 le blocus de la principauté de Monaco
et instaura un contrôle douanier à la frontière entre les deux Etats. A
l’occasion de ce conflit, la France avait montré qu’elle entendait rappeler la
Principauté au respect de ses engagements bilatéraux. En exigeant l’abolition
du privilège fiscal accordé par Monaco aux ressortissants français, elle
invitait l’Etat monégasque à respecter la souveraineté fiscale
républicaine.
Mais aujourd’hui,
la France et la commission de Bruxelles restent très en retrait dans la lutte
contre les parasites fiscaux non seulement dans le monde mais aussi et surtout
au sein même de la communauté européenne...
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