A
Docelles dans les Vosges, la plus vieille usine de France, née en 1478 à
l’époque de Johannes Gutenberg, est menacée de fermeture définitive.
Le
groupe finlandais UPM-Kymmene, spécialisé dans les produits forestiers et
employant 25 000 personnes dans le monde, veut en effet fermer cette usine
de production de papiers spéciaux, dans le cadre de sa stratégie
internationale…
En
décembre 2013, la direction des papeteries de Docelles annonce la fermeture de
l’usine, spécialisée notamment dans la fourniture de papiers pour magazines. Un
plan social de suppression de 161 emplois est présenté.
Début
janvier 2014, le plan social est validé par les autorités françaises mais
localement, des experts affirment que l’entreprise est viable car c’est une
unité moderne ayant bénéficié, il y a sept ans, d’un investissement de 26
millions d’euros !
84
salariés se portent alors candidats à la reprise du site dans le cadre d'une
SCOP. Le projet prévoit la reprise de 116 personnes la première année, 130 la
seconde puis 160 la troisième avec, il est vrai, des réductions de salaires de
15 %. Les besoins en fonds de roulement, évalués à 15 millions d’euros,
sont couverts par une partie des indemnités perçues par les ex-salariés et de
l’enveloppe du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ainsi que des financements
coopératifs et bancaires. Ce projet est soutenu par le gouvernement, les
collectivités locales, le mouvement coopératif et plusieurs banques.
Une
seule chose manque : la propriété du site que le groupe refuse de céder.
Les salariés, s’estimant lésés par cette fermeture brutale, réclament fort
légitimement que celui-ci soit cédé pour un euro symbolique. Mais le groupe UPM
demande qu’une nouvelle offre soit formulée pour la reprise du site. Les
salariés proposent alors 3 millions d’euros, somme non négligeable et qui
représente 35 000 euros par sociétaire !
Début
mars 2014, UPM rejette sèchement l’offre des salariés, indiquant pour la
première fois qu’ils en exigent maintenant entre 10 et 12 millions d’euros.
Impossible et inacceptable pour les salariés. « Au départ, nous voulions
racheter l’usine pour l’euro symbolique, ce que UPM a refusé. Nous sommes
montés à 3 millions d’euros, ce qui est énorme. Mais UPM n’a pas tenu ses
promesses de vendre ses actifs, ils nous ont menti » déclare Sébastien
Saget, délégué syndical CGT dans l’entreprise.
L'avocat
des salariés, Me Ralph Blindauer, estime pour sa part que le groupe finlandais
a "multiplié les obstacles pour ne surtout pas vendre l'usine,
contrairement à ses promesses initiales". Les responsables d'UPM
"s'ingénient à torpiller toutes les solutions mises en place", a-t-il
dénoncé, faisant part de "l'intention d'aller porter le fer en Finlande
avec les élus locaux".
Le
19 mars 2014, une opération portes ouvertes est organisée à l’appel de
l’intersyndicale CGT et CFE-CGC. Il y a là des familles, des enfants qui
découvrent les gigantesques cuves, les pulpeurs, les moteurs, les tubes, les
chaînes de l’entreprise. " 400 à 500 personnes sont venues lors de nos
portes ouvertes, ce qui est plutôt encourageant. L'idée, c'était aussi de faire
un point complet avec les salariés, de voir qui est toujours partant pour une
éventuelle SCOP si on arrive à convaincre UPM ", a expliqué à l'AFP
Sébastien Saget.
Prochain RV à Munich le 12 mai prochain
Le 24
avril 2014, les salariés se réunissent pour affiner leur stratégie et entament
des procédures juridiques pour mettre la pression sur UPM.
40
salariés déposent un dossier aux Prud’hommes pour non-exécution du Plan de
sauvegarde de l’emploi. 30 autres seront déposés dans les jours qui viennent
pour licenciement sans cause réelle. Les porteurs du projet SCOP déposent aussi
une plainte auprès du Tribunal de commerce pour obstruction à la vente.
Le
Ministère du redressement productif reste mobilisé sur le dossier et les
représentants des salariés doivent rencontrer le 12 mai prochain le responsable
du Groupe finlandais chargé des cessions à UPM Munich. Puis ils prendront
contact avec le comité d’entreprise d’Augsburg. « Nous avons également
fait partir une demande de médiation auprès du point de contact national de
l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) »
complète Nicolas Prévot, le représentant de la CFE-CGC.
Doit-on
accepter que ce groupe dicte ses conditions et envoie dans la misère 161
salariés ou va-t-on réquisitionner l’usine pour que les emplois et savoir-faire
locaux restent ? Au centre de cette question se trouve la pertinence du
droit de propriété.
Deux logiques
sont désormais face à face. Celle des salariés qui exigent le maintien des
emplois et du savoir-faire local, exigence qui conditionne souvent la vie d’une
localité. Celle des actionnaires qui, au nom du sacro-saint droit de propriété,
estiment avoir le droit de fermer une usine en bloquant toute perspective de
maintien de la production, quitte à laisser celle-ci dépérir.
La loi
Hamon permettant la reprise des entreprises par les salariés n’est toujours pas
votée ! Quelle application sera faite de la loi dite
« Florange » qui impose aux entreprises fermant des sites rentables
de rechercher un repreneur ? Ici, le repreneur était tout trouvé : la
SCOP. A ce jour, il n’y en a plus d’autres...
Pour
sauver la papeterie de Docelles, signer la pétition ICI
Photo
Creative Commons
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